— Jordan, comment vas-tu ?

— Je vais bien, me sourit-il, je guéris très vite, mais merci de t'en inquiéter Lola.

Je lui souriais en retour et les priai de s'installer en cercle au sol. Surpris et un tantinet méfiants, ils s'exécutèrent quand même sans discuter. Sandra se tenait à l'écart, le regard suspicieux et angoissé. Je demandai à Aaron d'inviter Rolf à cette réunion.

— Rolf, tu es là ?

"Oui, Lola... si tu as l'intention de faire ce à quoi je pense, es-tu sûre d'y être prête ? Personne ne nous entend si cela t'inquiètes, je n'ai ouvert le canal qu'entre nous deux."

"Je n'ai pas le choix, je n'ai jamais eu le choix. Comment sais-tu ce qui va suivre ? "

"À cause de ce que tu as fait pendant notre combat et la bataille, je ne connais qu'une personne dotée de ce pouvoir."

— Lola ? m'interpella Aaron, il y a un problème ? tu es toute pâle.

— Non, non, tout va bien, tentai-je de le rassurer. Je prenais un grande inspiration et me lançais. Voilà, lors du combat contre l'âme noire, puis la bataille contre les Maudits, vous m'avez vue utiliser un pouvoir que j'ignorais posséder, et pour cause, ce n'est pas moi qui l'utilisais.

Un silence stupéfait suivit ma tirade. Aaron, Alric, Jordan et Loric me regardaient bouche bée, alors que Thomas fermait les yeux. C'est Loric qui le premier reprit la parole.

— Je te demande pardon ? qu'est-ce que tu veux dire ? et d'où vient ce pouvoir ? je n'ai jamais vu ça.

"Que le cirque commence", me souffla Rolf en aparté.

— Je vais vous demander de vous tenir par la main, s'il vous plaît. Si quelque chose ne va pas, Sandra le verra immédiatement et interviendra. J'ai quelqu'un à vous présenter, alors je vous en prie, surtout ne vous lâchez pas, d'accord ?

En silence, chacun prit la main de son voisin jusqu'à obtenir un cercle hermétique. Je fermai les yeux et me concentrai. Comme la dernière fois, j'avais l'impression de chuter, et comme la dernière fois, je me retrouvais dans la même position, entourée d'une brume bleu pâle sauf dans le périmètre du cercle. La différence étant la présence de mes compagnons de voyage. Choqués, ils essayèrent de se lever, mais ne purent esquisser un geste. Seul Aaron restait serein, ayant déjà vécu à peu près cette scène, sauf que là, je le voyais.

— C'EST QUOI CE BORDEL ! ! hurla Loric, furieux en s'agitant, fou de colère d'être ainsi immobilisé, tout comme Alric d'ailleurs.

— Loric, je t'en prie calme-toi, le suppliai-je, il n'y a pas de danger, je te le promets.

Il me lança un regard mauvais, absolument pas convaincu.

— Elle a raison, confirma Aaron, je suis déjà venu ici, lorsque Maya s'est dévoilée à Lola.

Jordan et Thomas eux étaient plutôt en attente, la curiosité inscrite sur leur visage. Je me tournai vers Aaron pour le remercier lorsque je hoquetai et écarquillai les yeux. Entre nous, debout, se tenait un homme, des cheveux blonds lui descendant jusqu'à la taille.

Un physique de Guerrier, comme Alric, il portait une armure identique à celle des Protecteurs. Ses yeux bleus étaient vifs, durs et pourtant, à cet instant, ils reflétaient la bienveillance. Son visage montrait une balafre courant de sa tempe gauche jusqu'au menton, mais elle n'enlevai rien à sa beauté masculine. Il avait un air beaucoup plus sauvage et brut qu'Alric. J'en eus la chair de poule jusqu'à ce qu'il m'adresse un clin d'œil.

— Tu aimes ce que tu vois ? me murmura-t-il.

Je rougis jusqu'à la racine des cheveux. Je reconnaissais cette voix.

— Rolf ?

— Pour te servir, jeune fille, répondit-il en s'inclinant vers moi.

— Bon sang ! ! cria Aaron en dévisageant l'Originel à ses côtés. Mais comment... ?

— Cet endroit est particulier, il me permet d'être présent physiquement et de parler oralement, et ça fait du bien, crois-moi. Je suis ravi de pouvoir me présenter à vous tous.

Loric ouvrit la bouche pour lui répondre, mais nos regards furent attirés vers le centre du cercle où un chatoiement apparut ainsi qu'une voix grave, mais douce.

"Tu joueras au bellâtre un autre jour, Rolf. Nous avons autre chose à faire, mon ami."

Un homme se tenait désormais devant nous. Il était en tous points similaire à Rolf physiquement, à l'exeption de ses cheveux bruns coupés court, ainsi que de sa tenue en cuir fauve qui l'habillait et ses hautes bottes en peau de serpent.

J'entendis Alric et Loric grogner, me faisant lever les yeux au ciel. De vrais hommes de cro-magnon.

— Qui êtes-vous ? aboya le chef, c'est quoi tout ce cirque, bordel ?

— Je vous présente Hakon, Haut Protecteur et comme moi un Originel, répondit Rolf. Nous nous connaissons depuis notre enfance. Je suis très heureux de te revoir Hakon, mais tu nous dois des explications, mon cher. Tu as disparu du jour au lendemain, pourquoi ?

"Je vais tout vous expliquer, les secrets n'ont plus lieu d'être, et vu ce qu'il vous attend, vous devez savoir dans quoi vous vous embarquez. Comme vous l'a dit Rolf, je me nomme Hakon, je suis un Originel. À cette époque, il nous était interdit d'avoir une compagne et donc des enfants, nous avions l'obligation de consacrer notre vie à la protection d'Asilia, rien d'autre ne devait compter. Mais je suis tombé amoureux, j'avais trouvé ma B'Shert, elle s'appelait Randi. Nous avons caché notre liaison, pour la protéger."

Il se tourna vers moi, et je vis une telle émotion dans ses yeux, que mon cœur se serra. Je déglutissai avec difficulté. Il reprit la parole en me regardant droit dans les yeux.

"Randi était une Passeuse, un Portail et un Réceptacle. Lorsqu'elle est tombée enceinte, nous n'avions pas le choix que de partir et disparaître. Alors c'est ce que nous avons fait. Nous avons eu une petite fille qui a été la première de ta lignée, Lola. Nous avons coupé les ponts avec Asilia, et n'avons jamais regretté ce choix."

Un silence abasourdi suivit cette révélation, chacun alternant son regard sur Hakon, puis moi.

— Tu veux dire que Lola a du sang d'Originel dans ses veines ? s'étrangla Loric.

— Voilà pourquoi je n'ai trouvé aucune trace de toi, intervint Thomas. Ni de cette histoire de B'Shert. Tu étais supposé être mort lors du combat avec...

"Je vais y venir, mais il est important d'exposer les choses dans l'ordre", le coupa Hakon.

— Mais je croyais que c'était Maya qui avait imposé le secret sur ma lignée ?

"C'est exact, mais elle n'a jamais eu connaissance de mon existence, tu es la première à être détentrice de ce secret, ma chérie."