Chapitre 13 : Le conseil d'administration (1)
Une dizaine de personnes s’était assemblée derrière Michael tandis qu’il était en plein travail. Et pour cause, tous avaient les yeux rivés sur mademoiselle Degrâce et son époustouflante performance. En effet, la jeune femme changeait de position aussi vite qu’il fallait à Orzak le temps de prendre une photo. Il était certes vrai qu’elle l’avait prévenu peu de temps avant le début de leur séance de shooting, mais il ne pouvait cacher son ébahissement devant sa prestation. Cependant, ce qui étonnait le plus le jeune homme chez Elène n’était pas le fait qu’elle puisse changer de position en un clin d’oeil, mais plutôt la facilite et la grâce avec laquelle elle le faisait. En la voyant, le fiancé de Natacha ne put s’empêcher de se dire qu’il était très chanceux de pouvoir travailler avec quelqu’un comme elle et réaffirma son désir de mener à bien cette collaboration.
Parmi les personnes qui observaient le travail de Michael, une en particulier éprouvait une certaine frustration vis-à-vis de ce qu’il considérait comme une injustice. En effet, Garrett, le collègue avec qui Orzak avait eu une légère altercation quelques dizaines de minutes auparavant, estimait que cette opportunité aurait dû être la sienne, qu’il aurait dû être la personne derrière l’appareil photo et non pas ce « sale enfoiré d’Orzak ». Son travail était meilleur que le sien, il n’en avait aucun doute. Alors, pourquoi Jessica avait-elle choisi quelqu’un d’aussi incompétent ?
- Il doit y avoir quelque chose d’autre, se dit-il.
Toute sorte d’idées se mirent alors à traverser l’esprit de Garrett, des idées qui justifiaient plus ou moins le fait qu’il ne soit pas derrière l’appareil photo. Et en tête de ces dernières se trouvait une hypothèse des plus farfelues. En effet, le jeune homme était venu à penser que si Jessica ne l’avait pas choisi, c’était tout simplement parce qu’elle entretenait une relation avec Orzak. C’était la raison la plus probable, sinon comment expliquer tout ceci.
Garrett trouvait toute cette situation frustrante et encore plus depuis qu’il venait de faire le lien avec tout ce qui se passait. Et alors qu’il avait son poing fermé et son regard fixé furieusement vers son collègue, il se fit une promesse, celle de rétablir la justice qu’il méritait.
- Tu ne paies rien pour attendre, Orzak. Bientôt, tout le monde verra ce que tu es vraiment, pensa-t-il tout en se frayant un chemin à travers le groupe.
Peu de temps après le départ de Garrett, mademoiselle Degrâce demanda à prendre une pause, et ce afin de pouvoir changer de tenue. Elle se retira donc dans sa loge, laissant Michael admirer le travail qu’il avait fait jusque là. Et selon lui, il avait fait un plutôt bon travail avec elle. À vrai dire, il se disait que tout le mérite revenait à son modèle du jour, cette femme qui était non seulement très photogénique, mais également une experte dans le domaine.
- On dirait bien que tout se passe sans encombre par ici, rétorqua soudainement Jessica qui se trouvait désormais à ses côtés.
- C’est comme tu peux le voir. Mademoiselle Degrâce est très populaire en plus d’être très professionnelle dans son travail, répondit-il en lui présentant certains des clichés qu’il avait pris.
- Tout est sous contrôle alors ?
- En effet. Tu peux même déjà considérer ce contrat comme étant définitivement le tien.
- Ne sois pas aussi arrogant. Tant que nous n’avons aucune réponse de sa part, rien n’est certain. Contente-toi de faire ce que tu sais faire de mieux et reste professionnel.
- Tu peux compter sur moi.
- Bon, je vais te laisser tranquille maintenant et retourner dans mon bureau. N’oublie pas de me faire immédiatement signe si quelque chose se produit.
- Sans faute.
Plano abandonna donc son employé sur le plateau de shooting et retourna comme elle l’avait dit dans son bureau. Pendant ce temps, Michael observa de nouveau les clichés qu’il avait pris et ne put s’empêcher de les trouver excellents, estimant même que ces images étaient parmi les plus belles qu’il n’ait jamais capturées.
