Aaron

Jordan s’agenouillait derrière ma tête et refaisait les mêmes gestes qu’au cours de l'entraînement.

Je sentais mon corps se figer et mon âme, fusionnée à celle de Rolf, sortit et se dirigea vers Lola qui l'attira dans son médaillon. Son portail s’ouvrit et son réceptacle ou plutôt sa sphère nous accueillit. Comme la première fois, l’émerveillement nous submergeait en devinant les lucioles de toutes les couleurs qui se mirent à danser autour de nous. Nous n’avions plus qu’à attendre que l’âme noire se réveille. J’avais hâte d’exterminer cette chose et de libérer Lola.

« Surtout, quoi qu’il se passe, tu dois garder ton sang froid Aaron, c’est primordial. Si tu laisses ta rage te diriger, c’est Lola qui en subira les conséquences. Ok ? »

« Ouais, j’ai compris ! je ne mettrai jamais ma B’Shert en danger, tu le sais très bien Rolf. »

« Je voulais juste m’en assurer mon cher. »

« Aaron ? »

« Oui mon cœur, je t’entends. »

Je sentais son soulagement.

« Et si cette chose ne se réveillait que lorsque je dormais ? elle m’a toujours attaquée par un cauchemar pendant mon sommeil après tout. »

"..... Excellente question, merde ! Personne n’y a pensé. Je vais en parler à Jordan. »

Je contactais l'Éveilleur et lui répétais l’interrogation de Lola. Après avoir débité un chapelet de jurons, ce qui me surprenait de sa part, et m’expliquer ce qu’il allait faire, je rompai la connection avec lui.

« Lola, Jordan va te mettre en état de veille, il te laissera assez lucide afin que tu aies conscience de qu’il se passera. Ça va aller ? »

« Oui, oui, ça ira, ne t’inquiète pas, concentre-toi, et je t’en prie fais attention à toi. Rolf, je compte sur toi pour le protéger sinon je te tue, c’est clair ? »

« Je te le promets sur mon honneur Lola. »

Je sentais Lola plonger dans la torpeur. Nous nous mîmes de nouveau en attente.

« Je pourrais la blesser, non ? »

« Non, cette saloperie doit se planquer près de la sphère, elle ne peut pas aller ailleurs. Comme pour tous les Passeurs, cette partie de son corps possède une sorte de carapace qui la protège, elle ne risque rien. »

Au bout de quelques minutes, l’activité des lucioles s’intensifia. Elles se mirent à tournoyer puis se dirigèrent tout à coup vers la même zone. Ébahis, nous sentîmes l’entité apparaître. Elle se cachait autour de la sphère.

« Maintenant ! ! » criait Rolf.

J’appelais mon pouvoir dans mes mains, et lançai un éclair d’énergie vers l'entité. Celui-ci la percuta, la prenant par surprise. Elle siffla et recula derrière la sphère. Tout à coup, elle s’éparpilla en brume noire, et fonça sur nous à une vitesse telle qu’on ne put l’éviter lorsqu’elle nous entoura. Elle se densifia, et je sentais qu’elle tentait de nous étouffer et de nous aspirer.

« Je vais t’anéantir, espèce d'ordure » crachai-je.

« Ah ! Ah ! pauvre fou, tu penses ce que tu dis ? cette innocente est à moi ! ! tu entends ? mais qu’est-ce que... Ah ! Ah ! Ah ! mais quelle surpriiise ! un Originel ? Mon Maître me récompensera enfin des sacrifices que j’ai fait quand je lui dirai que j’ai tué un Guerrier tel que toi, ainsi que son hôte, tout en lui ramenant ce portail. Il va pouvoir se venger des Originels. »

« Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Comment peut-il savoir ce que tu es ? » demandais-je à Rolf.

La pression qu’il exerçait sur nous augmentait. J’avais le sentiment que mon âme allait se disloquer, la douleur commençait à être insoutenable.

« Aucune idée, mais j’ai un mauvais pressentiment. Il faut nous débarrasser de lui. Tu es prêt ? Je vais augmenter tes pouvoirs. »

Je me concentrais, et me transformais en brume bleue pour nous libérer de sa domination. Une fois cela fait, je me mis à tourner autour de lui, de plus en plus vite et resserrai à mon tour mon emprise sur lui. Il essaya de se dégager, mais sans succès. Il rugit de rage et se densifia.

Tout à coup, des images m’apparurent. Je voyais Lola se faire attaquer par un Maudit sans qu’elle en ait conscience. La peur me submergeait. Je me trouvait incapable de la défendre. Les Maudits ne voulaient plus l’enlever, mais la tuer.

L’un d’eux sortit ses griffes et s’approcha d’elle alors qu’elle était plongée dans un demi-sommeil. Je me mettais à hurler quand il lui transperçait la poitrine.

« LOLAAA ! ! ! LOLA ! ! Non... Non... Non. Je vous en prie ! ! NOOON ! ! »

« Aaron ! AARON ! ! C’EST UN CAUCHEMAR ! ! il t’envoie un cauchemar ! ! reprends-toi ! Lola va bien, tu m’entends ? elle va bien ! ! »

J’entendais Rolf, mais ne comprenais pas ce qu’il disait. J’étais dans un brouillard de douleurs, puis une autre voix me parvint.

