C’était un beau jour d’été et le petit Velory, du haut de ses 7 ans, avait fui la surveillance d’Anna pour se glisser dans la masse de monde qui s’entassait à l’entrée de Bleckingham. Après un mois d’absence, l’escadron de Driss était de retour. L’offensive menée contre leurs ennemis, plus dangereux encore que les zombies, n’avait laissé personne indifférent : peur, excitation, tout un tas d’émotions avait traversé les habitants de Bleckingham ces dernières semaines.

Les lourdes portes produirent un bruit sourd avant de doucement s’ouvrir. Il ne fallut pas longtemps pour que la foule commence à acclamer les chaperons. Vel était parvenu à se faufiler à la première ligne. Il put dès lors voir les différents sorciers, épuisés mais heureux d’être de retour. Ils étaient tous dans un sale état… Sauf un : Driss. Il menait fièrement la marche en remerciant chaleureusement la foule pour cet accueil si réjouissant. Il n’était pas encore Petit Chaperon Rouge mais tout le monde savait qu’il obtiendrait bientôt ce rôle, tout le monde l’adorait. C’était le héros de Bleckingham. Le héros de Velory.

Le jeune albinos avait des étoiles dans les yeux. Son cœur s'accéléra lorsque les yeux vairons du jeune homme se posèrent sur lui. Un beau sourire s’afficha sur le visage de Driss tandis qu’il s’approcha du petit garçon. Il lui présenta son poing.

• Bientôt, tu seras à ma place.

Vel vint timidement poser son poing contre le sien, tremblant de joie : le plus puissant Chaperon l’avait remarqué. Il avait vu en lui un grand avenir.

Il se souvenait encore si clairement de ce tourbillon de sentiments qui l'envahissait, de son cœur battant si fort qu’il camoufflait tout le reste…

• Velouuuu… Pourquoi tu me boudes comme çaaaa ?

La colère tordait les boyaux du jeune homme qui s’efforçait de garder un sourire de façade face aux personnes qu’ils croisaient dans les rues. Comment pouvait-il encore espérer avoir de véritables félicitations de la part de Driss ? L’homme qu’il admirait était mort.

• Vvvvvvvvvvvvvvvveeeeeeeeellllllooooooouuuuuuu..
• TA GUEULE !!!

Depuis leur départ du mur, Driss n’avait pas arrêté d’harceler Vel avec des questions inutiles, des réflexions stupides et des gestes déplacés, sans oublier qu’il devait littéralement le traîner derrière lui.

Velory avait donc fini par craquer, il regretta presque immédiatement ce manque de sang froid en public. Ses joues s’empourprèrent de honte tandis que Driss se mit à rire. Très vite, le jeune homme remarqua les regards compatissant qu’on lui lançait… Probablement aurait-il dû être soulagé…

Pourtant ce fut un tout autre sentiment qui prit place dans son cœur. Certains lançaient des regards méprisants à l’alcoolique extraverti qui dérangeait les festivités… De quel droit ? De quel droit osait-il réagir ainsi devant leur ancien héros ? Ils pouvaient être en colère, triste, mais pas méprisant. Jamais aucun d’eux n’arriverait à la cheville de Driss, même aujourd’hui. Pour répondre à toutes ses pensées contradictoires qui parasitaient son esprit, Vel finit par attraper un poignet de Driss et le tirer de force derrière lui.

Velory dévia leur trajectoire en passant par des petites ruelles mal éclairées mais surtout bien moins fréquentées, ce qui n’était pas du luxe en tant de fête. Cependant, en approchant de la place du centre ville, cette astuce ne fut plus très efficace et il fut à nouveau obligé de se mêler à la foule. Sur la scène où il avait été promu, se déroulaient maintenant divers spectacles.

Ce mur de monde n’empêcha pas Vel d’atteindre son objectif. Il poussa un grand soupir une fois devant les lourdes portes du manoir. Depuis l’excès de colère du jeune sorcier, Driss avait gardé le silence, mais cela ne l’empêchait pas d’avoir un sourire indéchiffrable sur le visage.

Lorsque les deux Petits Chaperons Rouges entrèrent, ils furent immédiatement accueillis par un homme d’un certain âge à l’air sévère.

• Bien le bonjour messieurs, M. Chessman vous attend.

Le majordome les invita à se diriger vers les larges escaliers de marbre au fond de la salle d’entrée qui les menerait jusqu’au bureau du Chaperon Blanc. Velory frotta brièvement ses vêtements pour faire disparaître l’un ou l’autre pli. Alors que son estime pour Driss avait gravement chuté, celle pour leur chef n’avait pas bougé : il l’admirait.

Lorsqu’ils furent devant les portes du bureau, le majordome entra en premier pour prévenir l’arrivée des deux jeunes hommes. Ceux-ci suivirent le mouvement peu de temps après.

Le Chaperon Blanc était assis à son bureau. Les fines lunettes qu’il avait sur le nez indiquait qu’il était en train de lire avant leur arrivée. Son regard s’était levé vers eux et il leur sourit tout en les invitant à approcher.

