5. Thé chez les Tissam
- Tu te rends compte, Arto. Un bal au château !
Je trouve une ouverture et attaque.
- Mais Ella, réfléchis. Le Dragon te laissera-t-il t'y rendre ?
Il tente de parer mon coup mais je l'ai de vitesse et il se retrouve très vite sur le sol, son arme à cinq mètres et la mienne sous le menton.
- Rien, tu entends, rien ne m'empêchera de me rendre à ce bal.
Arto a trop peur que je ne l'embroche pour oser dire quelque chose, il se contente de déglutir. Il a encore le souvenir de chacune des cicatrices que mon arme a tracé sur sa peau. J'abaisse mon fleuret et lui tends une main pour l'aider à se relever.
- Vois-tu. Si je t'aime bien, Ella, c'est que tu es différente de toutes les autres. Tu ne t'intéresses pas aux frivolités, aux garçons et tout le reste. J'ai pas envie que tu changes.
- Je resterai toujours moi-même, je te le promets.
Nous nous serrons la main. Son regard vert capte le mien et il y a à l'intérieur une étincelle que je n'ai jamais vu avant. Sa bouche s'ouvre comme pour dire quelque chose d'important mais une voix nous interrompt.
- Arto de Linotin, venez donc prendre le thé avec nous !
Adélie est au balcon du petit salon et elle doit crier pour qu'on l'entende à travers le vent. Je recule d'un pas, sachant pertinement que ma belle-mère nous a vu main dans la main et que dans son esprit c'est l'image d'Urielle ou de Prielle qui s'est opposée à la mienne. C'est toujours comme ça. Tandis qu'Arto expose argument sur argument pour ne pas prendre le thé avec le Dragon, j'avance de quelques pas en direction de la cuisine où m'attend Valérienne, un énorme sac de pomme de terre à éplucher.
Le lendemain, il y a du mouvement chez les Tissam. Madame a invité les Linotin pour prendre le thé. La cuisine est en effervescence quand j'arrive.
- Ils ont un cousin en visite. Il paraît qu'il est très riche.
Alors c'est pour cela qu'Urielle et Prielle ont revêtu leurs plus belles robes, après le déjeuner. Je comprends mieux maintenant. La cloche de la porte d'entrée retentit et comme l'a expressément recommandé le Dragon, c'est elle qui va ouvrir.
Je reste prudement dans la cuisine, disposant les tasses sur le plateau. J'entends une petite clochette résonner, c'est le signal. Je monte les marches, le service à thé entre les mains. Je pousse la porte et me dirige, la tête baissée vers le petit guéridon. Puis je fais une révérence à nos invités.
En arrivant devant mon ami, il me glisse discrètement un petit message que je cache dans le creux de ma main. Je serre le thé, puis comme me le fait vivement savoir ma belle-mère, je sors rapidement de la pièce. Je n'ai pas vraiment observé les personnes présentes dans la pièce. La seule chose que j'ai remarquée, est qu'il y avait une personne supplémentaire dans la pièce, le cousin en visite sans aucun doute. Je m'appuie sur le mur et ouvre le petit message. Il est écrit dans un code qu'Arto et moi avons mis au point des années auparavant. Il souhaite avoir un cours d'escrime juste après le thé. À ce moment-là, mon horrible famille sera partie en ville faire des achats et j'aurais la liberté d'aller où il me semblera.
Lorsque les invités s'en vont, je me charge de tenir la porte. Alors qu'Arto passe devant moi, je lui murmure à l'oreille.
- Tu veux encore te faire massacrer ? Très bien. Rendez-vous chez-moi.
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