Prologue, partie III
A une centaine de mètres, le moine aperçut une lourde porte en bois. Il retenait sa capuche à cause de la bourrasque mais d’un pas déterminé il martela de toutes ses forces jusqu’à ce qu’un homme en coule muni d’une lanterne lui ouvrit péniblement.
- Bon retour, frère John. Reposez-vous, mangez et…
Le vieil homme l’arrêta en réclamant impérativement une audience auprès de l’abbé.
- Quelle est la raison ? Il est occupé par la préparation de la Saint Jean. Personne ne doit le déranger.
- C’est à propos d’une étrange trouvaille.
- Vous pouvez donner votre message à David, il est son messager durant son absence.
- Je ne peux pas, je ne peux pas, c’est impossible, elle a demandé seulement l’abbé.
- Modérez votre langage, que vous est-il arrivé en dehors de l’abbaye ?
- Maintenant, j’exige de le voir sur le champ.
- Allez manger et vous changer. Avant, vous irez expier vos pêchers.
Il fit ce que le moine lui avait demandé mais il n’alla pas prier. Il se faufila dans la salle où se terrait l’abbé. Celle-ci était seulement éclairée par une lampe. L’abbé était en train de dormir, et l’arrivée de John l’avait réveillé.
- Que faites-vous ici ? Qui êtes-vous ? Oh, c’est vous, John. Vous êtes déjà rentré de votre ridicule aventure.
-Ridicule, abbé Peter vous aviez raison. En fin de compte, ce n’est pas pour moi. Lors de mon périple, j’ai fait une étrange découverte dans une forêt près de Cymru dit-il en sortant de sa sacoche, sa boule de poils.
- Tant mieux que vous ayez repris vos esprits, montrez-moi cette boule de poils, fit-il en tendant la main.
- j’ai les trouvé sur un corps mort il y a plusieurs hivers. Ils n’ont pas vieilli d’un jour.
- Je vous ai demandé de me les donner haussant le ton en tendant une nouvelle fois sa main.
-Oui, où avais-je la tête ? Tenez dit-il en la donnant avec une certaine hésitation.
- Qu’avez-vous trouvé ? Pauvre fou ! dit-il en les lâchant par terre, laissant apparaitre une brulure.
John se pencha pour la remettre dans sa sacoche mais il fut brulé à son tour.
- Qu’ont été vos premières actions ? s’emporta Peter.
- Je me suis repu et je me suis changé, puis j’ai aspergé mes mains d’eau.
- De l’eau Bénite, s’exclama-t-il. C’est de l’eau bénite ! ce sont donc des poils de démons. Je n’ai pas beaucoup de temps avec la préparation de la Saint Jean. Allez donc prévenir vos confrères qu’une lettre doit être envoyée aux exorcistes. Je les garde avec moi.
- Je ne veux pas me séparer de mes poils, c’est ma trouvaille, mon trésor, ma précieuse découverte fit-il en se précipitant en direction de ceux-ci.
-John, calmez-vous ! Vous n’êtes pas vous-même. Je vais les garder pour votre propre bien.
- Les garder ! je les ai trouvés, ils sont à moi !
Soudain, John haleta et dit :
- Je suis désolé mon père, je-je ne voulais pas, gardez-les en sureté avant que je ne change d’avis » et partit brusquement de la pièce. Il ne bougea pas, récupérant son souffle mais la voix usa de cette faiblesse. Il s’élança sur Peter en disant que c’était à lui, rien qu’à lui. Paralysé par la peur, Peter se réfugia dans le coin du mur.
- John ! Vous ne pouvez pas ! C’est une offense.
C’est alors que John prit une chaise et frappa à répétition en le maculant de sang son visage et sa coule. Lorsqu’il arrêta, le corps de Peter était inerte, son crane fissuré en deux, son estomac ressortait de ses entrailles.
- Non Non, pourquoi ? Pourquoi ? C’est la voix répéta-t-il en tournant en rond à chaudes larmes.
Pendant une fraction de secondes, le vieil homme démuni vit naitre en lui une force. C’était le 22 juin 1295, deux jours avant la Saint-Jean qu’un moine assassina brutalement l’abbé Peter. Son instinct avait dépassé sa culpabilité, il jeta le corps par la fenêtre. Aucun de ses confrères n’avait entendu la chute à cause du bruit assourdissant de la pluie.
John resta immobile durant de nombreuses minutes, en ayant une respiration altérée. Au bout d’un moment, après une longue hésitation, il sortit de la pièce. Tremblant et craintif, il regarda aux alentours, seuls le vent et la pluie lui tenaient compagnie. Dans son élan de folie, il se rua à l’écurie puis il détacha en vitesse un cheval sans se préoccuper du reste. La porte se trouvait à présent à proximité, une liberté certaine, loin de son crime, il la poussa provoquant un vacarme.
Il galopa, effrayé, galopa, rassuré, galopa, pleins de doutes. Depuis cette nuit fatidique, John disparut et l’abbaye tomba en ruine sans que quiconque vienne les aider. Nul ne sut réellement ce qui avait causé sa destruction. Le corps de l’abbé fut retrouvé par Frère David faisant sa promenade matinale. Peter fut enterré dans le cimetière, sans grande cérémonie.
Fin du prologue
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