Chapitre 8

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  • Ce nom ne te dit rien apparemment.
  • Non. En même temps, je ne suis pas une habituée de la ville de Paris même si j’y ai fait mes études. Je rentrais toujours avec un chauffeur, dis-je timidement.

J’avais à présent envie de disparaître. Vivre à Paris et ne pas connaître la ville. Franchement. On ne pouvait pas faire pire en matière de situation cocasse.

Il sourit.

  • Une vraie princesse ! J’habite dans le même immeuble, veux-tu que je t’accompagne ce soir ?

Quelle proposition alléchante !

  • Ce serait très gentil.
  • Je finis à 18 heures.
  • Je patienterai. De toute façon je dois aller chercher mes bagages et la concession n’est ouverte qu’à partir de 14 h. Je comptais m’y rendre dans les alentours de 17 h. Au fait, est-ce que je peux reprendre le dossier ? J’aimerais encore travailler dessus ce soir.
  • Bien sûr, tiens. On s’attend où ?
  • Dans le hall du commissariat, ça te convient ?
  • Pas de problème, à tout à l’heure.

Il me raccompagna à la porte. À ce moment-là, l’odeur de son parfum me parvint. Le même parfum que mon père ! Je le remerciai et sortis. En partant, je crus sentir son regard
sur mon dos. Balivernes ! Je devais sans doute rêver. Enfin, il allait me ramener chez moi et ça me faisait plaisir.

17 h 55, j’attendais dans le hall ; adossée au comptoir avec mes valises aux pieds. Les cinq minutes qui suivirent furent insupportables, puis pile à l’heure, Nathanaël arriva. Il me rejoignit directement, fit un petit signe à l’hôtesse d’accueil et à ses collègues, puis s’adressa à moi :

  • On y va ?
  • Oui.

Je soulevai mes bagages. Nathanaël demanda si je n’avais pas besoin d’aide. Je hochai la tête de manière négative. Mais il insista et prit la grosse valise. Nous nous dirigeâmes vers la sortie. Le trajet jusqu’à l’immeuble était assez court. Environ 15 minutes à pied. Pendant ce petit laps de temps, Nathanaël me montra quelques beaux bâtiments datant du 18e siècle et me conseilla sur les prochaines visites et les événements culturels. Je buvais ses paroles et ne répondais pratiquement pas. Qu’est-ce qui clochait en moi en ce moment ? Ça ne me ressemblait vraiment pas ; m’emballer à ce point pour un mec ! Mes histoires passées m’avaient en plus appris à me mettre en garde contre ce genre de sentiment et me poussaient normalement à me méfier. Mais je sentais chez lui quelque chose de différent. Déjà, il y avait ce courant électrique, celui que j’avais ressenti le jour de mon entretien. Et j’éprouvais aussi un autre truc, un lien invisible entre lui et moi. Et cela me déstabilisait beaucoup, car c’était la première fois que je vivais ce type de chose. Vraiment bizarre…

  • Nous sommes arrivés.

Voyant que je ne réagissais pas, il tenta :

  • Dis, tu m’écoutes ?

De retour sur terre, je répondis :

  • Oui, oui ! Nous sommes arrivés, c’est ça ? Merci beaucoup.

En fait, je ne l’avais pas du tout suivi. Je n’avais fait que le regarder en détail et vagabonder dans mes sentiments les plus intimes, rêvant à une potentielle histoire d’amour et de destin entre lui et moi. (En réalité, je ne savais pas, à ce moment-là, que ce que je venais de penser n’était pas très loin de la vérité.) J’en avais déduit que nous étions arrivés, lorsque je m’étais aperçue que nous nous étions arrêtés devant la porte d’un immeuble. Il me dirigea vers le concierge qui vérifia mes papiers et m’indiqua l’ascenseur. Nathanaël m’accompagna jusqu’à l’entrée de mon nouveau chez moi. J’introduisis la clef dans la serrure et ouvris le hayon, j’entrai la première. Nathanaël me suivit pour déposer les valises. Tout de suite après, comme gêné, il sortit sur le palier et me demanda :

  • Est-ce que ça va aller ?

Il était très proche de moi, beaucoup trop proche et ça faisait accélérer les battements de mon cœur. (Je n’étais pas cardiaque au moins ?)

  • O.. Oui, réussis-je à répondre tant bien que mal.
  • Bon alors je te laisse. J’habite au numéro 22, si tu as besoin, n’hésite pas. Même si tu n’en as pas besoin, murmura-t-il comme s’il se parlait à lui-même.
  • Tu as dit quelque chose ? Je ne t’ai pas très bien entendu.

Il rougit et se racla la gorge.

  • Non, je disais juste bonne soirée à demain. Et il détourna le regard.
  • Oh d’accord, bonne soirée, à demain.

Oui à demain.

Il fit quelques pas puis se retourna brusquement, ce qui me surprit :

Oui ?

Fut le seul mot qui sortit de ma bouche. J’aurais tellement souhaité parler plus…

  • Encore une chose, tu as envie d’aller au commissariat avec moi ? Je peux… venir te chercher ? demanda-t-il, hésitant.