Un peu plus tard, mademoiselle Degrâce revint sur le plateau, portant cette fois-ci une robe avec un profond décolleté. Arrivée devant Orzak, elle n’hésita pas une seule seconde à lui demander comment il la trouvait. Le jeune homme la trouvait bien évidemment très attirante ; d’ailleurs quel homme ne tomberait pas sous son charme surtout dans cette tenue ; cependant, il se contenta de lui dire qu’elle était parfaite pour cette nouvelle séance photo. La jeune femme esquissa un léger sourire avant de se remettre en place devant la caméra.
À peu près une heure plus tard
Un cortège d’une vingtaine de véhicules composé de sept voitures de luxe et d’autres étant toutes identiques entra dans les prémices de la tour Black Crown et continua son avancée vers l’entrée principale du bâtiment. Lorsque ce défilé s’arrêta finalement, sept individus, à savoir deux femmes dont une à forte poitrine, des jumeaux, et un senior muni d’une canne en ivoire dont le pommeau blanc avait l’apparence d’une tête de serpent, sortirent tous des voitures. Après avoir échangé quelques formalités entre eux, ce groupe atypique prit finalement la direction de l’édifice dans lequel des membres du personnel les conduisirent à l’étage dans lequel la réunion mensuelle du conseil d’administration était sur le point de se dérouler.
Arrivé au 50e étage du bâtiment, le groupe fut cette fois-ci accueilli par les deux secrétaires d’Herman Invictus, Natacha Barnes et Tess Harlock, qui les guidèrent à leur tour vers la salle de conférence.
- Si vous voulez bien prendre place. Monsieur Invictus sera à vous dans quelques instants, déclara Tess une fois arrivée dans la pièce.
La salle dans laquelle tout ce beau monde se trouvait était aussi grande que le bureau d’Invictus. Une grande table rectangulaire aux angles arrondis munie de fauteuils en cuir blanc était fièrement disposée en son centre, ce qui lui donnait un petit côté luxueux sans grande prétention.
Pendant que les membres du conseil d’administration prenaient place dans leur siège, Natacha déposa devant chacun d’entre eux un dossier qui avait été spécialement préparé pour l’occasion. Et alors qu’elle venait tout juste de finir cette tâche anodine, elle fut interpellée par l’une de ces invités de marque, la femme à forte poitrine.
- En quoi puis-je vous aider, madame Homes ? rétorqua Barnes tout en jetant un coup d’oeil furtif à son immense poitrine.
- Pouvez-vous me débarrasser de ça ? dit-elle en faisant référence à la bouteille d’eau minérale qui était posée devant elle.
- Bien évidemment, madame.
Natacha se débarrassa donc de la bouteille tandis que Homes profitait de l'occasion pour se plaindre d’Herman et de sa mauvaise manie de leur fournir de l’eau de très mauvaise qualité. À ce moment, Barnes ne put s’empêcher de se questionner sur ce qu’elle venait de dire. Qu’entendait-elle par « eau de très mauvaise qualité » ? Pour elle, il s’agissait d’une eau minérale tout ce qu’il y avait de plus normale. Quel genre d’eau pouvait-elle bien boire pour faire un tel commentaire ?
- Madame fait la fine bouche pour de l’eau. Que c’est affligeant !
- Ce n’est pas parce que tu es habituée à boire de l’eau de mauvaise qualité, Alice, que je devrais faire de même. Mon corps est un temple et je ne voudrais pas l’abîmer, rétorqua-t-elle avec une once de mépris dans le ton de sa voix.
- Un temple, dis-tu ?…
À cet instant, la jeune femme détourna son regard vers l’énorme poitrine d’Homes avant d’ajouter subtilement que les dégâts avaient clairement déjà été faits.
- Qu’est-ce que tu insinues par-là ?
- Rien que tu ne saches déjà, Jennifer.
Quelque peu énervée par les paroles désobligeantes et le comportement d’Alice, Homes ne put s’empêcher de serrer légèrement le poing. Elle lui dit alors qu’elle pouvait garder ses commentaires pour elle. Pendant que les deux femmes se querellaient, le vieil homme muni de sa canne intervint soudainement.