« Aaron ? C'est moi Lola, qu'est-ce qu’il se passe ? tu me fais peur, je ressens ta souffrance. Aaron ? mais réponds-moi, bordel ! ! Rolf ! dis-moi ce qu’il a ! »

« Lola ? »

Je commençais à reprendre mes esprits à travers le brouillard noir qui m’engloutissait. Lola ! Elle était vivante. Rolf lui expliquait ce qu’il se passait, le cauchemar, les images de sa mort venant de l’entité.

« Lola ! Lola ! tu es là ? »

« Oui, oui je suis là ! je vais bien. »

Un indicible soulagement m'envahit. Puis je sentis une rage meurtrière monter en moi, la même que Lola semblait ressentir elle-même. Mon âme se mit à muter. Elle ne se dissipa pas en brume, mais en centaines de petites lames bleues. Je perçus les lucioles se changer elles aussi en minuscules lames.

« Ouh là ! ! c’est quoi ça ? » fit Rolf.

Un calme étrange descendit sur moi, ainsi que sur Lola, le ressentant à travers notre lien. Sans nous concerter, elles passèrent à l’attaque. Assaillie de tous côté, l’entité se faisait déchiqueter. Elle se changea en brume, mais réagissant aussitôt, les lucioles et mes lames fusionnèrent pour devenir un brouillard dense et électrique.

Elles enveloppèrent l’âme noire et l’étouffèrent en se densifiant au fur et à mesure que nous nous resserrions autour d’elle. Elle se mit à hurler de rage. Conservant notre étreinte, elle continuait à pousser des cris de jusqu’à ce que ceux-ci commencent à s’atténuer puis à s'arrêter.

C’était fini, nous avions réussi. Je sentais la rage bouillir encore en moi lorsque Lola nous parla.

« ON EST ATTAQUÉS, DÉPÊCHEZ-VOUS DE REVENIR ! ! »

Affolé, les images du cauchemar encore présentes dans mon esprit, je me ruais hors du corps de Lola pour réintégrer le mien. Je repris connaissance aux sons de lames qui s'entrechoquaient.

Je bondissais sur mes pieds, et cherchais Lola du regard. Elle se relevait avec difficulté, les traits tirés. Les autres Protecteurs étaient aux prises avec des Maudits. Je vis tout à coup l'un d'eux s'approcher d'elle par-derrière.

Au sol, Jordan gisait inconscient, du sang s'écoulant de sa poitrine. Ma rage me fit rugir alors que je me transformai dans une explosion de brume. Grognant et les babines retroussées, ayant pris l'apparence d'un chien, je bondis sur le Maudit atteignant Lola et lui arrachais la gorge.

Je sentais mon chien différent de d'habitude, j'étais plus grand, plus massif, plus dangereux. Merci Rolf.

« Faisons le ménage ! » me dit Rolf, la voix carnassière.

Je jetais un regard autour de moi pour me rendre compte de la situation tout en me positionnant aux côtés de ma B'Shert. Les Maudits étaient au moins une vingtaine. Soit environ trois par Combattant. Lola courut s'agenouiller près de Jordan et cria.

— Il faut le mettre à l'abri ! !

” Je sais, mais pas pour l'instant, essaie de compresser sa blessure,” lui répondis-je.

Elle arracha une bande sur son haut et la maintint sur les blessures de Jordan. Je me retournai et bondissai sur un Maudit s'apprêtant à déchiqueter l'un des jumeaux tombé un genou à terre, aux prises avec trois d'entre eux. Je le percutai dans le dos, et refermai mes mâchoires sur sa gorge. Le Protecteur se tourna vers moi, et m'adressa un sourire carnassier avant de foncer droit sur les deux autres. Toute espièglerie avait déserté son regard et son visage. Le Guerrier avait soif de sang.

Je me retournai et me figeai en regardant Lola. Toujours à genoux, les yeux fermés elle tenait son médaillon. Son aura diffusait autour d'elle une brume multicolore. Tout à coup les lucioles que l'on avait discernées en elle sortirent du collier, se transformèrent en minuscules lames, avant de se déployer, de se disperser et de se ruer vers les Maudits.

Incapable de comprendre ce qu'il se passait, ces derniers hurlaient et s'agitaient dans tous les sens comme aux prises avec un nid de frelons. De multiples estafilades, qui se mirent à saigner, apparurent sur leurs visages et les parties découvertes de leurs corps. D'abord éberlués, les combattants se saisirent de cette opportunité en se jetant sur leurs adversaires, et mettaient fin à l'attaque en les annihilant.

Un silence à couper au couteau s'ensuivit. Tous les regards se tournèrent vers Lola. J'aperçus une lègère volute noire sortir elle aussi du collier, et partir comme une flèche vers le ciel. Elle ouvrit les yeux, et s'affaissa au sol sans connaissance.