IV

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Le long et harassant voyage touchait à sa fin. Pour la première fois, Ai-ran sut enfin quel était sa destination. Au milieu d'une vallée asséché se trouvait une immense forteresse, aussi grande qu'une ville, de laquelle s'échapper d'épaisses fumées noires. Alors que leur destination se trouvait encore à une bonne journée de voyage, ce qu'il en apercevait lui faisait froid dans le dos. L'immense structure noire ne comportait aucune fioriture, rien qui ne soit pas nécessaire, un bâtiment purement utilitaire. Battit de manière stratégique, même la meilleure des armées réfléchirait sérieusement avant de l'assiéger et aucun voyageur n'irait y chercher refuge. Une aura glaciale et sanglante l'entourait.

La vallée n'était guère plus accueillante. Les traces laissaient par ces habitants étaient comme une blessure purulente dans le paysage. À Fëanor, on portait un grand respect pour la nature. C'était elle qui fournissait au artisan la matière pour créer. De nombreux mythes relataient comment un homme, trop avide, c'était ruiner après avoir détruit ses ressources. Ici, la déforestation n'avait laissé qu'une terre brulait et boueuse. Des traces de carrière et de mine laissait le reste du paysage éventré.

– Quel est cet endroit ? Demanda sombrement Ai-ran.

Viator fut légèrement surpris. Au cours de son long voyage, il avait compris beaucoup de choses sur le jeune garçon. Et l'une d'elles, c'était qu'il n'était pas causant. C'était peut-être même l'une des premières fois qu'il lançait une conversation par lui-même.

– Maintenant, je pense que je peux te le dire. Voici Taetnire, la voix du guide vacilla légèrement quand il prononça le nom reflétant sa peur. Honnêtement, je n'avais pas hâte d'y arriver. Il y a cinquante an, l'empereur à créer une alternative à la peine de mort. Un criminel refusant de mourir était enfermé dans l'une des dix prisons créées ou aménager à cet effet. Cependant, je pense personnellement que je préférais mourir que de vivre enfermait à vie dans l'une de ses prisons.

Viator laissa un blanc pour observer les réactions d'Ai-ran. Mais comme à son habitude, le garçon ne bronchait pas, il écoutait d'un air impassible. Le guide avait reçu pour ordre de garder la destination secrète le plus longtemps possible pour éviter la fuite de l'artisan. Toutefois, maintenant, qu'il l'avait côtoyé tout au long de son voyage, il savait que le garçon était plus solide qui ne lui paraissait. Le zhikerhote ne savait quel était le moteur du jeune insulaire, mais il semblait puissant. Il reprit donc cachant sa propre peur :

– Pour les prisonniers, c'est l'enfer sur terre. Le but de ses prisons, c'est de pouvoir approvisionner l'armée et la population. Chacune se concentre sur un approvisionnement en particulier. Nourriture, vêtement, équipement. Les ouvriers y ont une statue inférieure aux esclaves. Et finissent par mourir de surmenage. Taetnire est la pire d'entre toutes. C'est ici que sont produit la grande majorité des armes. C'est la forge de l'empire.

Ai-ran hocha simplement la tête. Il comprenait mieux pour quelle raison l'endroit rebuté Viator. Il ne voyait cependant pas ce qu'on allait lui demander, mais il savait qu'il n'allait pas apprécier. Il regrettait pour la première fois de n'avoir pas refusé la mission. Surtout, ne comprenait pas le lien entre sa mission et cet horrible pénitencier. Le diadème ne s'y trouvait certainement pas, pas plus que de bibliothèque ou de savant qui pourrait le renseigner. À sa connaissance, il ne pourrait pas non plus croissait de personne haut placée dans une prison. Sa couverture n'allait donc lui servir à rien. Alors pourquoi les vieux du conseil l'avaient envoyé ici ? Après ce long voyage, il avait admis ce que son mentor lui avait révélé. IL avait digéré que les elfes puissent voir l'avenir. Par conséquence, il n'était pas ici pour rien. Il devrait comprendre par lui-même.