- Mesdemoiselles, nous ne nous sommes pas réunis aujourd’hui pour nous adonner à ce genre d’enfantillage, dit-il sur un ton calme, mais autoritaire. Néanmoins, si vous insistez à continuer avec votre différend, je vous invite à le faire en dehors de cette pièce.
Tout le monde resta silencieux devant ce vieil homme, y compris Natacha qui était toujours présente dans la pièce, sa bouteille d’eau en main. Alice et Jennifer s’excusèrent toutes les deux auprès de lui, mais aussi auprès des autres invités de marque, et demeurèrent plus ou moins calmes par la suite, échangeant occasionnellement des regards noirs. De son côté, Barnes qui n’avait plus rien à faire dans cette salle de conférence se dirigea vers la sortie. Cependant, au moment où elle s’apprêtait à saisir la poignée, la porte fut brusquement ouverte, ce qui la fit perdre l’équilibre.
Manquant de se vautrer sur le sol, Natacha se retrouva soudainement dans les bras d’un homme, les bras de la personne qui venait tout juste de la réceptionner, les bras d’Herman Invictus. Cette petite scène surprit plus d’une personne notamment Tess qui ne put s’empêcher d’éprouver une certaine animosité envers sa collègue de travail.
- Ouh là ! Faites attention à vous, mademoiselle Barnes, dit-il en arborant un léger sourire.
À ce moment, la jeune femme ne put s’empêcher de se demander pourquoi de toutes les choses qui avaient pu se dérouler durant cette matinée, il avait fallu qu’elle trébuche et atterris dans les bras de cet homme détestable.
- Je suis désolée, monsieur, j’ai été maladroite, rétorqua-t-elle en se redressant.
- Vous n’avez pas à vous excuser. Cela peut arriver à tout le monde.
- Vous avez raison. Cela peut effectivement arriver à tout le monde.
Néanmoins, Natacha aurait préféré que cela ne lui arrive pas, surtout pas dans de telles circonstances. Donc, sans échanger un autre regard avec son patron, la jeune femme s’excusa auprès de lui avant de quitter la salle de conférence. Elle fut suivie peu de temps après par Tess qui esquissa un léger sourire à son employeur, mais lança un regard noir à sa collègue qui marchait devant elle.
- Bonjour à tous et veuillez m’excuser pour ce léger…incident. J’ose espérer que chacun d’entre vous se porte à merveille en cette fin de matinée.
- Cette matinée aurait pu se dérouler sans encombre, mais il a fallu qu’une certaine personne fasse toute une histoire à cause d’une simple bouteille d’eau, dit Alice en regardant directement Homes.
- Les goûts et les couleurs, Alice. Malgré ton soi-disant statut, tu manques clairement de discernement et de savoir-vivre.
- Dis la personne qui se balade avec une tonne de plastique dans le corps.
- Qu’est-ce que tu viens de dire ?
À cet instant précis, Richard Flayman, un des hommes assis à table ne put s’empêcher d’exprimer son ennui vis-à-vis de cette situation répétitive. De leur côté, les jumeaux Wingston trouvaient cela quelque peu amusant, d’autant plus que l’un des deux avait parié que les deux femmes auraient encore fini par se disputer. Herman, quant à lui, observait Alice et Jennifer avec le regard d’une personne ne sachant pas s’il devait les traiter comme des enfants ou comme les adultes qu’elles étaient. Soudainement, un bruit sourd retentit soudainement dans la salle de conférence, le bruit d’une canne qui frappait violemment le sol. Tout le monde tourna instinctivement son regard vers l’origine du son, vers le détenteur de la canne dont le pommeau avait l’apparence d’un serpent.
- Mesdames, un peu de tenue. Dois-je encore vous rappeler la raison de notre présence en ces lieux ?
