Chapitre 9-2
" Ma chérie, si tu regardes cette vidéo, cela veut dire que tu viens d’avoir vingt-cinq ans, et que je ne suis plus là depuis plusieurs années. Nous sommes le lundi sept juin. La semaine prochaine, tu auras vingt ans, et j’ai tant de choses à t’expliquer mais je ne pourraipas faire mon devoir envers toi et ton héritage.
Ta mère a passé un accord avec des individus tordus lorsqu’elle est tombée enceinte de toi et ta jumelle et que je l’ai épousée. Sa jalousie envers ses propres enfants est telle qu'elle a décidé de se débarrasser de vous. Même si elle ne savait pas à qui elle avait affaire. Son âme se corrompait et elle a donc attiré ce que l’on appelle les Maudits, qui sont à la solde des âmes noires. Je pense que tu as entendu parler d’eux au moment où tu visionnes cette vidéo.
Lorsque je m’en suis aperçu, il était trop tard, j’ai senti la présence de l’une d’entre elles en toi, mais je ne pouvais rien faire. J'ai échoué à te protéger et ne me le pardonnerai jamais. Quand je me rendis compte qu’elle ne t’attaquait pas, j’ai pris contact avec une amie en lui racontant la situation et souhaitant qu’elle pourrait avoir une explication. Pour elle, l’âme s’est aperçue de ce que tu étais et s’est mise en stase en attendant de pouvoir prendre possession de toi, c'est-à-dire à tes vingt-cinq ans.
Je suis resté près de vous pour vous protéger de votre mère, ne pouvant rien prouver de ses manigances. Ce matin, j’ai senti la présence de Maudits près de moi. Je pense qu’ils vont m’éliminer avant tes vingt ans pour m’empêcher de te faire certaines révélations. Au cas où j’aurais raison, mon amie te protégera jusqu’à tes vingt-cinq ans et fera en sorte que tu rencontres mon peuple, qui est aussi le tien et qui te protègera.
Je suis un Asilien, et un Passeur, ce qui est rarissime dans le monde d’ASILIA. Ma mère et sa mère avant elle étaient des Passeuses, des Portails et des Réceptacles, toutes les femmes de notre lignée l’étaient. Les hommes, dont moi, n’avons que le don de Passeur.
Notre lignée possède aussi le don de perception, tu as dû te rendre compte que tu possédais une empathie exacerbée. Cette perception nous permet en tant que Passeur, de déterminer si l’âme qui vient vers nous pour aller dans notre monde d’origine, est une âme innocente ou corrompue. Elle rend possible aussi de le faire avec les personnes qui nous entourent. Notre particularité remplaçant la vision des auras que nous n’avons pas.
Notre lignée est aussi restée secrète pour des raisons de sécurité, même auprès de notre peuple. Nous ne pouvions prendre le risque d’être découverts par nos ennemis de toujours. Malheureusement, à cause de ta mère, ce secret est maintenant éventé. Tu es donc en grand danger.
Je suis tellement désolé de vous avoir abandonnés. Mon amie se présentera à toi le moment venu. Elle pourra répondre à toutes tes questions. Tu peux lui faire confiance. La banque va bientôt t’appeler, il faudra que tu ailles chercher certaines choses dans un coffre.
Je vous aime tellement, prends soin de toi ma chérie, tu es une battante, comme toutes les femmes de notre famille. Je suis si fier de toi.
Je t’aime. Pardonne-moi.
Papa.”
Un silence absolu régnait dans le salon.
— Il est mort le lendemain, chuchotai-je.
Je ne m’étais même pas rendue compte qu’Aaron me tenait dans ses bras dos à lui, le menton posé sur le haut de ma tête. Mes larmes coulaient sans discontinuer.
Je me tournai vers lui et enfouie mon visage contre sa poitrine. Il caressa mes cheveux en me murmurant des paroles réconfortantes.
C’est en entendant renifler derrière moi que je pris conscience des autres. Je me détachai d’Aaron et me retournai. Tobias me tendit un mouchoir ainsi qu’à Sandra, qui était en larmes elle aussi. J’offris un sourire tremblant à Tobias.
