009

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Drake frappa à la porte et Guenièvre lui ouvrit presque directement.

— Sire, dit-elle en s’inclinant.

— Guenièvre, salua-t-il.

Il pénétra dans la chambre et approcha du lit. La princesse d’Ewatha était allongée, encore fort pâle. Mais son regard était alerte.

— Bonjour, Aliénor.

— Sire, fit la jeune fille en se redressant.

— Ne prenez pas la peine de vous lever, dit-il en s’avançant encore. Vous devez encore prendre du repos avec ce qui vous est arrivé. J’ai appris que vous avez quelques difficultés à vous souvenir…

— Oui, sire. Je…

La jeune fille resta un instant pensive alors qu’elle écartait une mèche de ses cheveux et la glissait derrière son oreille.

— Je ne me souviens pas des circonstances qui m’ont amenée ici, à Nanlimar.

— De quoi vous souvenez-vous ? S’enquit le roi.

— Hmmm… Je me souviens… de flammes… J’étais dans une grange qui était la proie des flammes. Et …

Une expression d’effroi anima le visage d’Aliénor. Quelque chose d’horrible à son sens s’était donc produit lors de l’attaque que Drake avait ordonnée. Avec beaucoup de chance, il avait envoyé les deux jeunes filles en exil ou elles avaient réussi à échapper à ses hommes, ou bien elles étaient mortes sous les flammes. Que ce soit l’un ou l’autre cas, il ne pouvait rien faire pour apaiser sa soudaine détresse. Il avait déjà envoyé en exil les quelques prisonniers par bateaux vers les terres lointaines.

— Oh non ! MES AMIES ! ELLES … ELLES Y ÉTAIENT AUSSI !

L’homme s’avança et posa une main sur l’épaule de la jeune fille pour l’empêcher de se redresser encore plus.

— Vous ne pouvez plus rien pour elles, dit-il simplement alors qu’elle s’accrochait à lui. Je suis navré. Sincèrement.

La jeune fille pleura dans ses bras, le visage plongé dans son épaule. Il posa une main dans son dos et resta immobile, un peu surpris. Il n’avait jamais été en compagnie d’enfants ou de qui que ce soit d’autre avec le cœur en émoi. Il ignorait totalement comment réagir. Il tourna la tête vers Guenièvre en quête d’aide mais cette dernière était penchée sur le feu à le raviver. Il la vit toutefois redresser la tête quelques secondes plus tard vers lui, le visage légèrement peiné.

Elle se releva et approcha d’eux au plus grand soulagement du roi. Drake s’écarta et laissa la main à la femme. Il aurait souhaité parler plus longuement à la jeune fille mais elle semblait bien trop bouleversée pour pouvoir l’écouter en cet instant. Dans un sens, cela l’arrangeait un peu. Cela lui permettait de réfléchir un peu plus sur la façon dont il allait aborder la raison de sa présence au château.

Il prit congé et sortit. Il descendit les escaliers et s’arrêta quelques mètres plus loin dans le couloir. Il était vraiment désolé pour avoir causé de la peine à la jeune fille. Cela n’avait jamais été son intention. Il ne souhaitait du mal qu’à Rowan.

Pourquoi fallait-il toujours que les personnes innocentes qui souffraient ? Il se le demandait…

Il ne se considérait pas comme innocent, loin de là. Aucun roi ne pouvait l’être. Ils avaient toujours du sang sur les mains et des décisions difficiles à prendre. Entre deux calamités, il valait toujours mieux prendre le moindre mal mais parfois, ce n’était pas toujours possible. Mais c’était en ces choix difficiles qu’on pouvait reconnaître un bon dirigeant. Certes il n’était pas parfait mais il pensait être au moins assez bon pour assurer la prospérité et la sécurité de son royaume. Il avait juste eu un désir personnel à satisfaire qui le hantait depuis des années, celui de se venger de Rowan pour la disparition de la seule femme qu’il ait jamais aimée… Et il venait de faire souffrir tout ce qu’il restait d’elle sans le vouloir.

Il inspira profondément et reprit sa marche d’un pas décidé. Il venait de se faire une promesse. Plus aucun mal n’arriverait à cette jeune fille. Elle était la fille de Lilian, il la protégerait.



Rowan faisait avancer sa monture avec peine sur le chemin enneigé. Au début, les routes étaient juste légèrement glacées mais encore praticables sous la neige. Mais le temps s’était très vite dégradé. De simple chute fine, c’était devenu bien rapidement une terrible tempête. Toute la région depuis l’Obélisque jusqu’au bois des érables noirs était balayée par de puissantes rafales de vent glacial. La neige leur fouettait le visage et engourdissait leurs mains déjà gelées. Sans parler de la couche blanchâtre qui ne cessait de s’épaissir sur le sol. Elle arrivait déjà au niveau du coude des nombreux chevaux et ils peinait à avancer.