Il leur fallut toute la journée avant d'arriver devant les lourdes grilles en fer. Le soleil couchant accentué l'aura meurtrière et sanglante de la forteresse. Maintenant, qui la voyaient de plus prés Ai-ran pouvait ressentir grâce à ses pouvoirs le passer de chacune des pierres de la forteresse. C'était un bon qu'on lui avait enseigné à l'académie permettant d'analyser et d'expertiser n'importe quel objet ou création façonnait par un être. Plus l'on perfectionner cette magie, plus l'on pouvait ressentir les intentions du créateur, mais également les émotions et l'histoire de l'objet. Ai-ran avait perfectionné cette magie dans le but d'apprendre de chaque création qui passait dans ses mains. Malheureusement, son besoin d'analyse dépassé souvent le simple domaine de la création. Cela lui permettait aussi de percevoir l'âme des lieux qu'il visitait. Habituellement, cela lui servait pour se rassurer lui qui n'appréciait pas l'inconnue. Mais ce qu'il ressentit eut l'effet inverse lui faisant légèrement perdre son air stoïque. Il pâlit, ravala difficilement sa salive. Tant de douleur, de souffrance... Il était trop tard pour faire demi-tour à présent.

La grille se souleva doucement, le torturant encore plus. Puis, il put rentrer dans la cour. La grande cour servait habituellement à trier les nouveaux prisonniers. Des barrières à bétail servaient à les guider vers deux portes en fer forgé. De l'autre côté de la cour, se trouvait une porte en bois plus accueillante et d'un luxe qui dénotait dans un tel lieu. Viator s'y arrêta :

– C'est là que prend fin, mon rôle, déclara-t-il. Je suis heureux d'avoir pu te rencontrer.

Ai-ran se contenta de hocher la tête ce qui fit sourire l'homme. Il s'était tout de même attaché à ce garçon peut causant. Il était même triste de le laisser là, persuadé que le jeune artisan n'avait pas sa place dans un tel lieu. Il lui donna une tape à l'épaule avant de se diriger vers les gardes.

– Ici Ai-ran, artisan envoyé par Fëanor. Il est attendu.

Les gardes les étudièrent un instant d'un œil mauvais. Il y avait très peu de visite et voir un garçon à peine sortir de l'enfance semblait bien étrange. Leur regard était dur et peu accueillant. L'un des gardes fini rentra un instant avant de revenir :

– Seul l'insulaire a le droit de rentrer. Vous êtes remercié pour votre mission.

Étonnamment, Viator se sentit agacé par le mépris manifeste que le garde montrer vis-à-vis d'Ai-ran, mais il savait qu'il ne pouvait rien dire alors après un dernier regard vers le garçon, il se retira en se demandant ce qui l'avait fait changer d'avis sur les insulaires.

Ai-ran regarda son guide partir. Ce n'était pas un homme mauvais finalement. Ai-ran se surprit de voir qu'il s'était habitué à sa présence. Ce qui revenait pour lui à dire que c'était un ami. Il suivit cependant le garde sans un adieu, sans un regard.

Le couloir n'avait rien à voir avec l'extérieur du bâtiment. Tout était parfaitement propre et lustré. De nombreux orbes magiques éclairés le couloir décoré froidement. Le long couloir donna sur un vestibule sobre mais confortable.

Le garde l'abandonna là sans même lui dire un mot. Ai-ran s'assit et sortit de ses poches de quoi occupé ses mains.

Durant plus deux heures rien ne se passa. La nuit était totalement tombée lorsque la porte s'ouvrit sur un bureau qui était aux antipodes de ce qu'il avait vu jusqu'à présent. Les murs dans un bois rare étaient richement recouverts de belle tapisserie, un magnifique chandelier magique éclaire parfaitement la pièce. Le chandelier en lui-même était fait d'un ouvrage délicat que même Ai-ran reconnaissait le talent autant technique qu'artistique de son créateur. Les meubles en essence rare étaient également élégamment sculptés et les tapis changer tous les jours. La pièce en venait à être bien trop chargé en richesse entre vitrines montrant des armes décoratives finement ouvragées et les tableaux montrant la grandeur de l'empire.

