Chapitre 11: Mercredi matin

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Alors que l’horloge venait tout juste d’indiquer 7 heures du matin, le réveil du couple Barnes-Orzak se mit une fois de plus à sonner. Cependant, contrairement aux fois précédentes, ce dernier diffusa son horrible bruit plus longtemps, obligeant Michael à supplier Natacha de l’arrêter. Voyant qu’il n’obtenait aucune réponse de sa part après plusieurs tentatives, il décida de le faire lui-même, remarquant au passage que sa fiancée dormait profondément. Après ce qui s’était au cours de la nuit précédente, cela ne l’étonnait guère. Le jeune homme était même tenté de la laisser se reposer, estimant qu’elle avait besoin de repos et que cela lui ferait du bien de ne pas se rendre à son boulot.

D’un autre côté, Natacha était en pleine période d’évaluation pour l’obtention de sa promotion. De ce fait, si elle venait à manquer une journée de travail sans avertir ses supérieurs, cela risquerait de lui porter préjudice, et il n’avait certainement pas envie de mettre un frein à sa carrière.

- Tacha, réveille-toi. Tu risques d’être en retard au boulot, dit-il en la secouant délicatement.

Bien évidemment, cela ne fonctionna pas du premier coup, obligeant le jeune homme à insister davantage.

- Cinq minutes.

- Je voudrais bien te donner cinq minutes de plus, mais tu risques de demander cinq autres minutes après et tu vas être en retard au travail. Réveille-toi, Tacha.

- Hummm !

Finalement, au bout de quelques essais, Barnes finit par se réveiller. Cependant, elle était très épuisée, ce qui n’était pas très étonnant vu qu’elle n’avait pas eu son quota d’heures de sommeil, mais elle fit clairement comprendre à Michael qu’elle n’avait pas envie de se rendre à son lieu de travail.

- J’ai envie de rester à la maison avec toi, poursuivit-elle.

Il s’agissait là d’une proposition très intéressante pour Orzak, une proposition qu’il aurait sans doute acceptée deux jours auparavant, mais il était malheureusement contraint de la refuser.

- Je ne peux pas rester à la maison aujourd’hui. Nous avons une personne très importante qui débarque au studio tout à l’heure et je dois absolument être présent.

En voyant la réaction de Natacha, il était clair pour le jeune homme que ce n’était pas le genre de réponse qu’elle attendait. Il n’avait cependant pas le choix, cette journée étant d’une grande importance pour lui.

- Je suis désolé, bébé, mais je ne peux vraiment pas rester à la maison.

- Ce n’est pas grave, Michael. Tu n’as pas à t’excuser, répondit-elle d’une faible voix.

- Bébé n’oublie pas que tu es aussi en pleine période d’évaluation pour ta promotion. Tu es sûre que ton patron ne va rien dire si tu viens à manquer une journée de travail sans prévenir ?

- Il va forcément dire quelque chose.

Il était certes vrai que Herman Invictus n’avait rien prévu pour elle au cours de la journée, du moins rien de dépravé et obscène, mais cela ne voulait pas dire qu’elle pouvait manquer une journée de travail, d’autant que la réunion du conseil d’administration avait lieu dans quelques heures. Sa présence était donc requise, ce qui ne lui plaisait guère. Natacha se décida donc de sortir de leur lit et prit ensuite la direction de leur salle bain.

Quelques instants plus tard, Michael descendit également du lit et s’adonna à sa séance quotidienne d’exercice. Pendant ce temps, Natacha versait de chaudes larmes sous la douche. Cela ne faisait que trois jours qu’elle avait découvert la vérité, mais elle avait l’impression que cela faisait une éternité, une éternité qu’elle mentait à son fiancé tout en le regardant droit dans les yeux. Elle espérait cependant que tout s’arrête après la séance de dégustation de ce prochain samedi. Non, elle se dit que cela allait s’arrêter après ça et que sa vie reprendrait un cours normal. Elle devait y croire, elle n’avait pas le choix. C’était ça et l’amour qu’elle portait à Michael et les autres qui lui permettaient de tenir plus ou moins le coup.