J'essayai de me reprendre, je ne souhaitais pas leur pitié. Mais, lorsque je croisai leur regard, ce n’était pas de la pitié que je vis, mais de la sollicitude puis une colère et une détermination inébranlable.
— Nous détruirons ces vermines, fit Loric.
C’était une promesse.
Nous reprîmes place dans le salon. Je me rejouais ce qu’avait dit mon père dans ma tête.
Loric avait les yeux rivés sur moi. Tout le monde avait l’air sous le choc. Les Protecteurs, à part Alric, se levèrent en faisant signe à ce dernier et sortirent. Je devinais qu’ils allaient patrouiller. Loric sortit son portable.
— Alban, avez-vous trouvé quelque chose d’autre sur Lola et son père ? d’accord. Je veux que tu viennes avec un technicien pour poser des détecteurs chez Lola ainsi qu’une barrière. Oui c’est ça, transfère moi Thomas, tu viendras avec lui. Après quelques instants, il reprit. Thomas, il faut que tu viennes. Une pause. Je me fous que tu sois dans ton bain, je t’attends avec Alban.
— As-tu une idée de qui peut être cette femme dont ton père parlait ? me demanda Alric, la voix tendue.
— Non, aucune, répondis-je en le regardant, perplexe.
— Je pense que c’est cette femme qui t’as vendu cette maison, fit Loric. En faisant ça, elle savait que nous allions intervenir pour savoir qui avait pris possession du chalet de Gardien. Elle savait très bien ce qu’elle faisait.
— Mais pourquoi le faire ainsi ? pourquoi avoir fait ça sans vouloir se faire connaître ? et pourquoi je ne me souviens pas d’elle ? Je ne comprends pas, fis-je, perplexe.
— C’est une Chasseuse ! cracha Alric.
Loric le regarda en haussant les sourcils.
— Je pense que tu as raison.
— Qu’est-ce qu’une Chasseuse ? demandai-je, curieuse.
— Les Chasseurs traquent les Maudits et les créatures malveillantes, reprit-il. Ce qui nous fait dire que c'est l’un d’entre eux, notamment la femme qui t’a fait venir ici, c'est que tu n’ais aucun souvenir d’elle. Cela fait partie de leurs aptitudes.
Alric grogna.
— C'est une bonne chose, non ? vous êtes du même côté ? demandai-je étonnée du ressentiment ou plutôt de la haine, que ses Chasseurs semblaient provoquer chez Alric.
— C’est exact, fit Loric, mais ce sont leur manière de faire qui posent problème. Ils ont trop tendance à utiliser leur don pour parvenir à leur fin, sans tenir compte des dommages qu’ils peuvent engendrer, fit Loric en regardant Alric avec compassion.
— Par exemple ?
— Par exemple, faire oublier tout un pan de vie à une personne qui l’a côtoyé et dont il veut effacer tout souvenir. Imagine que l'on t’efface une ou plusieurs années de ton existence ? une vie peut-être ruinée à cause de ça, répliqua Alric avec amertume.
Je n’osais pas lui demander plus d’explication sur ce qu’il venait de dire, devinant que c’était personnel.
— Excuse-moi cette question Lola, me demanda Aaron, mais comment ton père a pu épouser une femme telle que ta mère ?
Je poussai un soupir.
— Elle l’a piégé. À l’annonce de sa mort, ma mère est restée indifférente. Cela m’a mise hors de moi, je lui ai demandé comment elle pouvait rester ainsi, sans réagir. Elle m’a répondu qu'elle n'en avait rien à foutre, que de toute façon, elle avait couché avec lui en espérant tomber enceinte, pour avoir quelqu’un qui ramènerait la paye à la maison. Mon père avait de grandes valeurs morales, elle savait qu’il l'épouserait et travaillerait pour gagner de quoi nourrir et élever ses autres enfants si elle était enceinte. Mon Dieu, comme j’ai pu la haïr !
Des miroirs apparurent et Thomas, ainsi que deux autres hommes se matérialisèrent dans le salon.
— Ça devient un vrai moulin ici, maugréai-je.
— Loric rit avant d’accueillir les nouveaux venus. Lola, je te présente Alban, notre responsable de la sécurité et Sam, l'un de ses agents.
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