Un homme au regard méprisant et au ventre bedonnant se trouvait derrière le bureau massif et devant le gigantesque tableau de l'empereur. L'homme n'était guère accueillant, ne cachant pas son mépris. Toutefois, Ai-ran n'avait aucune envie de s'attarder plus que nécessaire dans cette pièce, il fit donc le saluer que lui avait apprit Viator. Cependant, son hôte ne lui retourna pas la politesse. Au contraire, il prit plaisir de voir l'insulaire baisser la tête devant lui. Ce sauvage ne méritait pas mieux. Quand il eut assouvi son plaisir sadique, il fit sèchement signe au garçon de s'asseoir. Si lui était installé dans un fauteuil bien confortable, Ai-ran avait le droit à une chaise en bois brut loin de quelconque confort :

– Bienvenue, Cher Ai-ro dans ma forteresse...

– Je vous prie de m'excuser, coupa le jeune homme d'une voix ferme. Je suis sûr que l'erreur ne vient pas de vous, on a du mal, vous informé. Cependant, je tiens à vous corriger mon nom est Ai-ran. Et c'est bien évidemment un honneur d'être accueilli par si grand homme.

L'homme ne put cacher son mécontentement, il n'avait pas l'habitude d'être interrompu et que soit en plus le gamin insulaire qui se le permette était intolérable. Pourtant, Ai-ran savait très bien ce qu'il faisait. Il n'aimait guère se faire remarquer et encore moins communiquer avec ce genre de personne. Mais il savait que s'il se laissait faire par ce genre d'homme, il se ferait marcher dessus tout le long de son séjour.

Bien que mécontent, l'homme reprît d'un ton presque calme :

– Excusez-moi, maître Ai-ran. Je vais rappeler à l'ordre mes subordonnés, mais sachez que dans cette région les informations circulent mal. Je me présente, commandant de la forteresse de Taetnire, Pilper Hiriel. Vous serez sous mon commandement direct. On m'a chargé également de vous dire en quoi consiste votre mission ici. Sachez que vous vous trouvez dans la forteresse qui abrite les pires criminelles du pays. Des dégénérés sanguinaires qui ne méritent pas le nom d'humain. Le seul intérêt à garder en vie ces rebuts, ce sont leurs mains d'œuvre. Dans cette forteresse, tout tourne autour du métal. Les pires détenues sont ce que l'on envoie aux mines, aux carrières et à la forge. Mais les autres doivent s'occuper du reste. Seul ceux qui ont conservait un peu d'humanité ont le droit d'être assigné à l'entretiens et aux services des gradés. Et même s'il se débrouille bien, ils peuvent sortir comme esclave. Des fois, je me dis qu'on est trop gentil avec ces bêtes-là. Bref, toi ce qui t'importe, c'est la forge. Cela fait quelques années que ces animaux ne sont plus capables de produire correctement. Les commandes sont de mauvaise qualité et toujours en retard. Ton but, c'est de rendre ces chiens utiles à quelque chose.

Les propos du zhikerhote choqué grandement Ai-ran qui ignora également que l'homme était passé sans honte du vouvoiement au tutoiement et il répondit froidement :

– Je ne suis qu'un simple artisan, pour ce que vous demandez, il faudrait un chef atelier. Je vous conseille de refaire une demande avec plus de précision.

– Et toi, simple artisan, tu voudrais rompre le contrat ? Je croyais que vous autres vous respecter toujours vos contrats.

Le mépris de l'homme devenait de plus en plus évidant, ce qui n'empêcha pas à Ai-ran de répondre avec assurance :

– Non, je fais juste remarquer que je ne suis pas l'homme de la situation. Ce n'est pas le même travail de diriger un atelier que forgeait seul. Je suis un artisan indépendant. J'ai toujours travaillé seul.

