Chapitre 3-1

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AARON

Deux heures après, nous nous trouvions dans la salle de défense. C’était la première fois que j’y mettais les pieds.

Nous étions descendus au deuxième sous-sol par un ascenseur. Seules les personnes faisant partie de la protection du territoire y avaient accès. Pour pouvoir entrer, il fallait passer par un sas de sécurité qui nous scanna des pieds à la tête.

N’étant pas habilité à pénétrer dans cette partie du bâtiment, Alric m’enregistra dans le système en tant que visiteur. La boîte vocale me souhaita la bienvenue et je pus entrer.

Mes yeux s'écarquillèrent face à la pièce immense que j’avais devant moi. Le complexe de sécurité était situé sous la demeure du Meneur. La salle possédait le nec plus ultra en matière de technologie. Une dizaine de PC étaient alignés le long du mur de droite. Des opérateurs étaient installés devant chacun d’eux, leurs doigts voletants sur les claviers.

Tous portaient un casque audio qui était relié aux oreillettes micros des Gardes à l’extérieur. Toutes les demi-heure, ces derniers devaient se signaler. Sur le mur face à la porte d’entrée, des dizaines d’écrans filmaient différents endroits stratégiques de notre territoire, ainsi que de celui des humains et des autres mondes.

Au centre de la pièce, se dressait une grande table en verre. Une vingtaine de sièges étaient installés tout autour. Les trois quarts étaient déjà occupés par les Protecteurs, ainsi qu’ Alban, le chef de la sécurité qui gérait la salle de défense, Alia et moi.

Nous attendions le Meneur. Une atmosphère lourde et tendue régnait. Tous les passages avaient été bloqués après le retour des dernières personnes qui se trouvaient du côté des humains.

Des Gardes supplémentaires faisaient des rondes et surveillaient les passages.

J’étais crispé et anxieux. Savoir Lola seule me contrariait. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait, ni ce que je faisais là, et cela me terrifiait.

Tout à coup la porte s'ouvrit et Loric entra. Son visage était fermé et il n’était pas seul. Un homme l’accompagnait. Âgé d’une quarantaine d’années, il avait l'allure d’un homme d'affaires, avec son costume sombre et sa chemise noire. Il avait des cheveux blancs lui arrivant aux épaules. Son regard, d'un vert profond, était incisif et intelligent.

— Bien. Vous connaissez tous Thomas, notre archiviste, dit-il en invitant ce dernier à s’asseoir. S’asseyant à son tour, il demanda. Qu'avez-vous appris ? Alban ?

Alban pianota sur un écran tactile incrusté dans la table et une projection holographique se forma au-dessus de cette dernière.

— Lola Daniel, née à Vannes en Bretagne. Ses parents sont tous deux décédés. Sa mère avait la réputation de battre et d’humilier ses filles mais n’a jamais été signalée aux services sociaux, dit-il, le visage dur. Son père était lui aussi humilié en permanence. D'après nos infos, il ne voulait pas divorcer pour protéger ses filles des maltraitances de leur mère. À cette époque, la garde des enfants accordée au père était rarissime. Elles sont issues d’un second mariage. Sa sœur s’appelle Line, elles sont jumelles et ont eu vingt-cinq ans aujourd’hui.

Un grognement retentit dans la pièce, il venait de Loric. Thomas était tendu comme un arc. Le visage fermé et blême.

— Elles ont trois demi-frères et une demi-sœur mais ne se fréquentent pas, poursuivi Alban en jetant un œil à son chef. Lola est partie de la maison familiale à dix-huit ans. Elle a été hébergée par la mère de sa meilleure amie.Line est mariée et a une petite fille de deux ans. Lola est célibataire, c’est une femme solitaire, secrète et effacée. Elle a créé son entreprise de vitraux décoration il y a trois ans. Elle commence à être reconnue pour ses créations. Voilà pour les grandes lignes.

