Les larmes diluent le sang qui ruisselle sur son visage. Elle ne sent plus le rouge couler. Elle n’entend plus ses propres cris qui s’élèvent vers le ciel. Elle ne voit plus leurs visages haineux.

Elle est capable de se concentrer sur une seule chose.

La douleur.

Les projectiles cognent son corps avec une violence inouïe.

IMPURE !!

Entre chaque pierre qui déchire sa chair en bouillie, elle a des flashs.

    L’odeur âcre de son mari, le jour de leur mariage. Elle avait 14 ans. La peur, jusqu’entre ses jambes. Arrache les vêtements.

Et plus tard, la peur toujours, quand il est là. Elle parle pour lui dire que le repas est prêt ou pour lui demander s’il a passé une bonne journée. Elle ne donne jamais son avis.

    Les coups de pieds, la violence, si elle parle trop.

Une pierre tranchante, l’atteint entre le nez et l’œil. L’éclair fulgurant l’éblouit. Elle ne voit plus rien. Le sang dans sa gorge l’étouffe. Elle espère que cette fois, elle va s’évanouir.

    Flash. Deux ans plus tard. Comme un miracle, dans sa vie, l’autre homme. Douceur, amour, sensualité. Il respecte les femmes. Il l’aime, il la rassure. Même ce jour où le mari les surprend, il lui dit « ça va aller, je te le promets ».

Son corps est en lambeaux. Ses mains n’ont plus assez de force pour se lever et protéger son visage.

Pourtant, ils continuent à la bombarder, en l’insultant.

La colère du mari qui la tabasse et essaye de tuer l’amant qui s’enfuit. Il dénonce son épouse. Il hurle avec les autres. Elle l’a déshonoré. Elle est souillée. Elle mérite de crever.

    La victime souffrira le martyr pendant encore plusieurs minutes. Jusqu’à l’impact de trop, qui sera fatal. Lequel de ses bourreaux aura l’honneur de pulvériser assez cette femme, de conclure son agonie ? Son cadavre défiguré pourrira sous les pierres assassines qui lui serviront de tombeau.

    Dans certaines régions du monde, les femmes infidèles sont lapidées. Échapper à un quotidien souvent sordide, aimer, enfin, est puni de mort.

L’impureté et la souillure n’appartiennent pas à celle qui meurt sous une avalanche de pierres, mais à celui qui les jette.