Comme la fois précédente, les deux femmes cessèrent immédiatement leur dispute, et ce pour le plus grand plaisir d’Invictus qui trouvait la situation quelque peu amusante. En effet, il avait l’impression de se trouver devant un père autoritaire qui venait tout juste d’élever la voix contre ses deux enfants qui venaient tout juste de faire une bêtise. Cela n’avait rien d’étonnant, ces deux femmes avaient tout simplement affaire à l’un des hommes les plus importants du monde, l’homme qui était à la tête de l’empire médiatique le plus influent : David Wrightway Sr. Quoiqu’il en soit, il salua intérieurement le geste du vieil homme, le calme étant revenu dans la salle, avant de lui dire que c’était toujours un immense plaisir de le voir.
- Comment vous portez-vous ? poursuivit-il.
- Comme tu peux le voir, j’essaie de me maintenir, et ce même si ce corps m’abandonne de plus en plus. Ce n’est qu’une question de temps avant que je puisse plus me présenter devant vous tous.
- Ne dites pas quelque chose d’aussi alarmant, Wrightway. Vous débordez encore de vigueur. Que diraient Evelyn et vos enfants s’ils vous entendaient parler ainsi ? rétorqua Invictus avec un air inquiet sur son visage.
- Certains voudraient sûrement que mon heure vienne le plus vite possible.
- Vous êtes trop dure envers eux. Je suis certain que les choses ne se dérouleront pas comme vous venez de le mentionner.
Wrightway lui dit alors qu’il avait sans doute raison et que certaines personnes viendraient peut-être à pleurer pour lui.
- Mais je doute que ce soit le cas de l’un de mes fils, poursuivit-il.
- Les enfants peuvent parfois faire preuve d’ingratitude.
- C’est peu de le dire. Quoi qu’il en soit, trêve de futilités. Nous sommes présents ici et maintenant pour parler business et uniquement business. Le reste pourra être discuté à la fin de cette réunion.
- Vous avez entièrement raison. En plus, Schwartz ne devrait pas tarder à arriver.
Quelques instants plus tôt
Pendant que Herman s’entretenait avec Wrightway Sr, Natacha qui venait tout juste de sortir de la salle de conférence avait l’esprit quelque peu débordé. Elle pensait notamment à ce qui venait de se produire, à cette soudaine perte d’équilibre qui avait fait en sorte qu’elle se retrouve dans les bras de son employeur.
- Pourquoi avait-il fallu que quelque chose comme ça se produise ? se demanda-t-elle.
Rien que le fait de se retrouver dans la même pièce que lui la dégoûtait et lui donnait envie de vomir. Il était devenu la personne qu’elle haïssait le plus au monde, mais aussi la personne dont elle voulait s’éloigner le plus possible. Barnes aurait tellement aimé pouvoir démissionner et quitter définitivement cette entreprise, elle aurait tellement aimé pour s’éloigner cet homme répugnant, mais cela lui était impossible. Elle était coincée en ces lieux, retenue prisonnière par Herman Invictus qui détenait dans ses mains le pouvoir de transformer sa vie en un cauchemar pire que celui qu’elle vivait présentement.
- Natacha, est-ce que tu vas bien ? Tu sembles ne pas être dans ton état normale, demanda brusquement Tess qui se trouvait derrière elle.
- Oui, je vais bien. J’avais juste la tête ailleurs.
- Je vois. Ça doit être une sacrée expérience de se retrouver dans les bras de monsieur Invictus.
- Une sacrée expérience, tu dis ?…Tu as sans doute raison, répondit-elle avec un léger sourire.
Malheureusement pour Barnes, la réponse qu’elle venait de donner, mais surtout le sourire qu’elle venait d’afficher devant sa collègue de travail, accentua les sentiments de jalousie et de colère que cette dernière éprouvait à son égard. Harlock se disait que Natacha avait forcément dû faire cela exprès. Il était impossible pour elle de perdre l’équilibre de cette façon et finir dans les bras de leur employeur. Cette « peste » essayait de dérober ce qui lui appartenait et elle ne comptait pas se laisser faire.
- Tu ne l’auras pas, Natacha. Herman Invictus est à moi, pensa-t-elle à cet instant.
Sur le trajet les conduisant à leur bureau, les deux secrétaires tombèrent nez à nez avec un homme d’une quarantaine d’années qui affichait d’énormes cernes sous yeux. Cette personne n’était nulle autre que Cédrick Schwartz, le chef du département marketing et la personne que Herman Invictus et les autres membres du conseil d’administration attendaient avec impatience.
