12-3

AARON

Je grimpai sur le lit et m'adossai à sa tête en attirant Lola dos à moi, assise entre mes jambes. J'entourai son ventre de mes bras en essayant de la rassurer par des mots réconfortants, sentant son état de stress.

— Détends-toi, Lola. Cela ne te fera pas de mal, la rassura Jordan. Sandra restera avec nous juste au cas où, mais elle ne devrait pas avoir à intervenir.

— Mmmpff...bougonnai-je en lui lançant un regard noir.

Lola se retourna pour me dévisager en haussant les sourcils avant de faire de même avec Jordan, l'air interrogative.

— Ce n'est rien, juste un malentendu entre nous, expliqua-t-il avec un regard amusé. Tu es prête ?

— Oui, vas-y ou mon crâne va exploser.

Jordan s'agenouilla face à elle et posa ses paumes sur ses tempes. Je sentais la chaleur douce de son pouvoir, s'infiltrer dans le cerveau de Lola. Étant attentif au moindre signe de détresse de sa part, je reçu de plein fouet les images qui se mirent à défiler à toute vitesse dans mon crâne, ainsi qu'un brouhaha diffus.

La pression que subissaient nos cerveaux était inquiétante. Au moment où j'allais intervenir pour stopper Jordan, cette dernière commença à diminuer avant de disparaître complètement. Un silence bienvenu s'installa. Je sondai Lola au travers de notre lien, lorsque les premiers souvenirs clairs de sa lignée me parvinrent.

Ce que je vis me déstabilisa avant de me donner un sentiment d'injustice et de commisération vis-à-vis de ma B'Shert. Connaissant sa tendance à l'empathie, je devinais sa réaction face à ce que les femmes de sa famille avaient vécu. J'aurais préféré me tromper lorsque je vis des larmes rouler sur ses joues. Je resserai mon étreinte lorsqu'elle se tourna vers moi. Elle dut lire mon ressenti lorsqu'elle croisa mon regard.

— Tu as subi le transfert toi aussi, n'est-ce pas ?

Je hochai la tête sans rien dire. Je voyais Jordan du coin de l'œil écarquiller les yeux et ouvrir la bouche, mais je levai la main, lui faisant comprendre que ce n'était pas le moment. Il acquiesça et se leva avant de sortir discrètement de la chambre, suivi de Sandra. Lola reprit la parole.

— Elles ont sacrifié leur existence pour combattre aux côtés des Chasseurs toute leur vie. Elles en sont mortes. Elles se sont vouées aux combats. Comment ont-elles pu vivre comme ça ? Est-ce que c'est ce qui m'attend ? Est-ce que c'est ce genre de vie que je vais avoir ? Mais pourquoi ont-elles fait ça ?

— Je pense que le sentiment de culpabilité de Maya, lors de l'attaque d'ASILIA l'a anéantie. Elle a dû partir en guerre contre les âmes noires et les Maudits. Cela lui permettait peut-être d'atténuer ce sentiment, et elle aurait entraîné sa descendance dans cette croisade. Mais je ne te laisserai pas reproduire le même schéma que tes aïeules, lui dis-je d'un ton farouche en prenant son visage entre mes mains. Ce n'était pas leur rôle, ni le tiens, c'est celui des Chasseurs. Nous casserons cette chaîne qui n'a pas lieu d'être, d'accord ?

— D'accord.

Sa vulnérabilité me serra le cœur. Je la berçai en attendant que ses larmes s'arrêtent. Je l'emportai ensuite dans la douche ou nous nous lavâmes mutuellement avant de céder à la passion. Après nous être revêtus, on entrait dans le salon et prîmes place sur le canapé.

— Est-ce que ça va ? nous demanda Loric.

Je connaissais ce regard lorsqu'il fixa Lola. Apparemment le moment de la confrontation était arrivé. Lola, avait dû le sentir lorsque je la vis lever le menton et redresser les épaules.

Loric se planta devant elle en se frottant les mains, les traits de son visage empreints de détermination, et un sourire carnassier étirant ses lèvres.

— Bien. Qu'est-ce que tu nous caches ?

Lola ne baissa pas les yeux. Elle était décidée à faire sa tête de mule.

— Rien du tout.

— Tu ment, argua mon chef.

— Je ne te permets pas de m'insulter.

— Je ne t'insulte pas, c'est un fait.

Bon, quand il restait stoïque lors d'une joute verbale, cela démontrait qu'il ne lâcherait pas le morceau, mais elle non plus. Je décidais d'intervenir, elle devait leur dire.

— Lola, il faut leur dire.

— Non !

L'agacement montait en moi, je la fusillai du regard.

— Tu n'as pas le choix, il s'agit de ta sécurité et de celle de beaucoup de monde, la fustigeai-je sèchement.

Plusieurs émotions succédèrent sur son visage, la peur, l'hésitation puis la colère.

— Bordel ! tu veux que je leur dise que tu devrais te sacrifier pour combattre cette chose ? Elle a dit que notre lien pourrait éviter que tu ne disparaisses, mais elle n'a rien garanti, c'était une supposition. Je m'y refuse.

Loric et Alric grondèrent en serrant les poings.

— Et si tu nous disais ce qu'il en est, lui demanda Loric, d'une voix douce.

Je savais lorsqu'elle baissa la tête et ses épaules qu'elle capitulait. Elle leur raconta donc ce que Maya lui avait dit.

— C'est un Protecteur qui a disparu, et Maya dit que Aaron devrait réussir sans y perdre la vie ? grogna Alric.

— Comment ce Protecteur s'y est pris pour intégrer le corps de Maya ? demanda calmement Loric.

— Grâce au médaillon, répondit-elle. Il fonctionne comme un passage, la personne qui le porte peut diriger l'âme de celui qui l'emprunte vers son réceptacle ou vers son portail selon l'action qu'elle veut effectuer. En l'occurrence l'âme du Protecteur l'a utilisée pour aller dans le réceptacle et a pu ainsi combattre l'âme noire qui la contrôlait. Mais elle ne sait pas pourquoi elle n'a pas pu ressortir et a disparu.

Loric réfléchissait à ses révélations. Ce qui faisait de lui un excellent Meneur, c'est qu'il ne prenait jamais de décision importante sans en connaître les tenants et les aboutissant. De plus, il ne négligeait pas l’avis des personnes compétentes pouvant répondre à ses questions. Et il le prouvait l'instant suivant.

— Jordan, tu aurais une idée sur ce qui est arrivé à ce Protecteur, et pourquoi Maya pense qu'Aaron pourrait s'en sortir ?

— Je pense que tout a à voir avec le lien des B'Shert. Maya et le Protecteur ne possédaient pas ce lien, à mon avis s'il a été grièvement blessé lors du combat, il n'avait pas de lien auquel se raccrocher pour survivre, il a alors disparu tout simplement. Mais ce n'est qu'une supposition.

— Hum...on peut donc supposer aussi que son âme n'a pas survécu, et qu'elle soit passée par le portail alors que son corps en stase était devenu un corps mort ?

— Oui, c'est tout à fait possible, et Maya ne s'en serait pas rendue compte, ce genre de chose n'ayant jamais été effectué avant.