Chapitre 10 : Nuit cauchemardesque
Aux alentours de trois heures de matin, tandis que les jeunes gens dormaient profondément, Natacha se mit soudainement à gigoter dans son lit. La jeune femme faisait actuellement un cauchemar, un cauchemar dans lequel elle se trouvait complètement nue en compagnie de son patron. Cependant, cela ne s’arrêtait pas là. En effet, Herman la tenait alors en laisse tel un vulgaire animal et la faisait parader à quatre pattes sur un tapis rouge en face d’une foule de personnes dépourvues de visage qui semblaient être enjouées par le spectacle qu’ils avaient devant eux.
Devant une telle horreur, Barnes ne put cacher ses larmes. L’humiliation était trop grande et la jeune femme n’avait qu’une seule envie et c’était de fuir et se terrer dans un trou et de ne plus jamais en sortir. Malheureusement, elle était prisonnière de l’homme en face d’elle, son corps refusant catégoriquement de lui obéir et se comportant comme si elle n’était qu’une vulgaire chienne. Soudainement, Herman et Natacha s’arrêtèrent, et l’homme d’affaires s’adressa à la foule.
- Mes très chers amis, laissez-moi vous présenter mademoiselle Barnes, un très beau spécimen que j’ai récemment ajouté à ma collection. Très docile, elle s’apprête à exécuter un charmant petit tour devant vous tous. Voulez-vous voir de quoi elle est capable ?!
D’une seule voix, toutes ces personnes qui n’avaient visiblement pas de bouche répondirent, « Oui ! Montre-nous ! » en même temps. Herman demanda alors à Natacha de donner la patte. La jeune femme essaya de refuser, trouvant cela beaucoup trop humiliant, mais son corps se mit à bouger tout seul sans que cette dernière lui en ait donné l’ordre, et elle finit par faire ce qui lui avait été demandé. Barnes tendit sa main à Invictus et, de la même façon qu’un chien se comporterait en face de son maître, elle se mit à respirer tel un canidé.
- Très bien. Très bien. Maintenant, aboie, ordonna de nouveau Herman en arborant cette fois-ci un malsain sourire sur son visage.
Une fois de plus, le corps de Natacha ne lui obéit pas et celle-ci laissa échapper un « woof ! » peu de temps après.
- Voyez, mes chers amis, très docile comme je vous l'ai dit.
La foule se mit à applaudir la performance qui venait d’être réalisée devant eux et certains prirent même des photos afin d’immortaliser le moment. Natacha les supplia bien évidemment d’arrêter, ne voulant pas être photographiée dans une situation aussi humiliante et dégradante. Malheureusement pour elle, aucun son ne sortit de sa bouche. De plus, parmi toutes les personnes qui prenaient des clichés de Barnes, un individu en particulier se démarquait des autres. Il s’agissait de la seule personne qui n’était pas dépourvue de visage, mais aussi la personne que Natacha aimait le plus : Michael Orzak.
La jeune femme tomba des nues lorsque son regard croisa celui de Michael et elle ne put alors pas se demander ce qu’il faisait là. De son côté, le visage d’Orzak était rempli d’un mélange de stupeur, de colère, de tristesse, mais également d’une profonde déception vis-à-vis de Natacha, qui était une image que Barnes avait beaucoup de mal à supporter.
- Non, s’il te plaît. Ne me regarde pas comme ça, essaya-t-elle de dire.
Une fois de plus, aucun mot ne sortit de la bouche de Natacha qui voulait désespérément expliquer à Michael que ce n’était pas ce qu’il croyait. D’ailleurs, même si elle avait été à mesure de parler sans encombre, rien ne lui assurait que le jeune homme allait l’écouter. Ses craintes devinrent réalité lorsqu’il se retourna brusquement et commença à se frayer un passage dans cette foule de personnes sans visage.
- Bebe, attends ! Ne m’abandonne pas. Je t’en supplie, reviens. Je peux tout t’expliquer.
Comme les fois précédentes, les paroles de Natacha ne parvinrent pas à atteindre celui qu’elle aimait et il finit par disparaître dans cet océan de têtes sans visage et de flashs d’appareils photo, laissant par la même occasion la jeune femme se morfondre sur son sort avec un cœur brisé en plusieurs centaines de morceaux.
- Il est inutile pour vous de pleurer pour cet homme, mademoiselle Barnes. Vous m’appartenez d’ores et déjà, et je compte ne vous partager avec personne d’autre. Profitez donc de ce magnifique moment de détente, il y’en aura de moins en moins à l’avenir, rétorqua Herman avec un sourire narquois.
Natacha n’avait vraiment pas envie d’entendre ce genre de choses sortir de la bouche de cet homme, surtout pas à un moment pareil. La jeune femme n’avait aucune envie de faire quoique ce soit avec son patron. Tout ce qu’elle voulait était que Michael revienne pour qu’elle lui explique sa situation, qu’elle lui explique tous les sacrifices qu’elle avait faits pour lui et les personnes qu’elle aimait. Elle ne pouvait pas le laisser s’en aller ainsi et penser qu’elle lui avait été infidèle par choix. Elle ne voulait pas que cette image soit la dernière qu’il ait d’elle.
