Chapitre 11-1
LOLA
J’étais dans la voiture, une nouvelle puisque l’autre avec une portière en moins, était repartie la veille avec Loric. Alric et Tobias étaient à l’avant, ce dernier ayant insisté pour nous accompagner. J’étais perdue dans mes pensées, tentant de remettre de l’ordre dans mon cerveau en surchauffe.
Je jetai un œil à Aaron, il avait le visage tourné vers le paysage défilant derrière la vitre, mais son regard était ailleurs. Je ne savais pas ce qu’il s’était dit entre lui et son chef, mais je voyais qu’il était contrarié et inquiet. Il ressassait lui aussi ses pensées, je le sentais par notre lien.
Notre lien, j’avais du mal à croire que cet homme était ma Destinée, comme ils appelaient cela. Tout s’était fait si rapidement, je n’avais pas pour habitude de me jeter dans les bras d’un homme qui m’était presque inconnu, bien au contraire.
Toutefois, je n’avais aucun doute sur le besoin qui m’avait presque noyé à ce moment-là, un besoin viscéral et irrationnel, comme si une part de moi savait que c’était nécessaire et inéluctable. Mes émotions à fleur de peau ne m’avaient pas aidée à être raisonnable.
Au souvenir de notre nuit, je sentis mes joues chauffer, mais elle avait été tellement merveilleuse, je savais que je la chérirai toute ma vie. Aaron tourna brusquement la tête vers moi, et un sourire narquois naquit sur ses lèvres, lorsqu’il me dévisagea. Je rougis encore plus et me renfrognai.
— Quoi ? lui dis-je, gênée. Il prit ma main et déposa un doux baiser sur le dessus.
— Je te sens perturbée.
Je jetai un coup d’œil à Alric et Tobias.
— Nous en reparlerons plus tard, mais toi aussi tu l’es depuis que tu as discuté avec ton Meneur. Son visage se ferma et sa main se crispa sur la mienne. Tu ne veux pas en parler ?
— Je voudrais tenter quelque chose, et je ne veux pas que tu aies peur, dit-il en changeant de sujet.
Je fronçai les sourcils et le dévisageai, méfiante.
— Tenter quoi ? si tu voulais me rassurer, c’est raté.
Je sentis une douce chaleur dans mon ventre.
“Est-ce que tu m’entends ?”
Je poussais un cri en faisant un bond dans la voiture.
— Nom de Dieu !! s’écria Alric en faisant une embardée avant de se garer sur le bas-côté en catastrophe. Qu’est-ce qu’il se passe bordel ? rugit-il en se tournant vers moi.
— Excuse-moi Lola, je t’avais dit de ne pas avoir peur, me fit Aaron.
Il me regardait, penaud, mais j’avais aussi l’impression qu’il se retenait de rire, je le fusillai du regard.
— C’était quoi ça ?? lui demandai-je fulminante. Tu as parlé dans ma tête ?
Alric écarquilla les yeux, se tourna vers le volant avant de se taper le front contre ce dernier.
— Non mais c’est pas vrai, murmura-t-il complètement dépité.
— Je peux savoir ce qu’il s’est passé ? demanda Tobias, apparemment dépassé.
— Il se passe que ton cher ami, ici présent, n’a pas trouvé de plus judicieux que d’expérimenter leur don de télépathie d’Union dans une voiture roulant à cent kilomètres heure ! expliqua-t-il sur un ton de plus en plus fort, tout en foudroyant Aaron du regard.
Aaron haussa les épaules avant de dire.
— C’est toi qui conduis, pas Lola, et tu as d’excellents réflexes, on ne craignait rien, affirma Aaron. Alric ferma les yeux, je l’entendais presque compter jusqu’à dix.
— Wouah ! C'est génial ! fit Tobias, émerveillé. Vous pouvez faire d’autres choses ?
— La ferme !! grogna Alric, avant de reprendre la route.
Je me tournai vers Aaron, les bras croisés sur ma poitrine, attendant ses explications.
“Notre Union nous a donné le don de télépathie, nous pouvons nous parler même si l’on est séparé sur une grande distance. J’aimerais que tu essayes, mon coeur.”
