Chère Ana
Manoir Gregson, Yorkshire
18 octobre 1889
Chère Ana,
Cette lettre ne sera pas très longue. En effet, je n’ai pas beaucoup de temps avant que Père et Mère me demandent pourquoi je m’enferme dans le bureau. Voilà maintenant un mois que tu es partie, je pensais ne plus jamais avoir de tes nouvelles… Que ça y est, tu nous avais oublié.
Tu devines à merveille mes inquiétudes. J’avoue que j’avais peur que tu ne t’en sortes pas toute seule. Mais je vois que la solitude a l’air de plutôt bien te réussir. Ici, sans ta figure espiègle et illuminatrice qui embaume l’espace, tout semble bien différent. Je pense que Mère te déteste, elle ne cesse de pester contre toi depuis ton départ. Elle invente mille et un prétextes pour justifier ton absence à ses amies. Une fois tu es chez Edith, une fois tu es en magasin. Le problème est que ses amies ne sont pas dupes, elles n’ont pas cru le coup du magasin. Alors Mère affirme que tu lis à la bibliothèque, ce qui est bien plus crédible. Sa meilleure excuse aurait été de prétendre que tu t’exerçais au piano ! Mais l’absence de son l’aurait trahie aussitôt. D’ailleurs, ne plus t’entendre jouer à longueur de temps me manque aussi. Tes mélodies avaient un don pour faire vivre ce grand manoir. Quant à Père, il ne dit rien, mais il n’en pense sans doute pas moins. Je vais tenter de décrypter ses pensées. Il est encore plus silencieux depuis que tu es partie. Oui, cela est réellement possible.
Crois-moi que l’envie de t’écrire des romans comme les tiens est bien présente, mais j’entends déjà Mère qui monte les escaliers.
Réponds-moi vite, Ana.
Bien à toi, Victor.
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