Mais, et si les choses ne revenaient pas à la normale après cette soi-disant séance de dégustation ? Certes, il était impossible que sa vie reprenne son cours normal, les obscénités qu’elle avait subies ayant laissé une tache indélébile sur son être et sur son âme, mais le simple fait de se dire que son calvaire continuerait après cette réunion était quelque chose qui faisait énormément peur à Natacha. Tous les mensonges qu’elle avait racontés à Michael étaient déjà très durs pour elle, donc si elle devait le faire de façon prolongée, elle craignait que cela entache sa relation. Pire encore, elle avait peur que cela devienne une habitude, qu’elle puisse lui mentir tout en le regardant droit dans les yeux…, mais en n’éprouvant aucun remords par la suite. Barnes ne voulait pas devenir ce genre de personnes, non, elle ne le souhaitait pas.

Comme à son habitude, Orzak débarqua dans la salle de bain peu de temps après Natacha. Il se faufila ensuite sous la douche et la prit dans ses bras. Néanmoins, lui qui s’attendait à être repoussé une fois de plus à cause de sa transpiration fut accueilli par un sursaut de la part de la jeune femme.

- Est-ce que tout va bien, bébé ?

- Oui, tout va bien. C’est juste que je m’étais légèrement endormie et je ne t’ai pas entendu rentrer, répondit-elle en se retournant vers lui.

Une fois de plus, Natacha venait de mentir à l’homme qu’elle aimait. Mais le plus perturbant pour elle à cet instant était le fait qu’elle l’avait fait sans la moindre hésitation, sans même réfléchir à ce qu’elle allait dire. Les mots étaient sortis de sa bouche de façon si naturelle qu’elle avait désormais l’impression qu’une de ses craintes allait devenir réalité et qu’elle finirait par mentir comme elle respire. De son côté, le jeune homme comprit ce que sa fiancée traversait. Sa nuit avait si courte que cela ne le surprenait pas que quelque chose de la sorte se produise.

- Si seulement nous n’avions pas des obligations, on aurait pu manquer le boulot. Tu as vraiment besoin de te reposer, Tacha.

- Ce n’est pas grave, bébé. Je vais traverser cette journée sans encombre. J’aurai juste à carburer au café et ça passe, répondit-elle de façon objective.

- T’es sûre de pouvoir tenir ?

- Yep. Aussi, ne me touche plus jamais avec ton corps dégoulinant de sueur, rétorqua-t-elle en le repoussant légèrement avec son doigt.

- Allez, Tacha. Je sais que tu aimes quand je te prends dans mes bras. Allez, vient me faire un câlin.

- Pas quand tu transpires autant, dit-elle en le repoussant.

Barnes, qui était toujours sous l’arrivée d’eau, attrapa sa serviette et sortit immédiatement de la douche, disant par la même occasion qu’il n’allait pas l’avoir cette matinée. Elle s’empressa ensuite de retirer toute l’eau qu’elle avait sur le corps et dans les cheveux, termina le reste de sa toilette, et quitta la salle de bain, le tout sous le regard de Michael qui ne pouvait pas s’empêcher de trouver la situation amusante.

*

Une dizaine de minutes plus tard, tandis que Michael se trouvait toujours dans leur salle de bain, Natacha préparait leur petit-déjeuner. La jeune femme avait à ce moment un visage complètement dépourvu d’émotions, agissant de façon mécanique avec ce qu’elle cuisinait. Et pour cause, Barnes avait l’esprit focalisé sur diverses choses à la fois. D’une part, elle ressassait sa récente interaction avec son homme, plus précisément le moment où ce dernier l’avait surprise sous la douche. À cet instant, elle n’avait pas pu s’empêcher de lui mentir, mais c’était la facilité avec laquelle elle l’avait fait qui la mettait dans son état présent. Barnes avait peur, peur que mentir devienne une seconde nature chez elle. Chaque fois qu’elle le faisait, elle avait non seulement l’impression de devenir une autre personne, mais elle prenait également le risque de perdre la confiance de la personne qui comptait le plus pour elle.

Comment réagirait-elle si Michael venait à la soupçonner à cause d’un énième mensonge ? Lui dirait-elle la vérité ou s’enfoncerait-elle plus dans le mensonge ? Elle n’en avait aucune idée. Tout ce qu’elle savait était que si cela venait à se produire, elle risquerait de perdre l’homme de sa vie. De ce fait, il fallait qu’elle en finisse avec cette période d’essai et qu’elle se libère de l’emprise de son employeur, Herman, ce qui la poussa à penser à sa journée de travail.