– Cependant, nous avons demandé effectivement le meilleur des artisans pour une raison. Mais cela, je vous le révèlerai plus tard. Laissez-moi plutôt appeler quelqu'un pour que l'on vous fasse visiter les lieux.

– Oh, je vous en pris, ne déranger pas vos subordonnés. Ils pourraient encore commettre une erreur. Vous ne serez jamais mieux servi que par vous-même et ne dit-on pas que c'est à l'hôte de faire visiter les lieux ?

Pilper était courroucé. Lui, un gradé de la puissante et noble armée zhikerhote, devoir s'abaisser à servir de guide à un vulgaire gamin insulaire ! Son honneur allait être bafoué. Il allait devenir la risée de tous. Pourtant, il n'avait pas vraiment le choix, il comptait sur la lâcheté de Fëanor pour ne pas finir sa mission. Mais le sale gamin avait ouvert sa gueule. Et ce qu'il subirait si la rumeur qu'il avait failli à sa mission serait bien pire que son honneur bafoué et les bruits de couloir.

Le début de la visite fut assez rapide. Ils traversèrent d'abord les quartiers réservés aux gradés. C'est là qu'Ai-ran put apercevoir les premiers prisonniers. Si d'après le commandant Pilper, ils étaient les mieux lotis, il n'en restait pas moins qu'ils faisaient grand-peine à voir. Ai-ran ignorait qu'une telle maigreur était possible, leur habit ample et déchiré ne pouvait cacher les sévices qu'ils subissaient. Leur regard fuyant, leur dos courbé et la courbette exagérée qu'ils faisaient à leur passage ne pouvait que démontrer la peur panique que leur procurer le commandant.

Ai-ran savait que l'empire avait un grand nombre d'esclaves et que cela faisait partie d'un des commerces le plus lucratifs de ce pays. En voyant l'état de ces pauvres personnes, il ne put imaginer ce que pouvait subir les esclaves en dehors de ses murs.

Pilper le fit sortir dans une grande cours où divers groupes de prisonniers s'activaient à des tâches fastidieuses et harassantes malgré la noirceur et le froid glacial de la nuit. Les cris des gardes et le bruit des coups de fouet résonné douloureusement à l'oreille d'Ai-ran. Plus leur chemin se poursuivait plus ces horribles bruits s'intensifier, plus les visions devinrent horrifique. Les prisonniers n'étaient plus maigres mais cadavériques, leur corps était un livre sur lequel était gravé les pire torture. Ils étaient également de moins en moins vêtus. Il put apercevoir au loin des pauvres gens tirer d'immense wagonnet remplit de minerai sans aucun vêtement. Dire que jusqu'à présent, il avait vu tant le bâtiment de l'administration bien trop d'artéfact à gemme pour des tâches aussi inutile que chauffer une pièce ou éclairer. Pourtant pour des tâches aussi fastidieuses que tirer un chariot de près d'une tonne, aucun artefact ni même de bête de trait.

La visite se conclut devant une immense forge de laquelle s'échapper une épaisse fumée noire. Les murs en pierre brute étaient noircis parla suit, les toits était parsemait de trous desquels échappé l'une grande parti de ses fumés. Le garçon adoré habituellement tous les lieux de création et les forge en particulier. Pourtant, il n'avait aucune envie de s'approcher plus de ce bâtiment qui ne pourrait certainement jamais voir naître de vrai création.

Accolé à l'immense bâtisse, se trouvait une petite maison qui tranchait avec le reste. Les murs n'étaient pas noircis, il était au contraire d'un luxe qui dénotait. Cela représentait un morceau de paradis au milieu de l'enfer. Cette maisonnette était parfaitement accueillante. C'est vers là que se diriger le commandant.