— Sire ! cria un soldat en approchant de lui avec difficulté, une torche en main.

Rowan quitta un instant son objectif invisible des yeux pour fixer l’homme qui l’appelait.

— Qu’y a-t-il, Wymark ?

— Le temps ne fait qu’empirer, sire ! Les chevaux sont épuisés ! Si nous continuons ainsi, nous risquons d’y rester !

— Nous continuons !

— Je vous en conjure, sire ! Il nous faut nous arrêter et poser le camp avant que nous mourrions tous d’épuisement ou de froid !

Le roi resta un instant figé face à l’audace de son chevalier. Il osait lui tenir tête ainsi ! Puis, la raison prit peu à peu le pas sur sa colère qui le rongeait depuis presque trois semaines déjà. S’il voulait pouvoir arriver à destination et mener un siège, il allait devoir y parvenir avec toutes ses troupes. Dès lors, le repos s’imposait.

Il donna l’ordre pour mettre pied à terre et dresser le camp. Les hommes firent de leur mieux dans les conditions climatiques horribles pour allumer un feu et monter les tentes. Ils y parvinrent finalement au bout de plusieurs heures de travail acharné.

Le roi s’installa dans la sienne et étendit une carte de Graym Skaria. Il grommela dans sa barbe. Il ne savait pas exactement où il était à cause du blizzard mais il se doutait qu’il ne devait pas être très loin au nord de l’Obélisque de la Montagne du Sang. Ils avaient parcouru à peine quelques lieues. Il restait encore tant de chemin avant de pouvoir parvenir au château de Drake.

Il ragea et écarta la carte d’un geste vif. Pourquoi avait-il attaqué à la veille de la Grande Nuit et de Souffretempête ?! Quel lâche ! Ce rustre qui se prétendait roi n’avait-il donc aucun honneur ?!

Il finit par se coucher pour tenter de prendre un peu de repos. Hélas, la peur et l’inquiétude qui le rongeaient l’empêchèrent de trouver le sommeil. Alors il écouta simplement le vent et la neige qui violentait les pans de toile de sa tente, dans l’attente du jour suivant.

Il espérait vraiment qu’ils pourraient continuer leur route. Il ne voulait pas abandonner son Aliénor adorée. Mais si le temps restait à la tempête, il serait obligé d’ordonner le replis en attente d’une météo plus clémente.



Comme Aliénor se sentait beaucoup mieux depuis quelques jours, le roi Drake avait fait venir une couturière. Alors, la jeune demoiselle se tenait debout sur un tabouret et se laissait faire pendant qu’on prenait ses mesures. Elle avait la tête un peu dans les nuages mais restait suffisamment attentive pour prendre les positions que la couturière lui demandait pour faciliter son travail.

Elle restait encore affligée par la mort de ses amies mais elle ne pouvait rien faire de plus qu’attendre au château du roi Drake que le temps soit plus clément pour pouvoir sortir. Et probablement quelques mois supplémentaires pour que les routes soient plus praticables et sûres jusque dans les plaines d’Ewatha.

Quand elle descendit du tabouret, elle fit face à Guenièvre. La femme lui tendait sa robe de quand elle était arrivée au château. Aliénor fronça les sourcils en notant qu’elle avait été reprisée en plusieurs endroits. Elle se demandait bien pourquoi.

— Que s’est-il passé pour qu’elle soit dans cet état ? Demanda-t-elle.

— Quand vous êtes arrivée au château, vous étiez couverte de saletés et votre robe déchirée, répondit sa dame de compagnie. J’ai du enlever et remplacé un bout de tissu car il avait été brûlé.

— Oh. Navrée de demander mais … Savez-vous, par hasard, pour quelle raison je suis arrivée ainsi à Nanlimar ?

Guenièvre la regarda un instant, hésitante, avant de répondre.

— Vous devriez poser cette question au roi, Mademoiselle. Il est plus au courant de ce genre de détail que moi.

Aliénor nota son hésitation mais n’osa pas trop l’importuner à ce sujet. Elle était peut-être qu’une dame de compagnie, elle restait elle-même qu’une enfant. Et en pays étranger de surcroît. Elle ignorait ce qu’elle pouvait faire ou non, ou encore s’il y avait des choses que les domestiques et nobliaux de Nanlimar étaient en droit de faire. S’adresser au roi était dès lors la meilleure solution.

Guenièvre l’aida alors à s’habiller pour ne plus être constamment en robe de chambre. D’autant plus que la jeune fille souhaitait sortir de sa chambre pour se dégourdir les jambes. Si la femme avait hésité à la laisser sortir, elle ne pouvait pas faire grand-chose pour l’en empêcher. Il n’y avait pas de réel verrou à la porte de la tour, juste un loquet intérieur que la princesse pourrait aisément ouvrir. Dès lors, elle avait accepté à la condition qu’elle reste en sa compagnie afin qu’elle ne se perdre pas dans les méandres du château de Nanlimar.

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