Je sursautai, et vit Alric jeter un regard noir à Aaron par le truchement du rétroviseur. Je tentais de me calmer, pas certaine de vouloir essayer ce qu’il me demandait. Le fait d’avoir l’impression que quelqu’un était dans ma tête ne m’emballait pas plus que ça. Mais, en réfléchissant, avec tout ce qu’il se passait en ce moment, cela pouvait aussi être un atout. Je prenais donc ma décision et allais tenter cette expérience.
— Et comment fait-on ?
— Comme si tu me parlais en pensée, tout simplement.
“Et alors ? ça fonctionne ?”
Il me fit un large sourire et me prit dans ses bras.
“Oui, cela fonctionne, mon coeur. Maintenant dis-moi ce qui te préoccupe.”
"Cela se voit tant que ça?"
“N’oublie pas que je perçois tes émotions désormais.” Je me renfrognai.
“Je ne suis pas sûr que ça me plaise,” lui répliquai-je. Il rit doucement. “C’est à propos de la nuit dernière.”
Je le sentit se tendre.
“Est-ce que...tu regrettes ?”
Est-ce que je regrettais ce qu’il s’était passé ? absolument pas, mais tout était allé si vite, je me sentais perdue, je ne savais même pas si j’étais amoureuse de lui. Est-ce que lui m’aimait ? ou est-ce cette Destinée qui était aux commandes de nos coeurs ? Est-ce que je pouvais lui faire part de mes doutes ? Je décidais que oui, même si ce n’était pas forcément le bon endroit pour parler de ça, il me fallait des réponses.
Je répondis à son interrogation, le sentant se détendre, puis lui exprimai mes questionnements. Il m’écouta sans me quitter des yeux, et je sentis que les mêmes incertitudes le taraudaient.
Il resta un long moment à réfléchir à tout ça, puis il soupira avant de répondre.
“L’Union d’un couple de B’Shert est une chose dont peu d’entre eux parlent, c’est très intime. Je n’ai pas beaucoup de réponses à te donner pour te rassurer. Ce que je sais, c’est que lorsque leurs âmes se sont reconnues, leur priorité est de s’unir, sinon ils en souffrent psychologiquement et physiquement et pourraient en mourir. Tu n’avais aucune prise là-dessus, et moi non plus, alors que je suis entraîné pour garder le contrôle. Pour ce qui est des sentiments amoureux, je n’ai jamais vu de couples unis sans amour. Regarde Loric et Alia, ils donneraient leur vie l’un pour l’autre. Je pense qu’il ne faut pas se poser trop de questions, les sentiments n’ont rien de calculés, il faut laisser faire les choses jusqu’au moment où tu auras ta réponse.”
Il avait raison, même si je n'étais pas entièrement rassurée, je devais prendre les choses au fur et à mesure.
La visite à la banque fut rapide, je prenai tout ce qu’il y avait dans le coffre et retournai à la voiture sans regarder le contenu du petit sac que j’y avais trouvé. Je voulais l’ouvrir chez moi, au calme.
Ouais, le calme était tout relatif, songeais-je lorque nous arrivâmes au chalet, voyant les Protecteurs qui patrouillaient, ainsi que Loric, Alia et Thomas nous attendaient sur le perron. Je passai à côté d'eux et allai directement dans ma chambre. Aaron sentant mon besoin de solitude n'essaya pas de me suivre, et je lui en fut reconnaissante.
Je m’asseyai sur mon lit et vidai le petit sac sur celui-ci. Il y avait une autre clé USB ainsi qu'un petit coffret en bois gravé de symboles et d'arabesques. Je l'ouvris avec des doigts tremblants et écarquillai les yeux. Mon coeur se mit à battre la chamade. Sur un petit coussin de velour, reposait un médaillon attaché à une fine chaîne en argent. C'était un mini miroir aux reflets bleutés et encadré d'un verre plus épais, bleu également. Au moment ou j'allais le prendre dans ma main, j'entendis des cris de diputes provenant du salon, et la porte de ma chambre s'ouvrit à la volée. Aaron entra comme une balle en criant.
— N'Y TOUCHE PAS !!
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