Des bruits de pas puissants et lourds retentissent dans cette rue, d’habitude si silencieuse sous le ciel sombre de la nuit, des bruits de courses. Ce n’est d’abord qu’un battement lointain mais ce-dernier se rapproche rapidement, devenant de plus en plus intense, de plus en plus fort. On distingue à présent nettement ce bruit, celui d’une course effrénée, d’un jeune homme, suivi par trois autres hommes plus robustes vociférant derrière lui.

 « Ne le laissez surtout pas s’enfuir ! » crie l’un d’entre eux tandis que le petit groupe commence à gagner du terrain sur leur proie. La sueur coule sur le corps de ce-dernier, une sueur froide tandis que son cœur s’affole en voyant que son souffle commence à manquer. Devant lui, à une vingtaine de mètres se situe un virage, un coin de rue, un pauvre changement de direction dans lequel réside l’espoir de ce jeune homme, une possibilité de briser cette ligne droite qu’il parcourt depuis déjà d’interminables minutes.

 Cependant la course devient longue pour ce-dernier, et ses poursuivants commencent à le rattraper tandis que ses muscles perdent en puissance et qu’il s’essouffle peu à peu.

 « Il me reste à peine quelques mètres, seulement quelques mètres. », se dit il pour se redonner du courage, tentant de puiser dans le peu d’énergie qu’il lui reste alors qu’il commence à ralentir. Mais rien à faire, ses jambes répondent de moins en moins à sa volonté, ses pas deviennent désordonnés, il se sent prêt à trébucher à tout moment. Sa motivation se perd peu à peu, au fur et à mesure qu’il sombre dans la peur. Tel un mouton faible et terrifié, il tente d’échapper aux loups qui le poursuivent. De plus en plus essoufflé, il accepte peu à peu son sort, son cœur tremble, s’accrochant fébrilement à un brin de force, un brin de détermination. Les quelques mètres semblent s’allonger, ils sont infinis pour la proie qu’il est à présent. Il n’est plus maître de ses actions, sa peur a pris le dessus. Ses jambes bougent d’elles-mêmes alors que la douleur voudrait le faire s’arrêter, il ne parvient plus à reprendre sa respiration alors qu’il continue sa course. Ce n’est plus qu’un animal une coquille vide obéissant à ses instincts le poussant à survivre à tout prix.

 Les trois hommes courent vers le jeune homme et le rattrapent petit à petit.

 « Suivez-le, ne le laissez pas s’échapper ! » hurle l’un d’entre eux. Ces trois loups voient à présent leur proie à quelques mètres devant eux, bientôt à portée de main. Subitement, cette dernière tourne à droite, sur une petite rue transversale.

 « Il est parti à droite ! » crie le plus rapide des poursuiveurs pour informer les autres alors qu’ils ne sont qu’à quelques mètres du coin de la rue. Accélérant pour retrouver leur proie, le plus rapide agrippe enfin l’arrête du mur et bascule dans la nouvelle voie, juste devant ses deux compagnons.

 Tous les bruits s’arrêtent alors brusquement, la course a cessé. Les trois hommes sont abasourdis de voir la rue complètement vide, cherchant désespérément une trace du jeune homme.

 « Les gars, il a disparu… »

 La ruelle est complètement déserte, pas un bruit, pas un mouvement, ne romps la sérénité pesant de cette dernière. Elle semble avoir retrouvé son calme habituel, être rentrée dans l’ordre. Les regards des trois hommes balayent lentement chaque recoin de celle-ci. Aucun objet aucun passage, aucun moyen de s’enfuir. La proie avait échappé aux loups affamés, le jeune homme avait disparu.

 Encore dans l’incompréhension, les trois hommes finissent par se résigner et s’en vont doucement. Ils avaient perdu le lien visuel avec leur proie pendant seulement une seconde, mais cette seconde avait suffi à briser le fil qui les rapprochaient peu à peu de leur objectif. Une fois ce fil rompu, tout était déjà décidé. A ce moment précis, un œil expérimenté aurait pu distinguer une faible lumière jaunâtre éclairer rapidement la ruelle mystérieuse, s’éteignant juste avant que les trois hommes pénètrent dans celle-ci.