Chapitre 13-1
13-1
— Nous devons prendre une décision, reprit Loric. Si vous ne la prenez pas vous-même, c'est moi qui trancherai.
Lola se tendit, prête à se rebiffer. Je pris son menton entre mes doigts pour la tourner vers moi et la regarder dans les yeux.
— On doit essayer, mon coeur, nous n’avons pas le choix, tu le sais.
Les larmes lui montèrent aux yeux, je sentais sa détresse, mais elle savait au fond d'elle-même qu'il n'y avait pas d'autre solution. Avant que je n'ai pu la retenir, elle bondit du canapé et sortit du chalet en courant. Je me levais pour la rattraper, mais Loric me retint par le bras.
— Est-ce que tu peux me laisser lui parler ? tu es son B'Shert, elle ne voudra pas t'écouter. Te protéger est la seule chose qui lui importe, elle ne sera pas rationnelle avec cette décision.
Je l'observais en silence. Il avait raison bien sûr, les rôles seraient inversés, je ferais exactement la même chose, peu importe si la vie des autres était en danger. Au début de leur union, les couples de B'Shert sont régis par leurs émotions et leur lien, ce n'était pas de l'égoïsme, mais des effets dus à leurs sentiments et à la consolidation de cette connection.
Des instincts primitifs les faisaient réagir au danger. La proximité d'un autre homme ou d'une autre femme donnait des comportements irrationnels. Comme maintenant, me dis-je avec ironie, alors que je réprimai un grondement qui voulait sortir de ma gorge à l'idée que mon chef s'approche d'elle.
— D'accord, mais vas-y doucement sinon, Meneur ou pas, tu auras affaire à moi, le menaçai-je.
Il sortit après m'avoir serré l'épaule, rappelé que mon ouïe était très fine et me faisait un clin d'œil. Honteux qu'il ait deviné que j'allais écouter leur conversation, mais sans remords, je m'adossai au mur près de la porte d'entrée. J'entendis Loric s'asseoir aux côtés de Lola à l'orée du bois, elle le laissa faire et il prit la parole.
— Avant ma rencontre avec Alia, elle était aux prises d'un homme qui la harcelait, c'était un natif d'Asilia, censé être un innocent. Mais il a développé une véritable obsession pour elle et est devenu dangereux. Au début, il se contentait de l'appeler pour l'inviter au restaurant, à boire un verre dans un bar, ce genre de chose. Elle refusait à chaque fois. Il commença ensuite à la suivre, à lui déposer des cadeaux à des endroits où il n'était pas censé s'introduire, comme sa maison, son lieu de travail. Elle commença alors à avoir peur. Puis des hommes qui la courtisaient en tout bien tout honneur commencèrent à être attaqués, jusqu'au jour où l'un d'entre eux à disparu. Elle était persuadée qu'il avait été enlevé par son harceleur. Elle est donc venue me voir. C'est ainsi que je rencontrai ma B'Shert.
"Même si nous n'étions pas encore unis, mon instinct protecteur me poussait à trouver cette pourriture et à le tuer. Rien d'autre n'avait d'importance. Mais Alia réussit à me faire entendre raison en argumentant sur le fait qu'un homme avait disparu et qu'il fallait le retrouver rapidement. Elle décida de servir d'appât pour inciter ce malade à lui dire où il retenait son prisonnier. Tu imagines bien ma réaction. Nous nous sommes disputés, mais elle n'a rien lâché. Elle menaça de le faire avec ou sans moi. C'est une femme très obstinée. Si je ne voulais pas qu'elle fasse de bêtise, je dus me plier à ses exigences et à la logique de son raisonnement. Et ça a marché.
"Elle accepta de le rencontrer. Une fois face à lui, elle gagna sa confiance et réussit à savoir où était son prisonnier. Il l'emmena dans son repaire, moi et mes hommes les y avions suivis. Alia fut blessée quand il comprit qu'elle l'avait piégé, mais elle sait se défendre et fit en sorte de l'occuper jusqu'à mon arrivée. On retrouva sa victime enchaîné et torturée, mais vivante.
"Ce que j'essaie de te dire, c'est que quelquefois nous devons prendre des décisions difficiles, même si elles vont à l'encontre de nos désirs les plus primitifs. Si j'avais agi ainsi, cette ordure serait morte, mais un innocent l'aurait payé de sa vie car nous ne savions pas où il était, ou bien nous l'aurions peut-être trouvé, mais trop tard.