Il le fit rentrer à l'intérieur. Quand la porte fut refermée, plus aucun son de l'extérieur ne leur parvenu. L'endroit était très chaleureux bien qu'impersonnelle et bien trop grand pour Ai-ran qui avait toujours vécu dans la même chambre que ses frères et fait sa toilette dans un bac dans la salle commune ou dans les bains publics. La pièce qui les avait accueillies servait de pièce à vivre chauffé par une grande cheminé et éclairé par un lustre en fer forgé impressionnant. Un escalier menait à un étage servant de chambre. La chambre en elle-même était plus grande que celle qu'il avait occupée avec ses frères. La cheminé qui servait de chauffage était plus modeste que celle du rez-de-chaussée, mais tout aussi bien ouvragée. Le mobilier était également de bonne qualité. Une porte donnée sur une salle d'eau personnelle, ce qui lui semblait presque inconcevable. Cette pièce était plus grande que son ancienne chambre et la chambre plus grand que la pièce commune de chez ses parents. Ce qui l'étonna le plus ce fut la quantité de gadgets magique qui rendraient jaloux certains fëanoriens.

Pourtant, ce fut quand il arriva au dernier étage qu'il ne put cacher sa stupéfaction. Là, se trouvait un atelier, équiper de tous qu'il aurait pu avoir besoin pour forger ou créer un chef d'œuvre. Un atelier suffisamment rempli pour être comparé à celui d'un maître. Pour la première fois, il montra un autre vissage à son hôte. Ses yeux pétillé de plaisir et une envie soudaine de créer lui vint. Couper aussitôt par la voix sèche de son guide :

- J'espère que cette maison te convient, car c'est ici que tu logeras. Sinon, laisse moi te montrer pourquoi je suis toujours ici.

L'homme s'approcha du mur et activa une gemme.

Cela fit tiquer Ai-ran ; il y avait beaucoup trop d'objet magique dans cette forteresse. Tout activable grâce à des gemmes, permettant à un utilisateur non-magique d'activer un artefact. Pourtant, la magie des gemmes était loin d'être infinie. Il fallait soit en trouvait de nouvelle, soit remplir régulièrement la gemme de magie. Seul un mage était capable de faire cette opération et cela prenait souvent très longtemps. Une des techniques souvent utilisée à Féänor consistait pour un mage à garder une de ces pierres à ses côtés. Ainsi, elle se recharge d'elle-même, récupérant les débordements d'énergie de son utilisateur ou le reste d'un sortilège. Cependant, avec cette technique, il fallait près d'un an pour remplir une gemme moyenne. Et en empire, les seuls mages capables de les recharger était les élus. Et il savait qu'ils étaient très rares. Phénomène étrange, mais seul certains peuple humain possédait une majorité de personne sensible à la magie. Mais surtout, il savait que ces élus ne s'abaisseraient jamais à recharger les gemmes d'une forteresse prison. Il ne pouvait comprendre d'où provenait cette magie qui débordait de tout ce fort.

En activant la gemme, le commandant venait de faire disparaître le mur laissant paraître un horrible spectacle. À travers le vide du mur, l'on pouvait percevoir l'intérieur de la grande forge. L'épaisse fumée noire qui emplissait les lieux ajoutés au faible éclairage des rares torches ne lui permit pas de voir correctement l'intérieur tout de suite. Il aperçut d'abord la silhouette des immenses fourneaux. Puis sa vision se précisa et il put voir les rangés infinies de moule et de minuscule silhouette s'acharner sur des tâches les plus fatigantes, les unes que les autres. Quand ses yeux furent totalement habitués à la noirceur et au brouillard de la pièce, ce qu'il y vit lui donna envie de rappuyer immédiatement sur la gemme.

Les prisonniers étaient dans un bien pire état que ce qu'il avait vu jusqu'à présent. Si mince, que l'on pouvait se demander comment ils arrivaient à avancer. Tous étaient marqués par des brulures, des cicatrices, certains avait perdue des membres. Son regard se posa sur un garçon qui ne devait avoir à peine plus de dix ans, et qui pourtant, il n'avait plus rien d'un enfant. Il avait perdu ses formes enfantines laissant voir des pommettes saillantes et des yeux creusés entouré de lourde cerne. Ses cheveux noirs de crasse et emmêlés laissait des zones dégarnies sur son crâne.