- Natacha, Tess, ravi de vous voir.
- Je suis ravie de te voir aussi, Cédrick.
- Tu as une tête de déterré, rétorqua Harlock. Est-ce que tout va bien ?
Schwartz s’excusa auprès d’elles et leur expliqua que la raison pour laquelle il affichait une telle apparence était à cause du stress qu’il subissait depuis un moment.
- Tu ferais donc mieux de prendre sur toi. Monsieur Invictus et les autres membres du conseil t’attendent impatiemment, dit-elle avant de laisser Natacha et Cédrick.
L’homme profita alors de l’occasion pour demander à Natacha comment l’atmosphère était dans la salle de conférence.
- Elle est suffocante. Je ne sais pas quel genre de présentation tu t’apprêtes à faire, mais j’espère de tout coeur que cela se déroule bien.
- Merci beaucoup, Natacha.
Barnes esquissa un dernier sourire avant de reprendre son chemin vers son poste de travail. De son côté, Cédrick prit une profonde inspiration et s’avança également vers la salle de conférence.
14h11
Sous les regards attentifs de Jessica et du garde de corps de mademoiselle Degrâce, la séance de photo se poursuivait sans accroc. Michael, avec l'aide de son fidèle compagnon technologique, ne manquait aucune occasion d'immortaliser le charme et la beauté d’Elène Degrâce. Suivant les indications d’Orzak et combinant cela avec ses longues années d'expérience, la jeune femme continuait d’enchaîner aisément et rapidement les poses. Un moment, elle se tenait droite avec les bras croisés avec un regard empli de fierté disant, « contemplez ma beauté que vous n'obtiendrez et n’oublierez jamais, » et l'instant d'après, Elène se penchait légèrement vers l'avant et mettait en avant ses généreuses formes tout en affichant un sourire aguicheur comme pour appeler à elle tous les hommes qui désireraient passer un moment de plaisir avec elle.
De nombreuses minutes s'écoulèrent et le temps fut finalement venu pour Michael de prendre une pause. Il avait passé les dernières heures debout à osciller entre séances de photos et changements des paramètres de son appareil. En plus de cela, il avait l’estomac complètement vide, n’y ayant pris qu’une tasse de café au cours de la journée. Il avait donc besoin de se ressourcer et de se reposer. Il s’excusa donc auprès de mademoiselle Degrâce, rangea son appareil photo dans son sac, et se rendit au distributeur le plus proche.
- J’en avais vraiment besoin, dit-il après avoir pris quelques gorgées d’une boisson rafraîchissante qu’il venait tout juste d’acheter.
Alors que Michael se désaltérait en toute tranquillité, il entendit soudainement des bruits de pas qui se rapprochaient de lui, suivis par une voix familière.
- Je me demandais où tu avais disparu. Est-ce que tu vas bien ? Tu as brusquement quitté le plateau.
- Tout va bien, Jessica. J’avais juste besoin de prendre une pause et de me ressourcer.
- Je vois. Il est vrai que tu as été très actif depuis le début de la matinée. Alors, que penses-tu de cette expérience ?
- Épuisante, mais surtout intéressant. Je dois t’avouer que je ne m’attendais pas à voir mademoiselle Degrâce performer de la sorte. Elle n’a pas besoin d’être guidée et sait parfaitement quelle position prendre pour se mettre en valeur. On sent vraiment qu’elle a beaucoup d’années d’expérience au compteur et qu’elle est très à l’aise devant un appareil photo. C’est vraiment une aubaine que quelqu’un comme elle ait décidée de travailler avec nous.
- Une aubaine, dis-tu ?
Il était certes vrai qu’il s’agissait d’une opportunité en or pour Jessica et son entreprise, une opportunité que bon nombre de personnes dans sa position auraient aimé avoir, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de se dire que c’était trop beau pour être vrai, que mademoiselle Degrâce avait une sorte d’agenda. Cela semblait d’autant plus évident après la brève conversation qu’elle avait eue avec elle dans sa loge.
- En tout cas, je vais te laisser te ressourcer. Pendant ce temps, je vais aller voir si tout se passe bien avec nos invités.
