Tomas

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Dehors, l’orage grondait. Rashed avait le sentiment qu’il faisait jour, pourtant aucune lumière ne venait de l’extérieur. Il avait un chandelier en main, seule source de lumière qui l’aidait à suivre la jeune femme qui courait, pieds nus, dans les dédales de pierres de cette vieille batisse.

  • Astra, attends moi !

Elle ne lui répondit pas. Elle ne se retourna même pas. La jeune femme n’était vétue que d’une fine robe blanche, ses longs cheveux d’un blond pâle reflêtait la lumière de la bougie. Rashed sentait la confusion, mélangée à une angoisse grandissante, le gagner. Il avait beau tenter d'accélérer le pas, Astra ne faisait que s’éloigner inexorablement. Rashed l’appelait encore, encore et encore jusqu’à hurler son nom, mais elle disparut dans la pénombre.

C’est alors qu’une créature innommable jaillit du néant pour s’attaquer au lycan accompagné d’un cri épouvantable.

Il se réveilla d’un coup, le cœur battant.

  • Oh… Pardon… Je t’ai réveillé.

Rashed dut cligner quelques fois des yeux pour que ses pupilles s’adaptent à la lumière agressive des néons. Doucement, il reprit son calme, prenant conscience qu’il avait fait un mauvais rêve. Son regard se posa alors sur son interlocuteur.

Un homme était accroupi à quelques mètres de lui. Il ramassait prudemment des bouts de verre. Le lycan comprit rapidement l’origine du bruit qui l’avait réveillé. Il se leva du canapé qui lui avait servi de lit pour s’approcher et venir en aide à celui qui l’avait sauvé. Il ne se souvenait pas de son visage, mais se rappelait de son odeur : celle d’un humain mâle, aromatisée d’un tas de produits que le lycan ne connaissait pas.

Accroupi à côté de lui, Rashed fut frappé par la blancheur de sa peau. Certes, beaucoup de monde paraissait pâle à côté de sa peau sombre, mais jamais à ce point. Le lycan prit un peu plus de temps pour l’analyser. L’homme avait les traits tirés : le stress, la fatigue, autre chose ? Peut-être un mélange de tout ça. Ses cheveux mi-longs en bataille étaient entièrement gris. Il portait de fines lunettes derrière lesquelles se cachaient des yeux fatigués. Son corps frêle était habillé par des vêtements classiques pour un médecin, ou un scientifique.

En jetant un coup d'œil à ce qui les entourait, le lycan découvrit un véritable laboratoire. La pièce était totalement aseptisée, d’un blanc imaculé. Rashed n’aurait pas été capable de nommer la moitié des objets qu’il voyait. Il supposait que son sauveur était plutôt un scientifique. Mais dans la société actuelle, il ne serait pas étonné qu’il ait à endosser les deux rôles.

Perdu dans son observation, le lycan en avait oublié sa tâche et le scientifique avait fini son nettoyage seul.

  • Fais attention à ne pas marcher là, je vais passer un coup d’aspirateur. Je suis tellement maladroit.

Il eut un petit rire gêné. Le lycan se recula de quelques pas pendant que l’homme finissait de réparer les dégâts.

  • Oh, et comment tu te sens ? Tu as beaucoup dormi. J’espère que le canapé était assez confortable ahah…

Rashed baissa son regard sur les bandages qui pensaient ses plaies. Il n’hésita pas à tirer dessus pour analyser ses blessures. Cela surprit le scientifique.

  • Ah… Oui c’est vrai que vous guérissez vite, les lycans. Mais tu étais dans un sale état, je pense qu’il ne faut pas se précipiter.

En effet, les blessures étaient déjà en bonne voie de guérison. C’était encore un peu douloureux, mais rien qui ne gêne Rashed. Toutefois, il se sentait assez faible. Le lycan supposait qu’il lui faudrait encore un ou deux jours pour totalement s’en remettre.

Lorsqu’il releva la tête, il constata que l’homme était juste face à lui, lui tendant une petite boîte avec un léger sourire. Il gardait le regard baissé sur ses mains. Visiblement, il n’était pas très à l’aise avec les interactions sociales. Ou c’était peut-être juste la présence de Rashed qui l’intimidait.

  • Ce sont des lentilles de contact colorées. Tant que tu es ici, c’est plus prudent. Pour cacher tes iris. Ainsi ça évitera qu’on te tombe dessus… Et que ça tourne mal, pour moi aussi… Ah, et je m’appelle Tomas.
  • Merci… Moi c’est Rashed, répondit-il alors de sa voix caverneuse.
  • Wah ! Ta voix est tellement rauque, c’est impressionnant ! Enchanté Rashed.

Le lycan prit un certain temps pour mettre les lentilles. Il n’aimait pas ça du tout, mais il était parfaitement d’accord avec la logique de Tomas. Mieux valait une petite gêne oculaire que de mettre sa vie et celle d’autrui en danger.

  • Pourquoi m’avoir sauvé ?

La question surprit Tomas. Il repoussa ses lunettes contre son nez, le regard perdu dans le vague. Il cherchait une réponse convaincante. Cela rendit Rashed suspicieux.

  • Eh bien… Pour être tout à fait honnête… Je pense que c’est… Une façon de me racheter, en quelque sorte… ? tenta-t-il, un sourire triste sur le visage. Ici, ce que je fais, ça fait du mal à votre espèce… Au début, je pensais œuvrer pour un monde meilleur… Maintenant, j’ai l’amer sentiment de donner mes savoirs à une cause qui n’a plus rien d'honorable… À presque 50 ans, il était temps que je m’en rende compte…

Rashed le fixa en silence. Il était tellement plus grand et plus fort que Tomas. Il pourrait le tuer si facilement, sauver tant de loups-garous… Pourtant, il ne fit rien. Face à lui, il n’avait pas un assassin. Il ne voyait pas un être sadique assoiffé de sang, mais une personne profondément honteuse et souffrant de sa condition actuelle…

  • Oh… Si tu veux me tuer, je ne t’en voudrai pas, Rashed. Mais avant ça… Est-ce que tu veux bien que je finisse de te soigner ?

Le lycan haussa les sourcils, perplexe.

  • Tu m’as sauvé, tout en sachant que ça allait peut-être te tuer. Tenir si peu à la vie n’est pas normal.
  • Ce n’est pas ça ! Je…

Il s’interrompit lorsque Rashed baissa sa tête vers lui, humant son odeur.

  • Tu es malade. C’est pour ça que tu portais un masque à oxygène quand tu m’as sauvé.

Le regard perçant du lycan intimidait son interlocuteur qui se sentait dépouillé de son intimité…

  • J’ai peur de la mort, comme tout le monde. Je n’ai aucune envie de me faire tuer… Mais j’ai conscience que mon espérance de vie est plus limitée que prévue… Du coup, avec le temps qu’il me reste, et les possibilités que j’ai, j’aimerais réussir, même en partie, à changer un peu les choses.

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