• Ah ! Velory ! Je t’attendais. Je pensais que tu viendrais me rejoindre juste après la cérémonie, mais je vois que tu as préféré d’abord retrouver notre cher Petit Chaperon Rouge premier du nom.

Vel resta silencieux face à cette réflexion. Était-ce un reproche ? Son sourire indiquait le contraire mais…

• Tu n’es pas trop stressé d’être le deuxième Petit Chaperon Rouge de Bleckingham ? C’est une véritable nouveauté ! Ça marquera l’histoire, c’est certain ! Deux Petits Chaperons Rouges pour une même ville, Bleckingham est vraiment chanceuse…

D’un geste de la main, il invita Velory à s’asseoir sur l’une des chaises face à son bureau. Parallèlement à cela, Driss alla s’asseoir sur l’un des petits fauteuils positionnés contre le mur. C’était rare de le voir attendre aussi sagement, encore plus dans son état actuel.

• Je ne saurais exprimer à quel point je suis fier d’avoir reçu ce titre, expliqua enfin Velory une fois assis. J’attendais cela depuis longtemps, vous savez. Alors je compte bien honorer mon rôle pour vous, pour Bleckingham mais aussi pour l’humanité toute entière.
• Je n’en doute pas, Velory, dit le maire en souriant, je sais que je ne me suis pas trompé sur ton compte.

Suite à cet échange qui gonfla l’égo de Velory, M. Chessman lui présenta les différents documents que Velory devait remplir et signer : ce n’est pas parce que les zombies ont envahi le monde qu’il faut perdre les bonnes habitudes administratives. Vel commença donc à les remplir les uns après les autres.

• Voilà, dit le maire en présentant le dernier document à Velory. J’aurais besoin que tu signes celui-ci aussi. C’est le contrat qui prouve que tu as bien pris connaissances des règles et lois qu'implique ton rang. En réalité tu les suis déjà mais, puisque tu as obtenu le plus haut titre…

Un sourire amusé se marqua sur son visage alors que Vel tournait ses différentes pages sans y porter la moindre importance, pour directement en venir à la signature.

• Si jamais tu venais à les enfreindre, ta peine serait juste un peu plus sévère, reprit M. Chessman. Mais je sais que ça n’arrivera pas.

Ils échangèrent un sourire avant que le Chaperon Blanc ne rassemblent tous les documents pour les assembler en un dossier.

• Il était temps que tu arrives, Driss a bien besoin de repos.
• Ah, soupira Vel. Je ne peux qu’être d’accord avec vous.

Il jeta un regard à Driss qui, toujours muet, les regardait sans vraiment réagir à ce qui était dit sur lui. Velory était vraiment surpris par la patience de son collègue. Mais peut-être qu’enfin s’asseoir devait le soulager aussi.

• Enfin, reprit M. Chessman en haussant les épaules… Un Petit Chaperon Rouge ne prend jamais vraiment sa retraite… C’est pourquoi j’aimerais vous envoyer tous les deux en mission demain, ensemble. Je sais que vous vous connaissez déjà depuis longtemps mais vous êtes maintenant égaux.

Le maire rangea les différents papiers qui l’empêchait d’avoir accès à son bureau interactif. Après quelques manipulations, une carte s’afficha sur l’écran. Velory observa cela en silence tandis que le Chaperon Blanc glissait son doigt sur la carte.

• Tout à l’heure, une cargaison est partie en direction d’Ostkil. Elle est assez importante et, comme vous le savez, nos véhicules de marchandises ne sont guère discrets. Beaucoup de morts vont être attirés par leur passage. Ça risque donc d’engorger la route… Et peut-être d’en ramener trop devant nos portes.
• Vous souhaitez donc juste qu’on fasse un peu de ménage ? demanda Vel par soucis de précision.
• Oui, acquiesça M. Chessman. Ce n’est clairement pas une mission très complexe et je pourrais la donner à n’importe qui mais… Vous êtes l’élite, messieurs. Ce travail, vous le ferez bien plus vite et bien mieux que n’importe qui.

Velory prit un instant pour réfléchir. Il ne savait pas vraiment ce qu’il pensait de cette proposition. Ca allait être la toute première fois qu’il partait en expédition avec Driss, et il ne serait que eux deux ! Quoi qu’il en soit, il ne pouvait pas refuser la demande du maire.

• Très bien, nous nous occuperons de cela, répondit-il en souriant.

Ravi, M. Chessman leur donna les précisions nécessaires au bon déroulé de la mission du lendemain. Il risquait d’y avoir des zombies assez tenaces mais ni Vel ni Driss ne semblaient s’inquiéter, bien au contraire. Le nouveau Petit Chaperon Rouge préférait de loin s’amuser avec des adversaires coriaces.

Lorsque tout fut mis au clair, M. Chessman se leva pour raccompagner Velory jusqu’à l’entrée du manoir.

• Je te félicite encore une fois, Velory. Tu es un véritable cadeau pour l’humanité. Grâce à toi, je suis certain que nous allons faire de grands pas en avant pour repousser l’ennemi.

Flatté dans son égo, Le jeune homme lui offrit un grand sourire ainsi qu’une courbette polie. Il s’en alla ensuite se préparer pour demain, impatient d’enfin retourner sur le terrain !