- Ce sera en effet la dernière image de vous qu’il aura, mademoiselle Barnes, rétorqua soudainement Herman.
Natacha tomba des nues quand elle entendit ses propos. Comment était-ce possible qu’il puisse savoir ce à quoi elle avait pensé quelques instants auparavant.
- Je vous l’ai dit, mademoiselle Barnes. Vous m’appartenez d’ores et déjà.
Tout d’un coup, Herman se mit à rire de façon machiavélique. Avait-il fini par succomber à la folie ? Elle n’en savait rien. Tout ce dont elle était certaine était que ce rire n’annonçait rien de bon pour elle. Et elle avait raison. En effet, peu de temps après, Invictus la força à le suivre en tirant violemment sur sa laisse. Les autres spectateurs se mirent également à rire devant le pitoyable état dans lequel la jeune femme se trouvait.
*
Michael se réveilla brusquement au milieu de la nuit, et ce à cause des mouvements que sa fiancée faisait dans leur lit. Le jeune homme comprit immédiatement que Natacha était en train de faire un cauchemar, cette dernière demandant à des gens d’arrêter, et décida donc de la réveiller.
- Tacha ! Tacha ! Bébé, réveille-toi, s’exclama-t-il en la secouant légèrement.
Quelques secondes plus tard, Barnes reprit à son tour connaissance après s’être défendue contre des assaillants invisibles et en hurlant « lâchez-moi ! » à tout va.
- C’est fini ! C’est fini ! Je suis là, bébé. Je suis là. C’est juste un mauvais rêve, rétorqua Michael en la prenant dans ses bras.
Lorsqu’elle se rendit compte qu’elle se trouvait dans sa chambre à coucher, mais aussi dans les bras de la personne qu’elle aimait et qui avait promis de la protéger, Natacha se sentit soulagée, mais elle ne put également pas s’empêcher de pleurer. Ce qu’elle avait vu et vécu dans son cauchemar était certainement quelque chose qu’elle ne voulait pas vivre dans le monde réel.
- Je suis là, Tacha. Plus personne ne te fera du mal.
Orzak faisait de son mieux pour la consoler, mais Natacha continuait de pleurer dans ses bras. Il ne savait pas ce qu’elle avait vu dans son rêve, mais cela avait du très éprouvant pour qu’elle se retrouve dans un tel état. Tout ce qu’il pouvait donc faire était juste d’attendre qu’elle se calme.
Peu de temps après, Barnes arrêta de pleurer, mais continuait tout de même de sangloter. Il profita alors de l’occasion pour lui demander ce qu’elle avait vu dans son cauchemar, mais la jeune femme resta silencieuse devant la question.
- Si tu n’as pas envie d’en parler, je ne t’y forcerais pas. Sache juste que je suis là pour toi.
Malgré ses propos, le jeune homme ne pouvait pas cacher sa curiosité vis-à-vis du cauchemar qu’elle venait tout juste de faire. Natacha n’avait pas l’habitude d’en faire pour ne pas dire qu’elle n’en faisait jamais. Il était donc tout à fait normal qu’il veuille avoir une idée de la chose qui avait mis sa fiancée dans un tel état. Toutefois, comme il l’avait dit quelques secondes auparavant, il ne pouvait pas la forcer à parler et devait donc attendre qu’elle se confie d’elle-même à lui, ce qui ne tarda pas.
- J’étais coincée au bureau, forcée à écrire des rapports encore et encore pour monsieur Invictus sans jamais prendre de pause, travailler jusqu’à ma mort. À un moment, j’ai voulu tout arrêter et c’est là où des hommes sans visage sont venus me menotter à mon bureau. J’ai tout fait pour me défendre, mais ils étaient beaucoup trop forts…
À ce moment, Michael comprit pourquoi elle avait demandé à gens d’arrêter et pourquoi elle s’était autant débattue quand il avait essayé de la réveiller.
- Au final, je n’ai rien pu faire et j’ai fini enchaînée.
- C’était qu’un cauchemar, Tacha.
- Je sais !
Natacha savait parfaitement que ce n’était qu’un simple mauvais rêve, mais cela ne changeait rien à ce qu’elle avait éprouvé à ce moment. Les sentiments d’humiliation et de culpabilité qu’elle avait ressentis avaient été bien réels. Elle se sentait coupable vis-à-vis de tous les mensonges qu’elle avait récemment racontés à Michael et le sentiment d’humiliation provenait de ce que son patron lui faisait désormais subir. De plus, elle avait également été affectée par la façon dont son homme l’avait regardée dans son cauchemar. Même si cela n’avait pas été réel, Barnes ne voulait pas le voir afficher le même regard, elle ne le supporterait pas.
- Ce que je voulais dire, Tacha, c’est que rien de ce que tu as vu en rêve ne risque de t’arriver dans la réalité.
