Chapitre 2 - Le réveil
Le calme… Silence doux et apaisant…
Engourdie de sommeil, elle se réveillait doucement. Son esprit embrumé mit du temps à remettre ses idées en place et, c’est lorsqu’elle repensa à l’horreur qu’elle venait de vivre, qu’elle ouvrit subitement les yeux.
Entière, elle était entière ! Elle sentait ses jambes, ses mains, rien de douloureux. Avait-elle rêvé ? Tout cela avait semblé si réel…
Où suis-je ?
Plongée dans une atmosphère verdâtre, elle n’y voyait pas très clair. Seul un rayon de lumière semblait passer au travers d’une substance translucide dans laquelle elle baignait. Recroquevillée sur elle-même, elle tenta de se redresser avant de se cogner à quelque chose. Après maints essais infructueux pour bouger un tant soit peu, elle se rendit alors compte qu’elle était enfermée dans un petit espace. Étrangement, elle ne paniqua pas. Elle se sentait en sécurité.
Comme attirée par la source du rai chatoyant, elle le suivit de ses doigts jusqu’à toucher une sorte de paroi molle. Cette consistance l’intrigua au plus haut point et, doucement, elle commença à appuyer. De petites ridules se dessinaient à chaque pression sur la membrane. Elle continua de pousser de plus en plus fort à intervalles réguliers, curieuse. L’étrange mur finit par céder.
Ce fut tout d’abord un simple trou, de petit diamètre, qui, lâchant sous la pression du liquide translucide, devint grande fissure. Là, elle sentit l’eau visqueuse s’échapper brusquement, l'emportant au passage avant de la projeter sur de la pierre dure.
Le choc la fit tousser à plusieurs reprises et elle cracha à chaque fois un peu plus de ce liquide dans lequel elle avait baigné. Un goût de résine et de chlorophylle imprégnait sa bouche, ce n’était pas vraiment désagréable. Cependant, l’air qui prenait désormais place dans ses poumons lui brûlait les bronches.
Elle mit un long moment à prendre conscience de ce qu’il y avait autour d’elle car cette chute l’avait sonnée. Se redressant sur son séant, elle inspecta d’abord ses bras qu’elle leva, intriguée de n’y voir paraître aucune cicatrice. Ses jambes aussi en étaient dépourvues. Elle avait donc bien rêvé… Un air frais la fit frissonner et elle se rendit compte qu’elle était nue. Cela ne la gêna pas.
Observant enfin les lieux, elle constata qu’elle sortait du trou béant – encore dégoulinant de cette étrange eau – qui prenait place au creux d’un arbre gigantesque. L’écorce de ce dernier était d’un jaune clair tirant par endroits sur le vert. Les bosselures qui la constituaient étaient de forme très régulière, des sortes d’hexagones allongés plus ou moins gros selon leur disposition. L’arbre était vraiment gigantesque et son faîte semblait rejoindre une voûte de pierre difficile à cerner tant le feuillage était dense et s’étendait de toute part. Une lumière dorée tombait du « ciel » et transperçait la frondaison éclairant les lieux d’une bien étrange manière – sa couleur inhabituelle laissait deviner que le soleil n'était pas à l'origine de ce fait. Tout le reste autour d’elle n’était que pierre. Elle se trouvait dans une immense grotte.
Qu’est-ce que je fais ici ?
Cette question passait de temps en temps dans sa tête mais ne l’alarmait pas pour autant. Elle filait comme une anguille avant de réapparaître un peu plus tard.
Alors qu’elle se relevait péniblement – d’affreuses courbatures lui tirèrent quelques grimaces – , elle prit enfin garde aux sons qui l’entouraient : celui de la petite brise qui secouait lentement les gigantesques feuilles de cet étrange arbre, le goutte-à-goutte de l’eau dans une flaque et le doux clapotis d’une source non loin. Ce dernier bruit l’intrigua. Ses membres endoloris la portèrent difficilement sur l’un des côtés de l’immense végétal et elle y découvrit un bassin naturel d'eau claire. Sur le bord, un tas de vêtements pliés, des sandales de cuir ainsi qu’une serviette et un petit savon cubique avaient été déposés. Un peu plus loin, un miroir rond aussi grand qu’une main tenait debout contre le tronc de l’arbre, à côté, gisait un petit sac de cuir.
Quelqu’un sait que je suis ici…
Cette pensée ne l’affecta pas vraiment non plus. Son esprit était comme embrumé et chaque découverte, chaque questionnement, semblait la survoler sans qu’elle n’y accorde aucune attention.
Machinalement, elle alla prendre un bain. Son corps encore recouvert par endroits du liquide visqueux et ses membres ankylosés en quête de réconfort avaient certainement agit pour elle. L’eau chaude de ce petit bassin d’eau était revigorante et elle se sentit bientôt mieux. Les nuages de son esprit entreprirent enfin de se dissiper lentement. Alors qu’elle s’essuyait, les questions qui filaient sans la toucher auparavant commençaient à s’accrocher un peu plus à son esprit, devenant presque dérangeantes. Elle parvint tout de même à les ignorer le temps qu’elle se vête de la tunique et du pantalon qui lui avaient été préparés. Leur matière rugueuse avait tendance à gratter mais elle s’en fichait. Après avoir chaussé ses sandales ingénieusement fabriquées pour s’adapter à toute taille et toute largeur de pied, elle entreprit de se regarder dans le miroir.
Son visage fin était jeune, sa peau claire n’était constellée que de rares grains de beauté. Ses yeux en amande, noisettes, s’accordaient bien à sa longue chevelure châtain qui cascadait jusqu’à ses hanches. Elle avait beau se regarder, faire pivoter le miroir à droite ou à gauche, en haut ou en bas, elle ne se reconnaissait pas. Une nouvelle question se forma alors dans sa tête :
Qui suis-je ?
Il était troublant pour elle de se regarder sous toutes les coutures et de ne point se reconnaître. Troublant de ne pas savoir où elle se trouvait. Troublant d’avoir tout oublié… La seule chose rassurante et à laquelle elle s’accrochait pour l’instant, c’était que quelqu’un savait qu’elle se trouvait ici. Quelqu'un qui savait certainement qui elle était.
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