Chapitre 9

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  • Ma chérie, je t’en prie ! Ne renie pas ce que tu es ! Je suis très fière de toi et ne regrette pas mon dernier choix. Tu dois perséver, mon amour ! Apprends à croire et le chemin se révèlera à toi. Cherche bien, la réponse n’est pas loin. Il faut juste que tu retrouves ta mémoire.

Le noir disparut et la sonnette de mon appartement me renvoya à la réalité. Ça devait sans doute être le livreur. Tout en réfléchissant, je sortis un billet de mon portefeuille et allai ouvrir. Je tendis la monnaie au coursier et récupérai ma pizza. Quel était ce souvenir et qui était cette femme ? Pourquoi me demandait-elle de recouvrer la mémoire ? Et puis quelle mémoire ? Une chose était sûre, ce n’était pas, ma mère. (Du moins, c’est ce que je croyais) Elle ne ressemblait pas à cette personne et puis elle ne m’appelait jamais par des surnoms affectueux. Intriguée, je plongeai dans mes souvenirs pour tenter de retrouver ce morceau de vécu. Oui, je n’avais pas eu une enfance très heureuse. Mon père m’adorait et me passait tous mes caprices. Étant chef d’entreprise il n’avait pas beaucoup de temps à m’accorder. En plus, j’étais son bébé, sa fille unique. Un trésor très précieux comme il aimait le dire à cette époque. On m’avait alors confié aux « bons traitements de ma mère» ; or elle n’avait jamais montré d’affection à mon égard. Elle ne venait jamais me chercher à l’école et ne m’emmenait jamais faire les magasins. Elle embaucha donc une nurse pour prendre soin de moi, Elena. À mes yeux, c’était elle ma vraie maman. Cependant, on la renvoya le jour de mes 18 ans. Comme je venais d’entrer en études supérieures, je n’avais plus besoin que l’on s’occupe de moi. J’aimais beaucoup ma gouvernante et le temps de son départ fut une des journées les plus tristes de ma vie, même si en un sens je comprenais la décision de ma mère. Comme on dit, une fois n’est pas coutume. Je m’enfonçai un peu plus loin dans ma mémoire et ouvris un à un les tiroirs de mes souvenirs d’enfance. Ils n’étaient pas très heureux, mais avaient fait de moi ce que j'étais actuellement. Je les parcourais et voguais au milieu de toutes ces images du passé. C’est alors qu’une réminiscence bien plus marquante que les autres apparut. À cette époque-là, je devais avoir 7 ou 8 ans. Nous étions partis en promenade avec mes parents peu de temps avant Noël. Nous avions fait des courses pour les convives du 24 et il restait encore mon cadeau à acheter. Ils m’avaient offert une console que j’avais choisie et m’avaient fait promettre de patienter jusqu’à Noël pour pouvoir y jouer. Cependant, à l'instar de tout enfant qui se respecte, je voulais y jouer tout de suite. Je pleurais, je pleurais pour avoir ce jeu vidéo. Ma mère excédée, comme elle l’était souvent, me gifla et m’enferma dans ma chambre. Cette punition attisa davantage ma colère. Je lui en voulais à mort et j’étais triste de ne pas pouvoir m'amuser. J’étais terriblement frustrée et je ne savais pas comment me calmer. Petit à petit, l’ire augmenta et lorsqu’elle arriva à son paroxysme, les objets de ma pièce se mirent à tournoyer autour de moi et allèrent s’écraser sur les murs ou au sol. Ma mère, qui avait entendu les bruits, fit irruption dans ma chambre et resta figée devant cet étrange spectacle.

Après,c’était le brouillard. Plus rien, à part cette phrase blessante : « espèce de monstre. » Je revins dans le présent, le souffle court et les yeux embués de larmes.

Je pressai ma poitrine, tout en réprimant un frisson. Puis, j’inspirai et tentai de replonger dans ce tiroir, mais je ne réussis pas. C’était comme si un verrou avait été posé. Que pouvait bien cacher mon enfance ? Que s’était-il passé de si terrible dans mon histoire pour qu’on m’empêche de voir la vérité ? Et pourquoi ma mère me détestait-elle tant ? Y avait-il un rapport avec ma naissance ? Toutes ces questions sans réponses me terrorisaient. Je fermai les yeux et respirai. Les battements de mon cœur ralentirent et mon souffle se régularisa. Le calme revint petit à petit. Pour me changer les idées, je me relevai, me dirigeai vers les bagages et commençai à répartir les valises dans les différentes pièces. Il fallait également que je me couche tôt, car j’aimerais aller faire un peu de jogging. Enfin, le soir venu, j’irai faire mon premier plein de courses. À moi les légumes et les petits plats faits maison !

