Chapitre 10-1

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AARON

J’ouvris la porte de sa chambre et la déposai doucement sur son lit. Je passai la main dans ses cheveux, elle me regardait en silence.

— Repose-toi, lui dis-je en souriant.

Je me redressai et fis volte face pour me diriger vers la porte.

— Non ! je me figeai. Reste avec moi. S’il te plaît.

Je me retournai et la dévisageai. Je revins sur mes pas et m’assis au bord du lit.

— Lola, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.

— Pourquoi ?

— Pourquoi ? répétai-je en soulevant un sourcil. Tu as besoin de me poser la question ? Tu sens le lien qu’il y a entre nous, même si tu n’en comprends pas la signification. Et tu as assez de soucis à gérer sans t’en créer plus, tu ne crois pas ?

— C’est à moi d’en juger Aaron, me rétorqua-t-elle, son regard se durcissant. Elle posa sa main sur ma joue, ses yeux plongèrent dans les miens. Je veux juste que tu me tiennes dans tes bras quand cette putain d’âme noire va venir m’emmerder, et tu vas lui botter les fesses.

Je soutins son regard un long moment. Je poussai un long soupir, j’abdiquai.

— D’accord.

Avec hésitation je me baissai pour ôter mes bottes, mon cœur battait à tout rompre. Mon Dieu mais qu’est-ce que je fais ? pourquoi je m’autorise une telle torture ? Je jetai un regard en coin à Lola et vis qu’elle faisait la même chose. Ensuite elle enleva son pantalon et ses chaussettes et se glissa sous les couvertures en gardant ses sous-vêtements et son t-shirt. Je fis de même. Je m’allongeai sur le dos, les mains croisées derrière la tête. Elle gloussa et je lui jetai un regard noir. Elle s’approcha de moi. Je sentis son corps se coller au mien et elle posa sa tête sur ma poitrine. Je me tendis.

— Parles-moi d’ASILIA.

Sa question me prit au dépourvu, puis au vu de tout ce qui s’était passé, sa curiosité était légitime. Je me détendis. Évoquer mon monde me faisait toujours un bien fou. Je baissai un bras et enveloppai son épaule.

— Asilia est un monde merveilleux, la paix y règne depuis des siècles. Les guerres qui s’y sont déroulées, ont été créées par des mondes extérieurs, c’est pourquoi nous le défendons avec férocité. Comme tu le sais, c’est un refuge pour les âmes innocentes. Chez nous elles sont libres, étant faites d’énergie, elles contribuent au fonctionnement de notre environnement, de notre flore et notre faune, ainsi que des Asiliens. Sans elles, il n’y aurait pas de plantes, de terres, d’animaux, bref d’êtres vivants. Tout ce qui existe est fait d’énergie, même les pierres, les métaux sont au départ créés par des réactions basées sur l’énergie. Tout le monde vit en harmonie là-bas, les habitants respectent la nature et les bêtes, et c’est réciproque.

— Vous n’êtes pas végétariens pourtant ?

— Non, nous sommes des prédateurs, comme ici, mais nous ne prenons que ce dont nous avons besoin, il n’y a pas d’industries alimentaires comme chez vous, pas d’élevage intensif. Notre civilisation n’a pas de mégalopole, nous fonctionnons un peu comme des cantons avec un Meneur à leur tête. Tout le monde mange à sa faim et a un toit sur la tête. Nous avons d'immenses jardins et cultivons de manière naturelle, un peu comme votre permaculture. Chaque légume, fruit possède ses auxiliaires pour réguler les attaques indésirables. Aucun produit dangereux n’est utilisé, ils n’existent pas chez nous.

— Et vous vous déplacez comment, tu m’as dit qu’il n’y avait pas de voitures chez vous.

— Bien sûr que si nous avons des véhicules, lui dis-je en gloussant. Mais ils ne sont pas tout à fait comme les vôtres. Par exemple nous n’avons pas de bitume ni de béton, nos moyens de transport fonctionnent un peu comme des aéroglisseurs, c’est l’énergie qui les font fonctionner. Nous avons aussi des petits immeubles fabriqués avec des matières naturelles, notre technologie est très pointue. Nos petites villes ne grandissent pas comme les vôtres, notre population se régule d’elle-même.

— Comment ça ? fit-elle, en haussant les sourcils.

— Chez nous les enfants sont beaucoup plus rares qu’ici, c’est pour cela que la démographie est très basse. Lorsqu’un ancien nous quitte, un enfant naît l'année d'après. Lorsque l’un d’entre nous meurt avant son heure, par exemple d’un accident, comme pour les anciens un nouveau-né fait son entrée dans notre monde. Il y a toujours un équilibre.

— C'est vrai ? jeta-t-elle en redressant la tête.

— Cela te choque ? ce n’est pas plus choquant qu’une civilisation qui s’expant toujours et toujours, menant à des guerres, des famines. Un jour votre espèce aura épuisé toutes ses ressources naturelles ou détruit son environnement et arrivera à la rupture. Que se passera-t-il d’après toi ? je vis la honte et la résignation dans ses yeux, et je m’en voulu de lui avoir dit ça. Je décidai de changer de sujet. Pour en revenir aux anciens, il ne faut pas être triste pour eux, notre longévité est très supérieure à la vôtre, c’est pourquoi les nouveaux-nés sont rares.

— Que veux-tu dire par longévité supérieure ? demanda-t-elle en posant son menton sur ses mains croisées sur ma poitrine. Son regard posé sur mon visage.

— Oh, environ mille ans ? J’éclatai de rire à sa mine ahurie.

— Tu me fais marcher, n’est-ce pas ? voyant que je soutenais son regard, elle sut que je lui disais la vérité. Votre monde ressemble à une utopie.

— Un naturaliste de chez toi, Théodore Monod a dit “ L'utopie n'est pas l'irréalisable, mais l'irréalisé ” ou “ l’utopie est simplement ce qui n’a pas été réalisé ”. Notre monde n’est pas une utopie, puisque nous l’avons réalisé.

Elle médita quelques secondes mes paroles. Sautant du coq à l’âne, elle demanda.

— Tu as de la famille ? me demanda-t-elle.

Je me raidis, sentant ma poitrine se serrer. Je ne voulais pas parler de ça, mais elle avait le droit de savoir.

— Tobias est ma famille. J’inspirai et expirai. Après la mort de nos parents, Loric et Alia ainsi que Alric et tous les Protecteurs, ont pris soin de nous. J’avais trois ans et Tobias six mois de plus. Ils sont morts dans un accident de voiture sur l’autoroute, alors qu’ils étaient partis ensembles pour des vacances dans ton monde.

— Je suis désolée, dit-elle d’une voix douce.

Mon pouls s’accéléra, il fallait que je lui dise pour notre lien, c’était la bonne transition en parlant de mes parents pour glisser sur ce sujet. J’étais terrifié à l’idée qu’elle me rejette. Je déglutis et pris mon courage à deux mains.

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