Chapitre 15-1
15-1
Je repris ma forme initiale et courus vers elle. M'agenouillant, les mains tremblantes, je la soulevais délicatement et posais sa tête sur mes genoux.
— Lola ! Lola réveille-toi, la suppliais-je.
Je vis, du coin de l'œil, Sandra et Tobias accourir vers nous. La Guérisseuse posa sa main sur le front de Lola et me dit, la voix tremblante, avant de se tourner vers l'Éveilleur.
— Ne t'inquiète pas, elle est juste évanouie, mais je dois m'occuper de Jordan.
— Bien sûr, est-il gravement blessé ? demandais-je tandis qu'elle ôtait le tissu lui cachant les blessures.
Elle les examina quelques instants avant de déclarer, des larmes dans la voix.
— Oui, les griffes du Maudit l'ont traversé de part en part, apparemment le cœur n'a pas été touché, mais il a perdu beaucoup de sang. J'AI BESOIN D'AIDE !! cria-t-elle en relevant la tête.
Loric arriva en trombe.
— Il faut l'emmener à l'intérieur, reprit-elle, Tobias, prépare une bassine d'eau tiède et des linges propres.
Je prenais Lola dans mes bras et suivais Loric qui soulevait Jordan et l'emmenait dans le salon. Il le déposa avec douceur sur l'une des couvertures que Thomas avait installée au sol, pour y installer les blessés, après avoir fait de la place. Tobias avait rempli des récipients d'eau et avait amené des linges propres.
Un Protecteur soutenu par un autre s'allongea lui aussi. Son visage et son bras gauche, dégoulinaient de sang.
J'emmenais Lola et allais l'allonger sur son lit. Tobias me rejoignit.
— Va aider Sandra, je vais veiller sur elle.
— Tobias...
— Non, tu as des dons de guérison, va aider les autres, si Lola se réveille, je t'appelle, à travers votre lien tu sentiras s'il y a un problème.
Il avait raison, je me penchais sur elle et posais un baiser sur son front.
— Je reviens dès que je peux, lui murmurais-je.
Je retournais au salon, et prodiguais les soins aux blessés légers. Leurs armures les protégeaient efficacement, mais pas à cent pour cent, alors que Jordan lui n'en possédait pas. C'est pourquoi son état était préoccupant et que Sandra restait près de lui.
Ensuite, je décidai de faire un tour à l'extérieur. Les Protecteurs sur leurs destriers sortaient des bois. Ils n'avaient pas l'air blessés. Alric s'approcha d'eux et je le suivis.
— Avez-vous eu des difficultés ? interrogea Alric.
— Non, pas vraiment, avec les chevaux, nous en sommes venus à bout assez facilement. Et comment ça s'est passé ici ? demanda l'un d'eux.
— Quelques blessés légers, mais Jordan est bien amoché.
— La Chasseuse est revenue ?
Alric se tendit.
— Comment ça ?
— Bah, elle était dans les bois, on lui a ordonné de rentrer lorsque les Maudits sont apparus. On pensait qu'elle serait là.
— Vous l'avez laissé toute seule alors que des Maudits attaquaient BANDE D'ABRUTIS ? ?
Il n'avait pas terminé sa phrase qu'il courait déjà vers les bois. Je me lançais derrière lui. Il avait beau haïr les Chasseurs, il était avant tout un Protecteur, cet instinct était plus fort que tout. Il s'arrêtait et humait l'air en tournant sur lui-même. Il tentait de trouver la piste de Délia. "Il avait enregistré la signature olfactive de la Chasseuse ? Bizarre." Il se remit à courir.
— Chasseuse ! DÉLIA !! TU ES OÙ ? RÉPONDS BORDEL !!
— Chuuut ! je crois que j'ai entendu quelque chose.
On s'arrêta, aux aguets. Un léger gémissement nous parvint sur la gauche. Alric partit comme une balle. "Ouais, vraiment bizarre", pensais-je en reprenant ma course.
— Merde.... !!
Je le vis s'arrêter et s'agenouiller au pied d'un arbre. En m'approchant j'aperçus les corps de trois Maudits dont deux décapités.
Je me précipitais près de lui. Délia était recroquevillée sur son flanc droit, elle semblait bien amochée. Des estafilades marquaient son visage ainsi que sa gorge et ses mains, malgré ses protections en cuir. Elle gémit et ouvrit à demi les yeux tandis qu'Alric tentait de la mettre doucement sur le dos.
— Je les ai eu ces enfoirés, t'as vu ça ? Je suis la meilleure combattante, plus forte que tes rigolos en armure, croassa-t-elle.
— La ferme, lui ordonna Alric, voyant le sang s'écoulant bien trop vite de ses blessures au cou.
— Tu sais parler aux femmes toi, espèce de connard !
— Eh bien je crois que tu fais ressortir le meilleur de moi Chasseuse et c'est réciproque on dirait.
Agacé, je soupirai et le bousculai pour accéder à Délia.
— Pousse-toi de là avant qu'elle se vide de son sang.
— Tu es trop chou toi, par rapport au Néandertalien, continua-t-elle.
— Tais-toi, la fustigeais-je, je vais essayer de stopper l'hémorragie.
Je plaçais mes mains sur sa gorge et appelais mon don de guérison. Le flux de sang commença à ralentir avant de se tarir.
— J'ai paré au plus urgent, il faut l'emmener rapidement auprès de Sandra, expliquais-je à Alric.
Ce dernier la souleva dans ses bras et commença à courir. Au bout de quelques mètres il s'exclama.
— Bordel ! Elle a perdu connaissance.
— Il faut faire vite Alric.
Il courut de plus belle. Arrivé au chalet, il se précipita dans le salon et l'allongea sur l'une des couvertures en appelant Sandra. Celle-ci se précipita. Elle passa ses mains au-dessus du corps de Délia et ordonna.
— Déshabillez-la ! Elle est blessée au niveau de l'abdomen.
— Qu... Quoi ? ? s'étrangla Alric.
— Arrgh ! Poussez-vous ! râla la voix d'Alia, en commençant à ôter les vêtements de Délia.
Ainsi la femme de Loric nous avait rejoints. Et c'était une bonne idée voyant la tête d'ahuri du Protecteur. Je croisais le regard de Sandra.
— Jordan ?
— Il est toujours sans connaissance, mais j'ai pu soigner ses blessures. Il est monté en fièvre, il faut attendre.
— Lola ?
— Elle va bien, elle dort, va la rejoindre, je m'occupe du reste avec Alia.
Après un signe de tête à Alric, je me dirigeais vers la chambre. J'ouvrai doucement la porte, entrai et refermai derrière moi. Tobias était allongé près d'elle et s'était endormi lui aussi. J'observais les deux personnes que j'aimais le plus au monde, la gorge serrée et décidai de les laisser se reposer. Sans faire de bruit, je pris des vêtements propres et filai à la douche.
Sous le jet brûlant, mes muscles se dénouèrent. Je sortis de la douche, me sèchai et enfilai rapidement un pantalon de sport ainsi qu’un t-shirt. Je quittai le chalet chaussé de baskets et me dirigeai vers la forge. J’avais besoin de réfléchir à tout ce qu’il s’était passé.
Je m’installai en tailleur au milieu de l’atelier et fermai les yeux. Je méditais pour purger mon esprit des pensées parasites, et me repassais le film des évènements. Quelque chose me titillait, me rendait anxieux, mal à l’aise. À la fin de ma rétrospective, j’appelais Rolf, j’avais des questions et il avait plutôt intérêt à avoir les réponses.
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