Patrouille

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La pluie se déversait par seaux sur le pare-brise de la voiture de patrouille, elle détrempait la ville sans répit, à croire qu’une divinité quelconque avait décidé de la nettoyer de ses péchés.

À côté de moi, Williams conduisait au pas, tellement lentement qu’une vieille avec son caddie nous rattrapait à chaque virage, je commençais à la trouver bizarre. Que foutait-elle à une heure pareille sous la pluie ?

— Vous pensez pas qu’on devrait la ramener chez elle ? demandai-je au comique de service.

— Mémé chariot ? Elle a pas de chez elle, son abri est noyé et depuis trois jours, elle tourne dans le quartier, elle a l’air de bien le vivre, répondit Williams, un sourire féroce collé sur sa face de poulet élevé aux donuts.

Un choc, un gros boum, une ombre s’écrasa sur le capot et fendit le pare-brise. Williams pila en jurant, la voiture s’arrêta dans une glissade.

Il passa la marche arrière, il voulait se dérober, sans même savoir ce qu’il venait de heurter.

Je lui ordonnai de stopper, mais le gros flic n’écoutait pas et recula sans oublier de me jeter un regard furibard. On roula sur un truc mou avec un bruit dégueulasse, la voiture s’arrêta. Williams s’énerva et pesa de tout son poids sur l’accélérateur, les roues patinèrent, quelque chose nous retenait.

Choqué, je sortis. À travers les trombes, je discernais une grande forme qui englobait l’arrière de la bagnole, on avait certainement heurté un arbre, mais un frisson me parcourut l’échine, je ne le sentais pas, j’avais la frousse, une peur indicible qui me serrait l’estomac, une de ces angoisses de cauchemar, de celles contre lesquelles on ne peut pas lutter.

Une masse indistincte gisait par terre devant le véhicule. Avec la pluie, je n’y voyais pas à un mètre, mon imper était trempé et mon chapeau dégoulinait, je m’approchai tandis que Williams contournait la voiture.

Le corps de la vieille, désarticulé, en sale état, puait comme si le décès remontait à plusieurs jours.

J’appelai Williams. Entre deux rafales, je l’aperçus, il titubait vers moi, en traînant le caddie derrière lui, un frisson sans rapport avec la pluie parcourut ma colonne vertébrale.

En un instant, il fut sur moi, me renversa et se pencha sur le corps de la vieille.

Des sortes de câbles se rétractent du crâne du cadavre, ils frétillèrent un instant avant de se rattacher sur la tête de mon collègue.

Je me passai la main sur les yeux, c’était juste le fruit de mon imagination, cela ne pouvait être que ça, mais Williams se retourna vers moi, m’attrapa par le col et me souleva au niveau de son visage, comme si je ne pesais pas plus qu’une plume.

Sa tête était enlacée dans un réseau de tentacules noirs, fixés à la moindre surface de peau par des ventouses gluantes, d’autres s’infiltraient sous ses vêtements, sa face n’affichait aucune expression, j’aurais juré qu’aucune âme ne l’habitait.

Un des pseudopodes se décrocha de sa tempe et tâtonna dans ma direction, s’étendit et se rapprocha de moi.

La peur me paralysait, je ne comprenais rien, mais l’adrénaline et l’instinct de survie vinrent à mon secours et d’une ruade, je parviens à m’extirper de la poigne de Williams.

Je chutai lourdement et dégainai mon arme de service, la silhouette du gros flic s’avançait, le caddie en main, je tirai six fois.

Insensible aux balles, il continuait de marcher, la panique reprit le pouvoir et je m’écartai en rampant le plus vite possible, mon revolver vide, toujours dans mon poing serré.

Je ne sais pas pourquoi Williams a fini par me lâcher ni ce qu’il est devenu. On n’a pas retrouvé de corps, pas même celui de la vieille. L’enquête a conclu à un accident et à une disparition, mais j’ai entendu dire que les jours de grosse pluie, on aperçoit une grande silhouette qui traîne un caddie dans les rues de la ville.

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