Chapitre 11-3
11-3
Je dévisageais Délia, la gorge nouée. La culpabilité inscrite sur son visage et dans ses yeux était indiscutable, mais je n'étais pas d'humeur pour la compassion. Je décidais de changer de sujet.
— Pourquoi m'empêcher de toucher ce collier, que savez-vous sur lui ?
— Pas grand chose, ce bijou était transmis de génération en génération, mais seules les femmes le portaient, les hommes se contentaient de le garder en lieu sûr pour le transmettre à leur fille ou leur fils. Je pense que c'était en rapport aux différences de leurs dons, les hommes n'étant que des passeurs, seules les femmes avec les Portails et Réceptacles en avaient l'utilité. Peut-être que ton père te l'explique dans la clé qui se trouvait avec le médaillon.
— Alors, il est temps de voir si c'est le cas.
Je me levai et allai chercher la clé dans ma chambre. Je m'installai devant l'ordinateur et après avoir introduit le port USB, ouvris le seul fichier qu'il contenait. Sans surprise, le visage de mon père apparut, je réprimai les larmes me montant aux yeux et commençai le visionnage.
"Bonjour, ma chérie. Tu es maintenant en possession du médaillon qui est en fait un miroir d'ASILIA. Tu as dû aussi entendre parler de Maya, c'est elle qui a fait fabriquer ce bijou. D'après notre histoire, Maya n'est jamais retournée sur sa terre d'origine après l'attaque dont elle a été l'instrument contre son gré. Elle ne s'est jamais pardonné ce massacre. Elle n'a jamais voulu prendre le risque qu'une telle chose puisse se reproduire par son intermédiaire ni celui de sa descendance. C'est pourquoi elle a disparu sans laisser de trace et fit en sorte que sa future lignée reste dans l'ombre. Lorsque les filles reçoivent cet héritage, elles sont tenues au secret, personne ne connaît les pouvoirs de ce médaillon. Mais toi tu es différente, le fait que tu sois aux prises avec cette entité change la donne. Malheureusement, je ne sais pas comment. Tu vas devoir le découvrir par toi-même. Il s'agit d'un énorme risque et d'une grande responsabilité que de l'utiliser. Tout ce que je sais, c'est que Maya s'en est servi et à réussi à mettre un terme à cette attaque grâce à lui, mais il n'y a pas de mode d'emploi. Tu vas marcher à l'aveuglette et j'en suis terriblement désolé, mais j'ai une confiance absolue en toi et aux décisions que tu vas prendre. Les femmes de notre lignée sont fortes, tu y arriveras, j'en suis certain.
Délia fait partie d'un groupe de Chasseur assigné à la protection des descendants de Maya. La connaissant, elle doit se reprocher de n'avoir pu me protéger. Dis-lui qu'elle n'aurait de toute façon rien pu faire. Au moment où cette chose est entrée en toi, mon destin était scellé, ce n'était qu'une question de temps.
Ton destin est lui aussi en route, je suis certain que tu es bien entourée et protégée. Ces personnes t'aideront, je n'en doute pas un instant. Mon âme a peut-être d'ailleurs fusionné avec l'un d'entre eux, sait-on jamais ?
Tu es une femme courageuse Lola, tu vas te battre et gagner cette épreuve.
Je t'aime. Papa."
Un silence pesant régnait dans le salon, une nouvelle fois, mais un sentiment de frustration flottait dans l'air, et je savais pourquoi. Nous n'avions pas d'information sur les effets de ce collier. Il n'y avait donc qu'une chose à faire. J'inspirai fortement pour tenter de calmer les battements furieux de mon cœur, puis me levai pour faire face aux autres. Aaron se planta face à moi et me lança un regard farouche.
— Non, fit-il, tu ne mettras pas ce collier sans en connaître les conséquences.
Je sentais ses craintes, que d'ailleurs je partageais.
— Je n'ai pas le choix, et tu le sais, si ce collier me donne les moyens de détruire cette...chose qui est en moi, alors je dois prendre ce risque.
— Elle a raison, fit Loric en posant la main sur l'épaule d'Aaron. Je vais faire venir Sandra et Jordan, elle ne restera pas seule un seul instant.
Plusieurs émotions passèrent sur le visage de mon B'Shert, la colère, la peur et enfin la résignation. Il prit mon visage entre ses mains.
"Je ne supporterai pas qu'il t'arrive quelque chose, mon coeur, si je te sens en danger je t'arracherai ce collier, est-ce clair ? Même si tu doutes de tes sentiments, ils sont clairs pour moi, je t'aime, et je ne laisserai rien t'arriver."
Je sentis des larmes me monter aux yeux et tentai de les réprimer. Même si je n'avais pas voulu l'admettre, j'étais tombée amoureuse de cet homme à notre première rencontre. Je devais arrêter de nier mes sentiments. Ils étaient là, il était temps de l'accepter.
"Je t'aime aussi, Aaron, de tout mon coeur. Mais tu le savais déjà, n'est-ce pas ?"
"Oui, je m’en doutais, mais même si ton coeur le savait, ta tête non, c'était à toi d'accepter ce sentiment"
Il me serra tendrement dans ses bras, et me donna un doux baiser. À travers notre lien, je ressentis son explosion de joie, et de plénitude faisant écho à mon propre ressenti. Nous nous séparâmes et nous retournâmes vers les autres, ils s'étaient tous éloignés pour nous laisser un peu d'intimité. Je leur en fus reconnaissante.
Délia prit alors la parole.
— Il faut vous méfier du Maudit qui vous a attaqué, lâcha-t-elle.
— Vous le connaissez ? lui demanda Loric, le visage dur.
— Oui, je le connais même très bien, murmura-t-elle en baissant la tête.
— Et... ? insista le chef.
— Il s'appelle Nolan, c'était un Chasseur, un excellent Chasseur.
— De mieux en mieux, gronda Alric, et comment un Chasseur censé protéger les innocents et traquer les pourritures est-il devenu l'un d'eux ? Il a lui aussi usé de ses pouvoirs jusqu'à en être corrompu ? cracha-t-il.
— Il était en infiltration dans le milieu des Maudits, répondit-elle sans relever les propos d’Alric. Il était sur le point de démanteler l'un de leurs réseaux, mais ça a mal tourné, sa couverture a volé en éclats et il a disparu pendant des mois. Lorsqu'il est revenu, il était un Maudit haut gradé. Je connais sa façon de fonctionner, c'est quelqu'un possédant une patience infinie, je présume qu'il vous observe depuis le début, et attends le bon moment pour attaquer. Il est minutieux et très intelligent, méfiez-vous de lui, car lorsqu'il passera à l'attaque, vous ne verrez rien venir.
— Merci pour l'avertissement, fit Loric, mais nous l'attendons de pied ferme.
Sandra et un dénommé Jordan arrivèrent peu après. Lorsque l'on me présenta ce dernier, je sentis immédiatement sa gentillesse confirmée par son regard chaleureux. lI m'expliqua de manière succincte son rôle chez son peuple. Je n'avais pas tout compris, mais à l'évidence, il était très respecté.
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