Jamais de sa vie Ai-ran n'avait ressenti de si fortes émotions. Si forte que sa vision se brouilla. Si forte que l'air vint à lui manquer. Si forte que l'air autour de lui frémit. Si forte que les murs se mirent à trembler.

Le voyant pâle et tremblant, le commandant se méprit. Il crut que le gamin avait un instant de faiblesse, ce qui lui tira un léger sourire sadique. Après avoir savouré un instant la détresse de son invité, il activa de nouveau la gemme et le mur redevint opaque.

– Je suis désolé, c'était peut-être un trop violent alors que tu viens tous juste de recevoir ta mission. J'imagine que c'est ta première fois dans un pénitencier. Cela doit être dur pour un simple petit artisan...

La réplique fit tiquer Ai-ran. Le zhikerhote n'avait certes pas tort ; ce qu'il venait de voir avait chamboulé son petit monde. Lui, qui n'avait habituellement aucune émotion, ne savait pas gérer la colère qui bouillonnait en lui. La réplique de l'odieux personnage n'arrangea en rien le bouillon d'émotion en lui.

Si son voyage avait jusqu'alors nourri en lui qu'une envie de rentrer au plus chez lui ; pour la première fois de sa vie, il sentit un besoin de venir en aide à une autre personne que lui-même. Un besoin qui fit cesser cette mélancolie qui lui collait au corps. Il n'avait toujours pas la naïveté de pensé que sa petite personne pouvait changer le cours des choses, mais à présent, il allait user de ses faibles compétences pour tenter d'améliorer la vie de ces pauvres gens. Il ne parvenait toujours pas à comprendre en quoi sa présence ici pourrait aider à empêcher à l'empire d'obtenir le diadème, mais maintenant, il voyait un autre objectif à sa présence en ces lieux.

D'un air décidé, repoussant sa nouvelle colère au fond de son cœur, il demanda impassible :

– J'imagine que vous n'êtes pas ici seulement pour me montrer comment fonctionne ma maison ? Vous aviez une autre mission à me confier ?

Décidément, ce jeune insulaire, ce pitoyable hérétique, l'agaçait grandement. Comment pouvait-il sembler si faible durant quelques secondes avant de reprendre cet air impassible et insensible ? Il pensait quand lui montrant l'enfer dans lequel il était, le gamin s'effondre. Quel plaisir il aurait eu alors de l'écraser de tout son mépris et sa haine. Il aurait pu le punir de ne pas avoir tenu sa part du marché. Et lui, le grand commandent de Taetnire aurait son honneur sauf.

Toutefois, tout n'était pas encore perdu. Il n'y avait aucune chance pour que ce gamin réussisse la dernière mission qu'il devait lui confier. Alors là, il en profiterait bien...

– En effet, mais finissons d'abord avec celle déjà évoquée. À partir de maintenant, vous êtes en charge de toute la forge. Vous avez le champ libre. La seule condition, c'est d'augmenter la cadence de la production et la qualité. Vous trouverez dans le tiroir du bureau le carnet de commandes, la liste des effectifs qui vous sont attribués et l'inventaire des outils et machine disponible dans l'atelier. Le reste, je vous laisserai le découvrir.Vous avez un mois pour monter le niveau de production de manières significatives.

Sans se laisser impressionner par l'air supérieur du commandant, Ai-ran sorti le carnet de commande et les autres documents. Il le feuilleta d'un air distrait.

– C'est une tâche d'un ardue, mais ce n'est pas d'un artisan dont vous aurez eu besoin, insista le garçon. Si je suis là, c'est pour une autre raison.

– Tu es plus intelligent que tu n'en as l'air. Ta vraie mission est à la fois bien plus compliquée et bien plus importante.