En effet, aujourd’hui se déroulait la réunion du conseil d’administration et à cause de cela, elle n’aurait pas à retrouver son patron après les heures de travail. Elle aurait donc une journée tout à fait normale…ou peut-être pas. En effet, Invictus n’avait jamais été l’homme qu’elle pensait qu’il était. De ce fait, il était tout à fait possible qu’il revienne sur sa parole et la force une fois de plus à s’adonner à des activités obscènes.

Pendant qu’elle avait la tête ailleurs, Natacha fut brusquement ramenée à la réalité par une odeur de brûlé suivie par la sonnerie d’un détecteur de fumée. La jeune femme se rendit alors compte que ce qu’elle était en train de préparer avait carbonisé, l’obligeant à jeter la nourriture dans la poubelle avant de déplacer sa poêle dans l’évier et d’y verser de l’eau. Au même moment, Michael rentra dans la pièce, vêtu uniquement d’un caleçon et d’une serviette avec laquelle il essuyait sa tête.

- Est-ce que tout va bien ici ?! demanda-t-il.

- Michael ! Est-ce que tu peux arrêter le bruit s’il te plaît ?

Le jeune homme désactiva alors le détecteur de fumée, ce qui mit un terme à l’horrible sonorité, avant de s’approcher de sa fiancée. Il constata ensuite l’état dans lequel leur poêle se trouvait et ne put alors s’empêcher de plaisanter vis-à-vis de ça.

- C’est la première fois que je vois quelqu’un cuisiner du charbon comme petit-déjeuner. Je ne savais pas que c’était comestible.

- Haha ! Très drôle, Michael. La prochaine fois, je vais juste t’enfoncer ça dans la gorge.

- Pas besoin de te mettre dans tous ces états, bébé. Je plaisantais juste, rétorqua-t-il en essayant de placer ses bras autour d’elle.

Malheureusement pour lui, la jeune femme le repoussa une fois de plus, prétextant qu’elle n’était pas d’humeur.

- OK. Mais dis-moi, comment tu es arrivée à ce résultat ? C’est pas dans ton genre de te louper autant.

- J’avais la tête ailleurs, c’est tout. J’ai pas fait attention à la poêle et les œufs ont brûlé.

- Je vois. C’est pas grave, je peux nous faire quelque chose.

- Pas le temps. Je vais juste me contenter de mon café et peut-être acheter quelque chose en route.

- T’es sûre de toi ? Je peux improviser quelque chose vite fait, dit-il en se dirigeant vers leur frigidaire.

- Oui, t'inquiètes.

La jeune femme finit de remplir son thermos à moitié, embrassa légèrement Michael, lui disant par la même occasion qu’elle l’aimait, attrapa le reste de ses affaires, et prit finalement la direction de la sortie. Se retrouvant désormais seul, Orzak se rendit à son tour dans leur chambre afin de se préparer pour sa journée de travail, une journée qui s’annonçait être très particulière.

*

Sur le trajet la conduisant sur son lieu de travail, Natacha fit une halte à une supérette, celle devant laquelle elle s’était arrêtée quelque temps auparavant. La jeune femme circula parmi les différents rayons et s’arrêta finalement devant celui qui contenait toutes les boissons alcoolisées du magasin. Barnes hésita énormément devant les choix qui se présentaient à elle. Et pour cause, elle n’était pas vraiment une adepte de ce genre de choses. Elle ne buvait qu’à de très rares occasions, majoritairement lorsqu’il y avait quelque chose à célébrer.

Toutefois, l’heure n’était pas à la célébration. En effet, avec tout ce qui se déroulait présentement dans sa vie, la jeune femme avait besoin d’un moyen lui permettant de supporter les abus qu’elle subissait. Elle avait beau se dire qu’elle faisait cela pour protéger les personnes qui lui tenaient à coeur, cela ne changeait rien au fait que son mental prenait un coup chaque fois que son patron abusait d’elle. Natacha avait donc besoin d’aide et elle se dit que l’alcool pourrait jouer ce rôle. Barnes attrapa finalement une bouteille au hasard et se rendit par la suite à la caisse.

- Bonjour, dit-elle au jeune homme derrière le comptoir.

- Bonjour. Pièce d’identité s’il vous plaît, répondit-il.

La jeune femme parcourut le contenu de son sac à main et sortit son permis de conduire qu’elle tendit par la suite au caissier. Pendant qu’il vérifiait qu’elle était vraiment en âge d’acheter cette boisson alcoolisée, Natacha ne put s’empêcher de regarder la bouteille qu’elle était sur le point d’acquérir et se promit de ne pas devenir dépendante. Elle se dit que c’était juste temporaire, qu’elle arrêterait une fois qu’elle ne serait plus sous l’emprise d’Herman Invictus.