La jeune femme doutait quelque peu de ses paroles. Elle avait tout de même fait un pacte avec le diable qui avait pris l’apparence d’Herman Invictus. Il pouvait désormais abuser d’elle chaque fois qu’il le voulait après les heures de travail. En plus, il y avait cette invitation qu’elle avait reçue de sa part, une invitation pour participer à une soi-disant séance de dégustation. Qu’est-ce qui lui disait que ce qu’elle avait vu dans son cauchemar ne serait pas ce qu’elle risquerait de subir en se présentant ce samedi matin au parking sous-terrain de Black Crown ? Natacha n’en savait rien, comme elle ne savait pas ce qu’était réellement cette fameuse séance de dégustation.
Penser à toute cette histoire commençait à épuiser Natacha. En plus de ça, il se faisait très tard et elle devait se lever dans quelques heures afin de se rendre sur son lieu de travail. Elle ne pouvait donc pas se permettre de rester debout trop longtemps. Un seul problème se présentait toutefois, la jeune femme n’avait pas envie de fermer les yeux. Barnes ne voulait pas prendre le risque de faire le même cauchemar. Elle se leva donc brusquement du lit et prit la direction de la cuisine.
- Où est-ce que tu vas ? demanda Michael au moment où elle descendit de leur lit.
- Prendre un verre d’eau.
Dans la cuisine, Natacha se servit effectivement un verre d’eau, mais elle n’en but qu’une gorgée avant de s’asseoir à table. Elle se demanda ensuite comment sa vie avait fait pour prendre une tournure aussi dramatique. Comment une simple demande de promotion avait-elle bien pu se transformer en chantage sexuel ? Elle y pensait encore et encore finit par se dire que le problème venait sans doute d’elle. Et pour cause, si elle s’était contentée de rester à sa place et d’attendre que cette promotion lui soit offerte de façon conventionnelle, elle ne se serait jamais retrouvée dans cette situation. C’était son orgueil et son avidité qui l’avaient poussée à faire cette demande et maintenant elle en subissait les conséquences. Elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même.
Michael arriva peu de temps après dans la salle à manger et y trouva Natacha pensive, le regard fixé sur son verre d’eau. Il lui demanda alors si tout allait bien, ce à quoi elle répondit par une autre question.
- Dis, Michael, tu penses que je suis quelqu’un d’avide ?
- Quoi ?! Non, tu ne l’es absolument pas. Pourquoi penses-tu ça ? répondit-il en s’asseyant à son tour à table.
- Je me disais juste que si je n’avais pas fait cette demande de promotion, je ne serais pas assise là à plus de trois heures du matin à penser à mon boulot. Je me dis donc que je suis quelqu’un d’avide, parce que j’ai fait cette demande.
- Je ne pense pas que tu sois quelqu’un d’avide, Tacha. Si c’était le cas, alors je le serais tout autant que toi pour t’avoir poussée à faire cette demande. Non, je pense plutôt que tu es tout simplement quelqu’un qui veut que son travail et ses efforts soient reconnus à leurs justes valeurs.
- J’aimerais tellement que ce soit vrai.
- C’est vrai.
Natacha espérait vraiment que ce que Michael venait de dire soit vrai. Cependant, une partie d’elle ne pouvait pas s’empêcher de penser le contraire, de penser que c’était à cause de son orgueil et son avidité qu’elle se retrouvait dans cette situation.
- Bébé, il commence vraiment à se faire tard. Nous ferions mieux de retourner nous coucher, dit Michael.
La jeune femme détourna son regard vers l’horloge et se rendit compte qu’il ne leur restait que quelques minutes avant 4 heures du matin. Il était donc impératif pour eux qu’ils aillent se coucher, surtout s’ils ne voulaient ressembler à des zombies à leur travail. Un seul problème se posait cependant, Natacha n’avait toujours pas sommeil. Elle décida néanmoins de retourner dans la chambre avec son fiancé.
De retour dans leur chambre à coucher, Barnes s’installa confortablement dans les bras de son homme qui lui dit qu’avec le peu de temps qu’ils avaient tous les deux devant eux, il espérait s’endormir dans les prochaines minutes. Connaissant Michael, Natacha savait déjà qu’il allait effectivement s’endormir dans les prochaines minutes. Et comme elle l’avait prévu, la jeune femme se retrouva être la seule encore éveillée quelque temps après.
Pendant de nombreuses minutes, Natacha observa Orzak dormir. Il avait l’air tellement paisible dans son sommeil qu’on aurait dit qu’il était quelqu’un qui n’avait jamais de problème dans sa vie, ce qui n’était pas son cas. Sa vie actuelle était devenue un immense casse-tête qui risquait de la détruire à tout moment. Toutefois, elle ne pouvait pas nier l’amour qu’elle portait à toutes les personnes proches de son entourage, notamment Michael. Elle détourna ensuite son regard vers lui avant de lui murmurer qu’elle l’aimait.
- Je ne veux pas qu’il t’arrive quoique ce soit, poursuivit-elle.
Trop épuisée pour maintenir ses paupières ouvertes, Natacha finit par s’endormir une demi-heure plus tard, une larme coulant soudainement le long de son visage.
A suivre !!!
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