Piler Hiriel se dirigea vers un établi et en sortie un objet. Il le déposa devant Ai-ran qui mit de côté les documents pour l'observer. C'était un collier de prisonniers ou peut-être d'esclaves. Il avait cru en voir des semblables sur des prisonniers. En l'étudiant mieux, il fronça les sourcils. L'entrave était un artefact. Ai-ran le prit sans enthousiasme pour l'étudier de plus près. Il ne put restreindre sa magie d'analyse et il fut plongé dans des brides de l'histoire de cet objet. Ce fut une expérience horrible. Il dut revivre les parties les plus fortes de la vie d'esclave et de prisonnier. Il ressentit en accéléré la résignation, la tristesse, la colère, la rage, la douleur qui entourait l'histoire de cet objet de malheur. Quand l'effet de sa magie s'atténua, il pouvait encore ressentir le poids du collier sur son coup. Il réussit à demeurer impassible serrant l'objet de toute ses forces.

Une fois son calme totalement retrouvé, son esprit analysa les données durement récoltées. Cet objet avait vu le jour il y a près de cent vingt ans des mains d'un nain talentueux. Plus que le passé de l'objet déjà horrible, c'était la fonction même de celui-ci qui lui donnait le plus de sueur froide. Quand il avait compris à quoi servait réellement cet artefact, il avait pâli. Ai-ran ne jugeait jamais une création par sa fonction. Il pensait en général que c'étaient les êtres animés qui faisait de l'outil quelque chose de bon ou mauvais. Cependant, il existait des choses qui n'avaient été créées que dans un but mauvais. Ces fers d'esclaves en étaient un exemple, de par leur fonction de base ; privé des être de liberté, mais aussi par son deuxième rôle.

Ai-ran connaissait le principe d'un système de privation de magie. Cela pouvait avoir un but médical pour des êtres ayant un trouble magique, dans ces cas, c'était plus souvent de la diminution que de la privation, mais le principe restait le même. À Feanör, il existait également une peine de privation temporaire ou définitive de magie, c'était l'une des peines les plus lourdes appliquées avant l'exil ou la mort. Cette peine était très dure à supporter, la privation de magie rendait souvent malade et pouvait dans de très rares cas entraînés la mort. Plus le détenteur de magie avait un pouvoir grand, une grande sensibilité à la magie, plus la privation était dangereuse.

Cependant, ce qui se trouvait devant lui était encore plus révoltant que les bracelets de privation de magie et bien plus dangereux. Cette technologie n'aurait même pas dû exister, c'était une aberration. Elle avait le pouvoir de couper le mage de ses pouvoirs tout en prélevant les résidus magiques que dégage tout être doué de magie. Ces résidus étaient stockés dans des gemmes amovibles. Le danger que représentait cette technologie était grand et sans nul doute mortel. En comparaison, cela revenait à prélever tous les jours une petite quantité de sang, trop peu pour être un danger immédiat, mais suffisamment pour fatiguer le corps rapidement. Au bout de seulement quelques semaines, des signes de carences magiques pouvaient apparaître. Et à long terme l'espérance de vie de la personne portant ce collier se voyait réduire rapidement.

Pour simple, ces entraves drainaient la magie de son porteur.

Ai-ran frissonna en imaginant l'horrible sensation que cela pouvait représenter. Et c'est en essayant de cacher son dégoût qu'il déposa l'objet sur la table et expliqua calmement :

– Cette entrave est très vieille, au moins 120 ans. Je ne sais comment vous vous l'êtes procuré, mais de nos jours, je ne connais personne capable de reproduire cette technologie.

– Donc vous êtes en train de me dire que vous n'êtes pas capable de le produire ?

Un sourire triomphant apparu sur le visage du commandant. Comme il l'espérait, le gamin ne pourrait pas remplir la mission la plus importante qu'on lui confier. Il allait pouvoir réduire en miettes cette ignoble fierté !