Se retrouvant de nouveau seul, Michael se mit à penser à sa petite femme, Natacha. Il se demandait notamment ce qu’elle faisait à cet instant et espérait également qu’elle ne se mette pas trop de pression dans son travail. Il était certes vrai qu’elle voulait à tout prix obtenir sa promotion et pour cela, il louait son acharnement, mais il ne pouvait pas cacher son inquiétude vis-à-vis des récents évènements. Il n’avait plus envie de voir sa fiancée dans le même état que la dernière fois, il n’avait plus envie de la voir pleurer. La voir ainsi était quelque chose qu’il avait beaucoup de mal à supporter. C’était la raison pour laquelle il espérait qu’elle obtienne sa promotion le plus vite possible.
L’estomac du jeune homme se mit soudainement à crier famine, lui rappelant ainsi qu’il n’avait pratiquement rien avalé de la journée.
- Je me demande ce que je vais bien pouvoir préparer ce soir, pensa-t-il pendant qu’il achetait des biscuits au distributeur. Peu importe. Je verrai tout ça quand je vais rentrer.
Au même moment, Orzak entendit à nouveau les bruits de pas de plusieurs personnes qui s’avançaient dans sa direction. Néanmoins, de toutes les personnes qu’il y avait présentement dans le bâtiment, il ne s’était absolument pas attendu à voir débarquer devant lui la charmante Elène Degrâce et son garde du corps.
- Mademoiselle Degrâce, je ne m’attendais pas à vous voir ici.
- Pas besoin d’être aussi surpris. Je fais juste le tour des lieux pour voir à quoi cela ressemble, rétorqua-t-elle.
- Dois-je en déduire que vous avez finalement décidé de travailler avec nous ?
- Cela va dépendre de certaines conditions, mais aussi de si oui ou non vous répondez sincèrement à la question suivante.
Michael fut quelque peu déconcerté par ce qu’elle venait de lui dire et le fut encore plus quand Elène lui demanda pourquoi il avait décidé de devenir un photographe professionnel, pourquoi de toutes les carrières possibles, c’était cette voie professionnelle en particulier qu’il avait choisie.
- À cause de l'immortalité.
- Pardon ?! Qu’est-ce que vous entendez par-là ? s'exclama la jeune femme qui ne comprenait pas la réponse de Michael.
- Cela va peut-être vous sembler stupide venant de ma part, mais quand je prends un objet, un paysage, ou une personne en photo, c'est comme si je capturais son essence à un moment très précis. C'est un peu compliqué à expliquer et vous allez sûrement me prendre pour un idiot, mais chaque fois que j’appuie sur l’objectif et que je prends quelque chose en photo, je capture un précis dans le temps, un moment éternel contenant toute la beauté du monde se trouvant devant mes yeux. Les gens ne prennent plus le temps de contempler ce qu’ils ont tous les jours devant leurs yeux. C’est pour cette raison que j’ai choisi cette voie.
En l'écoutant parler, Degrâce put clairement sentir que Michael était véritablement passionné par la photographie, ce qu’elle trouva admirable.
- Vous n’avez rien d’un idiot. Vous êtes juste passionné par ce que vous faites, ce que je trouve très admirable.
- Merci beaucoup. Et vous, mademoiselle Degrâce ? Avez-vous une passion quelconque ?
- Il s’agit là d’une question à laquelle je ne répondrai pas dans l’immédiat. Quoiqu’il en soit, j’ai obtenu ce que je désirais, je vais donc vous laisser tranquille. Profitez bien de votre pause déjeuner, Michael Orzak et à nous revoir dans quelques minutes.
Et comme elle était apparue, la jeune femme s’éloigna avec son garde du corps. De son côté, Orzak ne put s’empêcher de trouver cette interaction avec elle quelque peu bizarre. Elle avait juste débarqué de nulle part, avait posé sa question, et s’en était allée de la même manière. Michael commença à se dire que Jessica avait sans doute raison et qu’elle devait sans doute avoir une sorte d’agenda secret. Quoi qu’il en soit, peu importe ce qu’elle avait en tête comme idée, il était persuadé que son amie et patronne serait en mesure de déjouer son plan.
A suivre !!!
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