Une reine

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Anaïs rêvait d'être une reine. Le pouvoir l'attirait comme un aimant et elle ne se voyait pas autrement qu'en souveraine du Royaume des Songes. Fille de feu le roi Charles, renversé par sa soeur cadette, actuelle dirigeante du royaume, véritable tyran de surcroît, la demoiselle nourrissait des idées de vengeance envers cette tante usurpatrice.

Il fallait redorer le blason de sa famille et reprendre le pouvoir. Après tout, elle en avait le droit. Du sang noble coulait en elle. Le seul bémol à cette histoire : sa famille avait été bannie du royaume. Ils avaient été contraints d'habiter une maison en ruine, située à la frontière du territoire de sa tante. Reculée dans cette partie déserte, loin de toute personne, de toute commodité, de tout moyen de rebellion, Anaïs se sentit bien faible, bien inutile. Comment allait-elle pouvoir mettre son plan à exécution ? Comment faire pour détrôner l'usurpatrice ? Il faudrait un miracle pour y arriver, se dit-elle en soupirant.

Seule dans l'obscurité de sa chambre miteuse, elle contempla le plafond, réfléchissant à une solution vaine pour exécuter son plan. Soudain, elle eut un flash. Un jour, sa mère lui avait raconté que cette vieille bâtisse craquelante abritait une bibliothèque très fournie en ouvrages occultes, car la maison avait longtemps appartenu à une sorcière qui s'était dressée contre le pouvoir. Cependant, aucun livre d'Histoire n'en parlait. C'était comme si la sorcière avait été envoyé aux oubliettes en même temps que sa mutinerie. Anaïs était une enfant curieuse et lorsque sa mère eut fini de narrer cette légende, elle se faufila hors de son lit et partit à la découverte de la maison. Au bout d'un long moment de recherche, elle tomba enfin sur la porte de la bibliothèque. Avide de réponses, elle s'y engouffra. Or, son fanal de fortune s'éteignit, la plongeant dans le noir le plus complet. Effrayée, elle ne continua pas plus loin et prit ses jambes à son cou.

Elle n'y était jamais retourné jusqu'alors. Pourtant, ce soir, elle irait. Coûte que coûte, elle descendrait dans la bibliothèque et tenterait d'y trouver un livre qui lui serait utile. Pour ne pas éveiller les soupçons, elle attendit que toute la maisonnée s'endorme. Elle s'arma d'un lumignon, sortit sans bruit de sa chambre, s'aventura dans les couloirs sinueux, sombres et insalubres, sa seule source de lumière dans la main. Après un moment, elle atterrit devant une porte qu'elle ouvrit sans hésiter. Dans un grincement sinistre, celle-ci libéra le passage menant à la bilbiothèque. À tâtons, elle chercha une épaisseur dans le mur, signe qu'un candélabre pouvait être allumé. Lorsqu'elle en trouva un, elle transféra le feu de sa lanterne sur la bougie crasseuse. L'abondante lumière qu'elle produisait révéla l'existence d'une magnifique pièce remplie de livres, de grimoires et autres. Avide, impatiente, incapable de se retenir, Anaïs se rua dans les rayonnages.

Elle chercha longtemps avant de tomber sur un livre de sorts. Avec précaution, elle tourna les pages et tomba sur un sortilège d'invocation. Voilà ce qu'il lui fallait ! La solution était là, devant elle ! Sans attendre une minute de plus, elle traça, à l'aide de vieux morceaux de cire noircis, un pentacle. Elle y ajouta les symboles d'invocation et le totem de la divinité, se plaça ensuite au centre du dessin, inspira et psalmodia haut et fort la formule. Tout à coup, la lumière s'éteignit et un courant d'air froid frôla les frêles épaules de la jeune fille, lui arrachant une salve de frissons. Une ombre apparut sur les murs élimés, usés par le temps et le manque d'entretien, puis se transforma en une silhouette diforme. Un son guttural sortit de ce petit corps mal composé :

- Je suis Janique, le Djinn. Est-ce toi qui m'a réveillé ?

La petite damoiselle tremblota et répondit en bégayant :

- Oui, seigneur, c'est bien ... moi.

- Alors parle, puisque tu as réussi à m'invoquer, je peux t'accorder un voeu.

Le regard de la jeune fille devint incandescent, le bleu polaire fut remplacé par un grenat inquiétant. L'envie et la folie se lurent dans ces prunelles. Elle passa sa langue sur ses lippes et sur un ton religieux, elle demanda :

- Je veux être une reine, je suis noble, je le mérite. Fais de moi une reine, s'il te plaît.

Un sourire maléfique se dessina sur la bouche tordue du Djinn. Il ferma les yeux et claqua des doigts :

- Accordé. Puisque tu veux être une reine, que ton envie de régner est plus forte que tout le reste, alors tu dirigeras le monde... des fourmis.

Lorsque le son s'arrêta, la jeune fille se transforma en une fourmi rouge, géante et hideuse...

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