Le lendemain, je me réveillai à 7 h. Je revêtis mon caleçon de sport et partis directement en direction du parc urbain le plus proche. Je revins une demi-heure plus tard, m'accordai une douche et un petit déjeuner sur le pouce, puis quittai l’appartement pour me rendre au travail. Lorsque je descendis les escaliers, j’étais dans les nuages. Mes souvenirs, mes sentiments, cette femme et cette voix ! Tout se bousculait dans ma tête. Du coup, je n’avais même pas pris la peine de regarder devant moi. J’étais tellement présente sur Terre, que je finis par percuter quelqu’un et trébuchai. Heureusement pour moi, une main me rattrapa par la taille. Au premier abord, je ne reconnus pas mon sauveur. Ce n’est que lorsque j’entendis le son de sa voix, cette voix si grave et profonde qui me faisait vibrer que je compris qui m’avait récupérée de justesse :

  • Est-ce que ça va ?

Nathanaël me tenait par les hanches, l’air gêné. Décidément, la seule personne susceptible de me perturber encore plus se trouvait à moins de 10 cm de moi. Je commençai vraiment à croire que le destin se riait de moi. Le sentiment étrange se réveilla :

— Oui ça va, merci.

La sensation de sa main sur mon bassin me fit perdre la tête. Essayant de me reprendre, je tentai de me libérer de son étreinte. Autant dire que c’était inutile.

  • On se croise souvent ces derniers temps ! souffla-t-il au creux de mon cou.

Un peu trop pour mon pauvre cœur à mon avis.

  • Oui, c’est vrai. Répondis-je frissonnante.
  • C’est peut-être le destin ?

Je rougis.

  • Ne sois pas stupide, voyons ! Nous habitons dans le même immeuble, c’est normal que l’on se rencontre. Bégayais-je.

Il sourit, mon pouls accéléra :

  • Tu vas au travail ?
  • Oui, je dois me dépêcher, je suis en retard.
  • Moi non plus, je ne suis pas à l’heure. Cependant, c’est monnaie courante chez moi. Alors je te renouvelle ma proposition d’hier : veux-tu que je t’accompagne ? Quoi de mieux, comme excuse, que d’expliquer que tu as croisé ton boss sur la route. Demanda-t-il en me relâchant tout doucement pour me remettre sur les pieds.

En effet, le chef ne risquait pas de me passer un savon pour mon retard. C’était un fait, je ne pouvais pas le nier. Avais-je vraiment le choix ? Question rhétorique bien sûr !

  • Vu les circonstances, ça va être difficile de refuser, rétorquai-je en croisant les bras.
  • J’étais sûr que tu changerais d’avis. Me dit-il rayonnant.

Et voilà j’avais jeté l’éponge. En même temps comment voulez-vous résister à ce genre de sourire. Surtout lorsque vous êtes conscient que la personne qui se trouve en face de vous est bien loin de vous laisser indifférent. Nous sortîmes de l’immeuble et nous dirigeâmes vers le commissariat. Il était 8 h 45, lorsque nous arrivâmes. Nos collègues furent d’ailleurs surpris de nous voir ensemble. Nous nous quittâmes dans le hall d’accueil. Lui regagna son bureau et moi les vestiaires.

La fin de la journée se déroula rapidement. Un nouveau meurtre avait été signalé. C’était une jeune fille semblable aux autres. Elle portait les mêmes traces sur le corps et le même langage avait été utilisé. Cependant, un détail allait sans doute pouvoir nous aider dans notre enquête. Le médecin légiste du commissariat, lors de ses premières conclusions sur l’heure du décès et ses circonstances, avait découvert un bout de métal dans une des plaies. Cette pièce avait été envoyée au laboratoire pour une analyse approfondie, ainsi que pour déceler d’éventuelles marques d’ADN qui pourraient nous mener sur la piste de ce tueur en série. En début de soirée, nous avions seulement compris que le petit bout de métal appartenait à l’arme du crime. Rien sur le métal ni sur la potentielle arme. On avait quand même trouvé de minuscules morceaux de ce métal dans les plaies et dans celles des autres victimes. Un des lieutenants m’apporta le rapport du légiste. Je le mis directement dans mon dossier et le rangeai dans mon bureau. Nathanaël ne rentrait pas avec moi ce soir, il avait rendez-vous avec une amie. Je décidai donc de partir tôt et de prendre des nouvelles de mon père. Ce qui me ferait le plus grand bien.

En sortant, je vis Nathanaël appuyé contre un arbre. Pour une raison que j’ignorai (vraiment ?) je m’arrangeai pour ne pas passer devant lui. Néanmoins, je le regardai une dernière fois et aperçus une étrange expression sur son visage, il n’avait pas l’air dans son état normal. À ce moment, une petite brise se leva et emporta les effluves de mon parfum. Lorsqu’elles effleurèrent sa figure, il se retourna. Ses prunelles azur croisèrent les miennes. Le temps s’arrêta un instant. Puis, comme s’il était embarrassé, il se massa la nuque et m’adressa un sourire timide que je n’avais jamais vu. Je lui répondis par un discret signe de la main et disparus derrière les bâtiments sentant encore son regard sur moi.

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