- Cela fera 24.99, rétorqua le cassier en lui rendant sa pièce d’identité.

- Un instant.

Barnes récupéra son document avant de lui donner trois billets. Elle attrapa ensuite sa bouteille, souhaita à l’employé du magasin une excellente journée, et retourna dans son véhicule. À l’intérieur, elle ouvrit son thermos et y versa l’alcool qu’elle venait tout juste d’acheter. La jeune femme goûta ensuite le mélange uniquement pour afficher une expression de dégoût.

- C’est dégueulasse.

Natacha trouva cela absolument infect et voulut immédiatement verser cet horrible liquide sur le parking de la supérette. Néanmoins, elle se dit que boire cela était nécessaire si elle voulait tenir toute la journée. Elle prit donc sur elle et se força à prendre une gorgée. Et après avoir affiché une seconde expression de dégoût, elle ferma son thermos et la bouteille d’alcool, et les plaça côte à côte sur le siège passager. Barnes démarra ensuite son véhicule et se remit en route pour son lieu de travail.

*

À la tour Black Crown, Natacha eut la désagréable surprise d’arriver au même moment que sa collègue de travail. Les deux femmes voulant se garer au même endroit, Tess finit par lui céder la place, affichant alors le sourire que la fiancée de Michael détestait voir. Cette dernière se demanda alors pourquoi de tous les employés que cette entreprise comptait, il fallait qu’elle arrive au même moment que l’une des personnes qu’elle appréciait le moins ? Une fois durant la semaine, elle pouvait comprendre, mais trois jours de suite ? C’était comme si la vie essayait de la faire chier sur tous les plans.

La jeune femme finit par arrêter le moteur de sa voiture et attraper ses affaires. Mais avant ça, elle cacha la bouteille d’alcool sous le siège passager, son sac étant trop petit pour la contenir. De plus, elle ne voulait pas que les gens la voient et imaginent toute sorte de choses sur elle. Avoir une réputation d’alcoolique était quelque chose dont elle n’avait pas besoin en ce moment. Natacha descendit donc son véhicule et se rendit auprès de Tess Harlock qui attendait l’arrivée de l’ascenseur, un gobelet de café dans la main.

- Bonjour, Natacha. Comment te portes-tu en cette matinée ? demanda-t-elle sur un ton amical.

- Bonjour, Tess. Je me porte à merveille. Tu sais, une nouvelle journée de travail dans cette société. Une nouvelle journée à être au service de monsieur Invictus.

- Tu dis ça comme si c’était une mauvaise chose.

- Pourtant, ce n’est pas ce que je voulais insinuer. Monsieur Invictus est un bon employeur et je me vois mal travailler pour quelqu’un d’autre, rétorqua Natacha au moment où les portes de l’ascenseur s’ouvrirent.

Bien évidemment, tout ce qu’elle venait de dire était complètement faux. Depuis qu’elle avait découvert la véritable nature de son patron, elle n’avait qu’une seule envie et c’était de s’éloigner le plus possible de lui. Et pour ce faire, il n’y avait rien de mieux que démissionner et trouver un autre emploi. Malheureusement, les choses n’étaient pas aussi simples. Les deux secrétaires empruntèrent toutes les deux l’ascenseur et se rendirent immédiatement dans leur bureau de leur patron qui les attendait assis derrière son bureau.

- Bonjour, mesdemoiselles.

- Bonjour, monsieur Invictus, répondirent-elles en même temps.

- Comme vous le savez sans doute déjà, dans moins de deux heures se tiendra la réunion mensuelle du conseil d’administration. De ce fait, sauf en cas d’extrême urgence, aucune interruption ne sera tolérée. Me suis-je bien fait comprendre ?

- Oui, monsieur.

- Bien. Vous pouvez disposer.

Sans hésiter, Natacha prit immédiatement la direction de la sortie tandis que sa collègue déposait comme à son habitude le gobelet de café sur le bureau de leur patron. Elle profita de ce bref moment de solitude pour prendre quelques gorgées de son horrible breuvage avant de finalement s’asseoir à son poste de travail. Sa journée de travail commençait alors un ton beaucoup plus sérieux que d’habitude.

A suivre !!!

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