17-2

J'observais Lola du coin de l'œil, le front plissé, silencieuse, perdue dans ses pensées. Alors que les autres tentaient d'élaborer un plan pour s'emparer de Logan. Je sus le moment où elle prit sa décision. La peur et la colère s'emparèrent de moi.

— Il n'en ait pas question Lola ! tu oublies ça ! criais-je.

Le silence s'imposa alors que toutes les têtes se tournaient vers moi, puis vers elle. Loric la dévisagea. Il avait compris lui aussi.

— Aaron à raison, ma petite. Ce serait trop dangereux pour toi, et pour nous.

— Euh... peut-on savoir ce qu'il se passe ? osa demander Alric.

— Elle veut servir d'appât, je ne te laisserai pas t'exposer ainsi Lola, c'est impossible. Tentais-je de la raisonner.

— Tu sais que c'est la seule solution, Aaron. Je sais que c'est risqué, mais j'ai Hakon avec moi, toi tu as Rolf, plus les Protecteurs et Loric.

— Et que se passera-t-il, s'il réussit à t'enlever, hein ? rétorquais-je les poings serrés. Logan, peut apparaître et disparaître à volonté, nous n'avons aucun moyen de l'en empêcher. Tu serais à sa merci. Ensuite il te livrerait à ce... ce maître, et là, tu sais ce qu'il se passerait. Merde, je refuse, tu m'entends ? ? Je...

" Ça suffit, Aaron ! tu es mon B'Shert, mais cela ne te donne pas le droit de prendre les décisions à ma place."

Je la dévisageais, les yeux ronds. Elle venait de me remettre proprement à ma place. Ses yeux me lançaient des éclairs. Nous nous défiâmes du regard.

" Il y a peut-être un moyen de le contrôler. N'est-ce pas Rolf ? "

" Hakon..."

" Non, Rolf, il est temps de leur dire, plus de secrets, tu te rappelles ? c'est notre devoir, envers Asilia et Lola."

" Notre devoir ? il était où le tien quand tu es parti ? "

— ÇA SUFFIT ! ! Hakon, Rolf, on vous écoute, vociféra Loric.

Il nous regardait tour à tour Lola et moi, les sourcils froncés. Après un long moment d'hésitation, Rolf reprit la parole.

" Il est possible que je puisse empêcher Logan de se dématérialiser s'il tente d'enlever Lola, et donc de pouvoir le maîtriser ensuite."

— Tu peux développer ?

Le chef grinçait des dents en sentant la tension qui régnait dans la pièce, et je n'avais pas l'intention de l'alléger, la frustration tendait mon corps, mes mâchoires me faisaient mal à force de les serrer, j'invectivais Rolf.

"Dépêche-toi, il faut que je sorte d'ici."

Il grogna en retour, aussi énervé que moi, mais prit la parole.

" Je peux créer des champs magnétiques à partir des noyaux interne et externe de votre monde, ne me demandez pas comment. Je peux enfermer Logan dans un dôme et l'empêcher ainsi de se dématérialiser. Ce champs l'obligera aussi à rester solide."

Je savais que Loric pesait le pour et le contre, et que la révélation de Rolf sur son don spécial allait faire pencher la balance sur sa décision. Lola me jetait des coups d'œil. Je sentais sa tristesse, mais je ne pouvais pas accepter ça. Cela m'était tout bonnement impossible. Je regardais droit devant moi. Ce n'était pas une réaction immature, mais liée à notre lien de B'Shert. J'attendis d'entendre la décision du Meneur, même si je la connaissais déjà. Sentant son regard sur moi, je plantais le mien dans ses yeux reflétant la compréhension, mais aussi la détermination avant qu'il ne prenne la parole.

— Au vu de ce que Rolf vient de nous dire, c'est la meilleure chance que nous ayons pour le capturer, et étant donné que la personne qui l'intéresse est Lola, c'est aussi notre meilleure chance de l'attirer dans un piège.

Je n'entendis pas la suite. J'eus l'impression qu'un poignard me transperçait le cœur. Je me levais, tremblant, sentant la fureur m'envahir, la chaleur de mon corps augmenter. Comprenant ce qu'il se passait aux sons des hoquets de stupeur m'entourant et au voile bleu descendant sur mes yeux, je regardais mon chef .

— Tu es prêt à prendre le risque de sacrifier ma B'Shert ?

Ma voix était grave, calme, mais glaciale. Je sortis de la pièce en claquant la porte, poussai un rugissement de rage, sorti en courant de la maison, sauta par-dessus l'enceinte sous le regard ahuri des gardes et m'enfonçait dans la forêt.

Lola

— AARON ! ! AARON ! !

Je me précipitais vers la porte, mais Loric me retint par la taille.

— Non, Lola, c'est inutile, il faut le laisser se calmer.

Je me débattais dans ses bras, je devais le rejoindre. J'entendais Loric, mais je m'en fichais.

— LOLA ! Calme-toi ! de toute façon tu ne pourras pas le rattraper. Laissez-nous !

Le raclement des chaises me signala que tout le monde se levait pour sortir. Jordan me serra l'épaule en passant. Mes joues étaient inondées de larmes, mais je m'étais calmée. Loric relâcha son étreinte sur moi et me demanda de m'asseoir. Il passa sa main dans ses cheveux et se frotta le visage en soupirant.

— Je ne veux pas être indiscret, mais il s'est passé quelque chose entre vous tout à l'heure, tu veux bien me dire quoi ?

— Je lui ai dit qu'il n'avait pas à prendre de décisions à ma place, murmurais-je.

— Je comprends mieux maintenant. Est-ce qu'il t'a expliqué comment fonctionnent les âmes sœurs ? ou B'Shert, c'est la même chose.

Il me souriait gentiment, ce qui m'aida à reprendre mon contrôle émotionnel.

— Non.

— Il faut que tu saches que les couples de B'Shert, tant qu'ils ne sont pas officiellement unis devant tout le monde, ont leurs sens vis-à-vis de l'autre exacerbé. Leur instinct de possession, de protection, de jalousie, tous ces sentiments sont démesurés. Tu ne t'en es peut-être pas rendu compte, mais pour toi c'est la même chose.

Je me remémorais alors ma réaction lorsque Sandra, la guérisseuse, s'était approchée d'Aaron pour le soigner après le premier combat contre les Maudits. J'avais eu envie de lui arracher les yeux, et m'était penché sur son corps pour le protéger.

— Cela ce calme après l'union, mais ce que j'essaie de t'expliquer, c'est que pour Aaron, il lui est viscéralement impossible d'accepter que tu te mettes en danger sciemment. C'est pourquoi j'ai pris la décision de ce plan. C'est un ordre direct du Meneur, et il ne peut pas passer outre. Le fait de lui avoir dit ça, l'a blessé dans son rôle de protecteur exacerbé qu'il ressent envers toi, et tu aurais réagi de la même façon si la situation était inversée, tu comprends ?

— Oui, mais pourquoi ne m'a-t-il rien dit ?

— Parce que c'est un idiot.

— Il va t'en vouloir à mort.

— Je sais, j'aime toutes les personnes que je dirige, mais je suis aussi le Meneur, je dois prendre des décisions difficiles quelquefois, c'est mon rôle, même si cela n'est pas forcément plaisant. Ma priorité est de protéger Asilia.

— Je comprends, est-ce que tu sais où il peut être allé ?

— Non, mais je sais où il ira une fois calmé, je vais te faire accompagner à sa forge.

Je me levais en même temps que lui.

— Nous ne laisserons rien t'arriver Lola.

C'était une promesse. Il m'embrassa sur le haut du crâne et sortit de la pièce.