Chapitre 3-3
On repassa donc par le bureau de Loric, où ce dernier nous offrit un verre de whisky que nous bûmes cul sec avant d’en resservir un autre. Il nous demanda si nous voulions manger quelque chose, mais nous refusâmes. J'avais l’estomac trop en vrac pour pouvoir avaler quoi que ce soit.
Nous nous dirigeâmes vers l’aile médicale, celle-ci se situant à l’ouest de la demeure. Elle contenait un hôpital avec des équipements dernier cri, une salle de rééducation avec piscine, le cabinet médical de la guérisseuse ainsi que celui de l'Éveilleur.
Loric toqua à la porte de ce dernier. La porte s’ouvrit sans que personne ne l’ait touchée.
— Je vous attendais, fit une voix grave mais douce. Entrez je vous en prie.
Nous entrâmes dans la pièce. Loric s'installa dans un des fauteuils faisant face au bureau, Thomas et Alric restèrent debout derrière lui. Celui-ci, me fit signe de m’asseoir dans le deuxième fauteuil près de lui.
Le regard que L'Éveilleur posa sur moi était doux et bienveillant. Il avait les yeux bleu pâle, comme tous ceux de ma race. Ses cheveux blonds et bouclés lui arrivaient au niveau de sa nuque. Il avait une taille et une corpulence moyenne. Il portait un pantalon noir et une chemise bordeaux.
Son regard se porta sur Loric.
— Alors que lui as-tu expliqué ?
— Rien à part que tu allais lui déclencher son évolution aujourd’hui.
L'Éveilleur haussa les sourcils. Et prit une mine désapprobatrice.
— C’est tout ? pas étonnant que ce gamin ait l’air terrifié.
— C’est toi l'expert, Jordan, je préfère que ce soit toi qui lui explique plutôt que raconter des conneries, rétorqua Loric.
— Hé ! je ne suis pas un gamin ! dis-je, agacé. Alric ricana. Je lui jetai un regard noir.
Jordan me lança un regard amusé.
— À l'âge de six cents ans et des poussières, je te garantis que pour moi tu es un gamin.
Je le regardais bouche bée.
— Bon, passons aux choses sérieuses. Jordan se leva et se positionna face à moi contre son bureau. Tu connais le fonctionnement de l'Évolution en temps normal. La différence avec le fait de la déclencher est dans le temps qu’elle va prendre pour se mettre en place à cent pour cent. N’ayant pas été préparé pendant les six mois précédents, et n’étant prévue que dans deux ans, cela se fera plus en douceur. En fait, elle se mettra en place en une semaine au lieu des deux heures habituelles. Tu comprends ?
— Cela veut dire que l’acquisition de ma force, mon don et mon pouvoir s’étalera sur sept jours c’est ça ?
— Exactement.
Je me détendis quelque peu. Jordan grimaça.
— Je ne dis pas que ce ne sera pas douloureux, mais ce sera supportable.
Je me rendis compte tout à coup que ma vie allait basculer à partir d’aujourd’hui. Que l’insouciance que je partageais avec Tobias était terminée. Cela me fit mal au cœur, pour lui, pour nous.
Je me tournai vers Loric
— Et Tobias ?
Loric comprit ce qui me traversait la tête.
— Tobias restera ton ami, ne t’inquiète pas. Vous vous êtes toujours soutenus l’un l’autre. Surtout pour faire des conneries d’ailleurs entre parenthèses. Et ça ne changera pas. Votre amitié est trop solide pour qu’il en soit autrement, fit-il en me serrant l’épaule.
Je regardai les personnes présentes tour à tour et je compris que je ne serais pas seul. J’étais loyal envers eux mais eux l'étaient aussi envers moi. Je sentis au plus profond de moi que si je devais protéger Lola, eux me protègeraient aussi. J’inspirais profondément.
Après avoir donné mon accord, on se retrouva Jordan et moi dans la pièce attenante à son bureau. Elle était composée d’un lit médical, d’une commode blanche avec, dessus, du matériel médical d'urgence - que je regardais d’un œil torve - une étagère avec d'autres outils médicaux et d’une chaise.
Jordan suivit mon regard et un sourire amusé étira ses lèvres.
— Ne t’inquiète pas, ce ne sera pas utile. Allonge toi.
Je m'allongeais sur le lit, mon cœur se mettant à battre plus fort, des frissons d'appréhensions parcoururent mon corps.
— Détends-toi le plus possible.
— T’es sérieux là ? Je suis tendu comme un string et tu me demandes de me relaxer ?
Jordan gloussa.
— C’est la formule basique avant chaque intervention, un automatisme, fit-il en haussant les épaules. Tu vas fermer les yeux, et je vais juste apposer ma main sur ton front. Tu vas sentir un courant pénétrer en toi, essaye de ne pas l’en empêcher sinon ce sera plus douloureux, d’accord ?
Je l'observais d’un œil méfiant.
— Comment sais-tu la manière dont ça va se passer puisque cela n’a jamais été fait ?
— Parce que j’ai l’esprit logique, et celui-ci me dit que cette manipulation est fiable à cent pour cent.
D’une manière ou d’une autre, son assurance et sa douceur m’apaisèrent.
— D’accord.
Je fermai les yeux et tentai de faire le vide dans mon esprit. J’entendis un léger bourdonnement puis sa paume se posa sur mon front. Au début rien ne se passa, puis le bourdonnement s’intensifia. Je sentis au bout d’un moment un léger courant entrer en moi par sa paume. Il circula doucement au début puis s’amplifia en atteignant toutes les zones de mon corps. Le bourdonnement augmenta encore, et tout à coup une douleur fulgurante me traversa de part en part, mon corps se cambra comme un arc et se décolla du lit. La douleur était tellement insupportable que je me mis à hurler.
J’entendis Jordan crier.
— Merde ! ! c’est quoi ce bordel ? !
J’entendis la porte s’ouvrir à la volée et la voix tonitruante de Loric dire.
— Qu’est-ce qui se passe nom de Dieu ? !
Je n’entendis pas la réponse car je perdis connaissance.
Lorsque je rouvris les yeux, enfin, je tentais de les ouvrir car j’avais un mal de crâne carabiné, et la lumière m’aveuglait. Je les refermai et attendis de m’habituer à cette dernière. Je réussis enfin à garder les yeux ouverts, et fixais un point devant moi en attendant d’y voir plus clair. Que s'était-il passé ? Où étais-je ? Petit à petit, la mémoire me revint. Je regardais autour de moi et vit Loric, Alric, Thomas et Jordan autour du lit qui me regardaient bouche bée, livides et les yeux écarquillés.
— Quoi , qu’est-ce qui se passe ? je fermai ma bouche. C’était quoi cette voix ? cette voix de baryton ne pouvait pas être la mienne ? n'est-ce pas ?
— C’est impossible ! murmura Jordan.
Annotations