Sa question me désarma. Je désirais vraiment me rendre au travail avec lui, mais en même temps je ne voulais pas ressentir cette sensation et encore moins le déranger. En plus, c’était mon supérieur, autrement dit, c’était juste ce qu’il fallait pour alimenter tous les « on dit » et autres bruits de couloirs de la police. (En même temps, quelle idée de tomber amoureuse de son boss). Je finis par refuser.

  • Merci, mais je dois passer à la poste avant d’aller travailler. Je dois envoyer un colis à mon père. Mentis-je.
  • Comme tu voudras. Une prochaine fois alors ?
  • Promis. Bonne soirée.
  • Bonne soirée.

Je le regardai partir, puis refermai la porte.


Le logement que l’on venait de m’attribuer était neuf et luxueux. J’avais environ 55 m² et une grande chambre. Salle de bain et toilettes séparées, ce qui était un réel plus. Je disposai également d’un petit balcon. Tout était peint en couleur lin. Le sol était recouvert, ce qui apportait de la lumière. Il y avait peu d’ameublements, mais il était neuf et moderne. On m’avait choisi un meublé à cause du coût du déménagement en avion. Le meuble de télé, la table, le buffet et la verrière étaient gris clair, pas de casquette de gendarme et très peu d’artifice. Les poignées se composaient de bois et étaient assorties à la couleur des mobiliers. Je disposais également d’un canapé en cuir beige que l’on avait placé à gauche de la fenêtre et face au meuble de télévision. J’avais fait revenir (puisque j’avais dû repartir précipitamment alors que je venais à peine de m’installer près de chez mon père) du Japon mon écran plat et avais demandé que l’on me l’installe avec un nouvel abonnement pour mon arrivée. Le délai avait été respecté et tout était branché. Je défis mon imperméable et le posai sur le porte-manteau à côté du meuble à chaussures dans l’entrée. Puis, j’enlevai mes bottes. Je fis le tour de la pièce. Elle était belle, mais elle manquait de personnalisation comme des cadres ou des vases. Je le notai dans un coin de ma tête. Une porte séparait la cuisine de mon salon-salle à manger. La cuisine était petite, mais très fonctionnelle, car tout équipée. Je n’avais plus qu’à faire mes courses. Je me dirigeai à présent vers la chambre. Elle était très grande et très lumineuse. Le lit deux personnes était en bois exotique et s’accordait avec la commode, le miroir et les deux tables de chevet. La porte d’à côté donnait sur une salle de bain moderne, peinte en marron glacé, carrelée en blanc cassé imitation parquet. La cabine était à l’italienne avec un pare-douche en verre fumé. Le pommeau était grand et en métal. Le sol était recouvert de galets. Une vraie salle de bain asiatique puisqu’il y avait également une baignoire à débordement et un petit évier. Je trouvai mon nouvel appartement réellement chic. J’allais me plaire ici. Je retournai dans le salon et m’assis sur le fauteuil. Il était ferme et confortable. Je repliai les jambes et réfléchis. Comment était celui de Nathanaël ? Ressemblait-il au mien ? Ou était-il bien plus masculin ? J’aimerais bien aller le voir. Mais bon, l’heure était au repas et au dossier et non pas aux divagations de la midinette qui dormait en moi. Je commandai une pizza par téléphone pour que l’on puisse me la livrer à domicile. Comme je n’avais pas encore eu le temps de faire des courses, le dîner diététique prendrait un jour de congé. Je me relevai et allai chercher la chemise en carton dans mon sac. Je me rassis et l’ouvris. Je me penchai sur les fameuses écritures et songeai. Quel genre de langage était-ce ? Une langue morte telle que le grec ou le latin ? Non, ça n’y ressemblait pas. Du gaélique ? L’alphabet runique ? Je n’avais pas assez de compétences là-dessus pour l’affirmer, mais j’avais la nette impression qu’il ne s’agissait pas de ces idiomes. Je me demandai ce que Nathanaël avait voulu insinuer en me parlant des écrits anciens et des langues disparues ou non connues. C’était étrange… je n’avais pas le sentiment d’avoir croisé ce genre de langage même dans les livres de théologies. Je n’étais pas non plus une spécialiste de ça, donc ce n’était que des suppositions et des hypothèses. Mais je savais intuitivement que ces messages nous mèneraient à un indice crucial pour attraper le tueur. Il fallait donc vraiment plancher là-dessus. Je réfléchissais et tentais de chercher dans ma mémoire des similitudes.


Et soudain, tout devint flou autour de moi. Je secouai la tête pour essayer de reprendre mes esprits, mais une terrible migraine me fit perdre connaissance. La nébulosité se transforma en brouillard et l’obscurité envahit mes pensées. Je me réveillai avec une sensation de lourdeur dans le crâne. Que m’était-il arrivé ? Étais-je en train de rêver ? Au loin, j’entendis un son. Je tendis l’oreille dans sa direction et écoutai attentivement. Le bruit se précisa. C’était une voix.

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