— Ok, fit Loric. Après un instant de réflexion il déclara. Je crois que nous allons avoir à faire face à de gros problèmes. Thomas ?

J’étais surpris de voir notre Archiviste ici. Ça ne sentait pas bon du tout. Il était en principe reclus dans sa bibliothèque. C'était la mémoire de notre peuple. Le don qu’il avait reçu lors de son évolution était le transfert de connaissances de ses prédécesseurs. Toute notre histoire avait été implantée dans sa mémoire. Lorsqu’un trop plein le mettait en difficulté, il le transcrivait dans des livres qui alimentaient la fabuleuse bibliothèque de notre peuple.

— Bien, fit-il en se raclant la gorge. Il planta son regard dans le mien. Je me raidis. Je veux que tu me décrives exactement ce que tu as vu dans l’aura de cette jeune fille. C’est très important.

— Hum...Eh bien elle possède une aura de plusieurs couleurs pastels qui vont du rose au bleu, comme un arc-en-ciel. Je n'avais jamais vu ça. Je fronçais les sourcils en me remémorant ce que j'avais vu. Ah oui ! je crois qu’il y avait des étincelles de couleurs qui dansaient dedans. Et j’y ai vu aussi des ombres gris foncé presque noires. En y réfléchissant, j’ai l’impression que ces étincelles tournaient autour des ombres.

Thomas hocha la tête comme s’il savait de quoi je parlai, mais son visage s'assombrit davantage.

— Loric, je dois voir cette jeune femme, fit-il en se tournant vers le chef. Il faut aussi tout savoir sur son père. Je pense que celui-ci était un Passeur. Une exclamation de surprise retentit dans la pièce. Il faut aussi savoir si sa mère n’aurait pas contacté quelqu’un pendant sa grossesse pour effectuer un rituel.

— Thomas, gronda Loric, explique-toi.

— Lorsque tu es venu me voir, je pensais que tu délirais, mais je m'aperçois que ce n’est probablement pas le cas, même si au fond je l’espérai.

Il inspira profondément et lâcha sa bombe.

— Je pense que cette jeune femme est une Passeuse, mais pas seulement. Je crois qu’elle est aussi un Réceptacle et un Portail. Les femmes avec une aura telle que tu nous l’a décrite sont extrêmement rares. Je n’en ai pas entendu parler depuis plus de huit cents ans. Non seulement elles aident les âmes à passer de notre côté, mais elles peuvent aussi les accueillir dans leur Réceptacle, si celles-ci ne sont pas prêtes. Elle peut aussi servir de Portail à quelqu’un de vivant pour venir sur notre territoire, sans utiliser nos passages. Ce qui, vous vous en doutez, pourrait être très dangereux pour nous si une ou plusieurs personnes mal intentionnées décidaient de nous attaquer.

" Or les ombres qu’Aaron a vues sont probablement des âmes noires. À mon avis sa mère, pour une raison quelconque, a effectué un rituel pendant sa grossesse. D’après ce que m’a raconté Loric, c’était une vraie mégère jalouse de ses filles. Faire du mal à ses proches ne semblait pas lui poser de problèmes. Il faut savoir si elle savait qu’elle attendait des jumelles, ce qui pourrait expliquer la présence d’une âme noire qui aurait été “convoquée” pour tuer les foetus. Dans le cas de ces jumelles, si leur père est bien un Passeur, il a transféré son don à l'une d’entre elles, en l'occurence Lola. Ce don a soit protégé les filles, soit, et cela me semble plus probable, l'âme noire a reconnu l’essence du portail, et s’est mise en stase en attendant de pouvoir la posséder et la contrôler. Chez un Passeur le don se réveille à la date anniversaire de vingt cinq ans. C’est-à dire hier soir pour cette jeune femme.

Des frissons glacés étaient descendus le long de ma colonne vertébrale au fur et à mesure du discours de Thomas. Et au vu des visages durs et livides m’entourant, je n’étais pas le seul.

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