Alyce
Depuis qu'elle avait commencé sa thérapie visant à calmer ses crises de panique, Alyce allait beaucoup mieux. Elle ne se cachait plus dans les moindres recoins, ne se balançait plus d'avant en arrière pour se calmer. Elle essayait chaque jour un peu plus d'affronter ses peurs, de faire face à sa phobie avec le plus de calme.
Et pour ce faire, elle avait recours à l'hypnose. Son thérapeute réussissait à lui faire oublier ses craintes. Il apaisait son esprit, lui permettait de faire le vide dans sa tête. Grâce à cela, elle avait la sensation de pouvoir avoir une vie normale.
La seule chose qui l'inquiétait encore, c'était ses absences. Elle ignorait la raison de ce problème mais de temps en temps, elle perdait la mémoire. Incapable de se souvenir de quoi que soit, elle avait l'impression que son esprit était blanc. Elle savait tout de même que ces amnésies se produisaient le soir. En particulier quand ses séances se déroulaient juste avant la tombée de la nuit, au crépuscule. Dans ces moments, elle avait l'impression qu'une autre prenait sa place. Une personne similaire et différente à la fois.
Ce soir, une séance était justement prévue et sans savoir pourquoi, Alyce redoutait ce moment. Aujourd'hui elle n'avait pas confiance en elle ni en son thérapeute. Allait-elle réussir à surmonter cette énième absence ? Elle en doutait fortement. Pourquoi avait-elle peur de ne pas réussir ? Voilà une autre question sans réponse ? Si seulement elle était capable de se souvenir ? Si seulement sa mémoire ne lui faisait pas défaut, elle enfouirait cette peur insurmontable de l'échec dans un recoin de sa tête. Cependant, cela demeurait impossible. Et puis cette sensation d'inconfort, elle n'avait pas non plus envie de la ressentir.
Entre les mains du docteur, elle avait l'impression de n'être qu'une marionnette, un pantin qu'il manipulait à sa guise, un poupée sans âme et cela l'effrayait.
Ne réussirait-elle jamais à vivre une vie normale ? Aurait-elle toujours ce poids sur le cœur ? Qui sait, peut-être que pendant ses absences, ses accès de violences se manifestaient ? Il n'était pas rare pour Alyce de se retrouver à mille lieues de chez elle. Parfois, elle trouvait des taches écarlates sur ses robes, des griffures sur ses mains. Et si elle recommençait ? Si toute cette thérapie n'était qu'un palliatif ? Ou pire une illusion ?
Ô comme elle avait envie de redevenir la petite fille insouciante d'autrefois, comme elle avait peur de jamais être à la hauteur, comme elle aimerait se sentir libérée du poids de la peur de l'échec, comme elle aimerait savoir pourquoi la nuit elle faisait des cauchemars sanglants.
Malheureusement personne ne lui répondait. Et ce n'était surtout pas ce docteur dans sa blouse immaculée qui la renseignerait, non. À tout bout de champ et en particulier quand Alyce posait des questions qu'il appelait "indiscrètes", il invoquait le secret médical, le serment d'Hippocrate, prétendant qu'il faisait cela dans le but de la protéger de quelque chose qui l'effrayerait si elle l'apprenait.
L'heure fatidique venait de sonner, le docteur n'allait plus tarder à arriver. Au fur et mesure des secondes qui s'égrenaient, le sentiment d'inconfort augmentait, lorsque le heurtoir brisa le silence qui régnait dans la maisonnée, Alyce eut l'impression d'entendre sonner le glas. Elle frissonna, cacha ses mains derrière son dos, déglutit et ouvrit la porte à son détestable invité.
L'homme en face d'elle, relativement jeune, lui offrit un sourire glacial, qui ébranla Alyce. En son fort intérieur, un écho résonnait, la peur de l'échec venait de prendre le dessus. Cette fois-ci, elle ne réussirait pas... elle redeviendrait la petite fille phobique ce soir. La raison à cela ? Elle la méconnaissait...
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