"Tu es en danger Lola, Asilia est en danger. Aaron prendra un risque en acceptant ce combat. Mais vous êtes liés, vous êtes en connexion permanente, et je suis certain que c'est ce qui fera la différence.
Je l'entendis pousser un soupir de résignation. Elle acceptait. Mon cœur se gonfla de fierté. Elle faisait honneur à sa lignée. Je me redressai et me tournai vers la porte, lorsqu’une voix résonna dans ma tête.
"Bien, je pense qu'il est temps que je fasse mon entrée"
Je bondis sur place. Alric revêtit son armure, l'épée à la main. Lola et Loric entrèrent en trombe, ce dernier en tenue de combat, les mains auréolées de bleu. Des miroirs s'ouvrirent, faisant passer les Protecteurs qui patrouillaient. Sandra et Tobias glapirent avant de se mettre à l'abri derrière l'îlot central de la cuisine. Jordan et Thomas se placèrent devant celui-ci pour les protéger, les mains tendues vers l'avant. On tournait tous la tête de tout côté pour voir d'où venait la menace. Apparemment tout le monde l’avait entendu.
"Wouahh !! pas de panique, je suis un gentil"
— C'est quoi ce bordel ! aboya Loric. Qui êtes-vous et montrez-vous !
— Ça ... ça vient de moi, il parle par télépathie de ma tête, murmurais-je.
Lola commençait à s'avancer vers moi, mais je l'arrêtai d'un geste. Et bien sûr elle n'en tint pas compte.
Elle s'arrêta face à moi et me regardant droit dans les yeux, demanda.
— Qui êtes-vous, qu'est-ce que vous voulez, laissez mon homme tranquille.
"Bonjour Lola, je suis très heureux de pouvoir enfin vous parler à tous les deux. Je m'appelle Rolf, ce qui signifie Le Guerrier Renommé. Je suis un Originel, et l'âme qui a fusionné avec Aaron."
— Impossible ! objecta Jordan. Une âme n'a pas de conscience, elle fusionne totalement avec celle du porteur.
"Et pourtant je suis là, devant vous, et je peux vous le prouver."
— Comment ? questionna Loric.
"En vous le montrant, Lola, tu devrais te reculer un peu."
La voyant hésiter, je faisais signe à Loric. Ce dernier s'approcha, méfiant, et posa les mains sur les épaules de Lola afin de l'éloigner de moi. Je lui souriai pour la rassurer, mais sans succès.
Pas très confiant, ma vision se teinta de bleu. Je sentis des picotements sur tout mon corps avant de me retrouver entouré de brume bleue. Ensuite une douleur fulgurante me traversa. Je fermai les yeux et serrai les dents pour ne pas hurler. Cela dura quelques secondes, puis tout redevint normal, à part mon regard que je savais bleu électrique. Je regardai mes mains et sursautai.
— Mais...
"Ne t'inquiète pas, tu es toujours toi, mais je ne fait plus qu'un avec ton corps. En ce moment, tu as toutes les aptitudes que je possédais en tant qu'Originel. Ma force, mon endurance, mes capacités de guérison etc, etc...dès que tu en ressentiras le besoin, ou que tu te trouveras en réel danger, la fusion se fera automatiquement."
— On dirait un Protecteur, s'extasia Tobias. C'est trop génial.
— Ok, mais j'aimerais bien retrouver mon corps d'avant si ça ne te gêne pas. Je crois qu'il ne fait aucun doute que tu dis la vérité.
"Comme tu veux" ricana-t-il.
Le même processus s'enclencha en sens inverse, avec la même douleur. J'étais redevenu moi-même, à mon grand soulagement. Je sentis mon bras me picoter et je savais ce que cela voulait dire. Je posais mon regard dessus, et vit s'imprimer un nouveau symbole. Il avait la forme d'un visage dont le front était traversé d'une sorte d'onde, semblable à un tracé cérébrale. Et comme les autres, il était bleu cobalt.
"La télépathie, tu peux désormais communiquer non seulement avec Lola, mais avec n'importe qui d'autre."
— Génial, bougonnai-je, et à quelles autres surprises dois-je m'attendre ?
"Tu le découvrira par toi-même, ce sera plus amusant."
— Je crois que nous n'avons pas le même sens de l'humour.
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