– J'en suis capable, la voix du garçon était inflexible, il ne mentait pas. Je suis d'ailleurs sûrement le seul à le pouvoir. En-dehors d'un nain, bien sûr. Mais il ne semble pas que vous traitiez avec des nains. Il me faudra juste du temps. Ce genre de technologie met certes inconnue mais je connais déjà celle de privation de magie. Laissez moi le temps de l'étudier. J'aurais sûrement besoin de plusieurs essaie, mais je ne doute pas être capable de reproduire cet artefact.

La nouvelle ne réjouit guère Pilper qui s'imaginait déjà les tortures qu'il lui prodiguerait lui-même pour lui faire payer son honneur blessé. Certes, si l'insulaire réussi, il en recevrait une grande partie du mérite. Il pourrait enfin quitter cet endroit pour rentrer à la capitale et avoir l'honneur de servir l'Église. Mais il aurait tellement aimé écraser ce misérable insulaire qui se croyait plus malin que lui.

– Si c'est du temps qu'il vous faut, vous en aurez. Bien maintenant que tout est dit, je suis un homme occupé, je vais donc vous laisser. On va vous envoyer un assistant pour vous aider. Pour toute demande, vous devez passer par moi, ou mes conseillers. Je veux également un rapport régulier de vos avancées.

– Mon assistant sera un prisonnier ? Demanda Ai-ran ignorant les autre demande.

– Oui, souffla agacé le commandent.

– Puis-je le choisir ?

Hiriel fronça les sourcils surpris de sa demande.

– Vous n'en connaissez pas. Comment comptez-vous choisir ?

– Je veux l'enfant que j'ai aperçu tout à l'heure dans l'atelier.

Le commandant haussa les sourcils ne cachant ni son mépris ni son ignorance. Il ne connaissait pas tous les prisonniers. Mais alors qu'Ai-ran allait activer le mur, ça lui revient. Il n'y avait pas beaucoup d'enfants à Taetnire et un seul à la forge. Il s'esclaffa en le regardant comme s'il était fou :

– Vous voulez Chien fou. Faites ce que vous voulez, mais sachez que cet enfant est né ici, qu'il n'a jamais su ce qu'était un humain. Ce monstre est sûrement le pire de ceux qui sont né ici. Il ressemble plus à un animal !

Ai-ran ignora les mots provoquant préférant le reprendre sur un autre sujet tout aussi choquant pour lui :

– Des enfants naissent ici ? Et ils y restent ?

Le commandant soupira, exaspéré de devoir tout expliquer :

– Bien que ce soit plus rare, il n'y a pas que des hommes a Taetnire. Les rares femmes tant qu'elles accomplissent leurs tâches font bien ce qu'elles veulent de leurs corps.

Le sourire malsain du directeur faisait douter que ces femmes aient réellement le choix de l'utilisation de leur corps. Après une courte pose, Palper continua :

– Enfin, il y a bien en des gosses qui naissent dans ces murs. Cependant, ils doivent vivre ici jusqu'à la fin de la peine de leur mère. Même si cette dernière meurt d'ailleurs. Bien sûr, certaines préfèrent que l'on vende leur morveux comme esclave, mais un certain nombre reste ici. Chien fou en fait partie. C'est un vrai monstre. La nature de sa mère lui a été transmise. Nous sommes plutôt gentils avec ces animaux. Normalement, ils restent dans les zones d'entretien ou d'expédition. Cependant ce démon à du être envoyé à la forge. Vous ne serez pas le gérer.

Ai-ran ne se laissa pas démonter. Bien au contraire, l'horreur des propos le convaincu davantage encore de sortir cet enfant de l'enfer.

– On ne le sera pas si on n'essaie pas, répliqua-t-il sèchement.

Hiriel soupira :

– Comme vous le souhaitez.

Et l'homme parti laissant seul Ai-ran déboussolé. Le jeune homme relâcha toute ses tentions. Sa tête lui faisait horriblement, mal. Sa respiration devint saccadée. Il s'effondra contre le mur. Il fallait qu'il se calme. Pourquoi il ressentait tout ça ? Pourquoi il avait si mal ? Les émotions, cela faisait tellement mal. Il préférait quand elle n'était pas là.

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