Chapitre 1 : Bonnes Vacances
Plus qu’une heure de cours et… vacances.
Là, je suis avec James. Mon meilleur ami. On est dans le couloir et on attend que la professeure, Mme Kouvich, nous ouvre.
Les blagues nous font passer le temps.
À peine la porte entrouverte, un flot d’élèves jaillit de la salle en courant et en poussant des cris débiles. Ils ont de la chance. Déjà fini.
Attendant que les retardataires ainsi que les malentendants ou extraterrestres n’ayant pas entendu le doux son de la sonnerie de la libération se décident à sortir, Mme Kouvich s’impatiente.
Le dernier enfin dehors, elle esquisse un sourire satisfait et nous fait entrer.
- Deux par deux et en SILENCE !
Une fois tous dans la salle, Mme Kouvich nous fait son discours habituel sur la propreté dans la classe. Certains pourraient croire que ses lunettes lui servent à mieux voir de loin. D’autres argumenteraient qu’elle les porte pour améliorer sa vue de près. Faux ! Leur véritable usage consiste en fait à repérer le moindre grain de poussière récalcitrant et à le pulvériser instantanément d’un puissant et unique regard méprisant.
Le cours se déroule sans accroc.
Mis à part deux élèves qui se font reprendre à plusieurs reprises pour cause de ”bavardages incessants”.
Des exercices incompréhensibles de grammaire et d’ultimes efforts de patience plus tard, nous sommes libres. Avec James, on se précipite au dehors, à toute allure dans les escaliers. C’est la consécration. Comme ceux qui, une heure plus tôt, nous paraissaient si bêtes, on passe en mode demeurés de l’extrême.
Sur le chemin du retour, on discute de tout et de n’importe quoi. Les teintures extravagantes de Delilah, la pouffiasse de service, le gars qui est toujours assis tout au fond de la cantine et qu’on ne voit jamais sortir, nos pronostics pour qui sera le premier de la classe à se prendre une heure de colle après les vacances…
Bientôt, on se sépare et je lui souhaite de bonnes vacances.
D'habitude, il continue de m’accompagner jusqu’à chez moi mais là il doit se dépêcher parce qu’il part ce soir.
Il fait déjà nuit !
Après tout, c’est la dure loi de l’Hiver. À peine 18 h qu’on se croirait dans un puits de pétrole. Encore heureux que la Lune existe. Je me dépêche de rentrer, en pensant au bon repas que ma mère allait préparer.
Arrivé devant, j’ouvre la porte d’entrée, assailli par la chaleur de la maison. À l’intérieur, un bon feu brûle dans la cheminée.
Je grimpe à l’étage pour retrouver ma chambre.
- Eh bien ! On ne dit plus bonjour ? s’exclame ma mère depuis en bas.
- Bonjour Maman ! crié-je
- Viens m’aider en cuisine.
Je pose mes affaires en vrac et descends la rejoindre aux fourneaux.
- Les Fauvin viennent manger ce soir, annonce-t-elle. J’espère de toi que tu leur réserves le meilleur des accueils. C’est d’accord ?
- C’est d’accord.
Est-ce que Juliane viendra ?
- Oui, Juliane sera là.
Tiens, découpe-moi ces tomates.
- Ok.
Je vais sortir la planche à découper.
- Anto ?
- Oui Maman ?
- Tu me promets que vous n’allez pas passer la soirée cloîtrés dans ta chambre ?
- Maman…
- Ah ! Tu dois me promettre ! Ou alors… pas de chips !
- Tu peux pas faire ça ! Tout le monde aime les chips !
- Et moi, je t’aime encore plus, réplique-t-elle tout en me faisant un énorme câlin. Alors tu vas me faire le plaisir de ta présence !
- D’accord, je te promets.
- Comment ? Je n’ai pas entendu.
- Je te promets Maman, répété-je en riant. Relâche-moi maintenant.
- Et le mot magique ?
- Madame Maman, auriez-vous l’aimable amabilité ainsi que l’obligeance de me rendre ma capacité de mouvement ? M’étant utile au quotidien, je vous en saurais gré de bien vouloir considérer cette offre et à jamais reconnaissant en cas d’acceptation. En vous remerciant d’avance, énoncé-je avec une pointe de sarcasme.
- Vooooooooilà, accepte-t-elle en mettant fin à son étreinte.
Bon. C’est pas tout ça mais le manger ne va pas se faire tout seul ! Je vais mettre le poulet au four.
Sur ces mots, elle procède à l’enfournement de la viande et de ses condiments.
- En attendant qu’il cuise, on va s’atteler au dessert.
- Qu’est-ce que ça va être ? questionné-je, déjà affamé rien qu’à l’idée d’un dessert.
- On va faire de la mousse au chocolat.
- Cool !
La mousse au chocolat, c’est un délice. Surtout quand c’est ma mère qui la prépare.
Comme cuisinière, elle est géniale. Elle est forte dans tout ce qu’elle fait. En fait c’en est presque à se demander s’il y a quelque chose qu’elle ne sait pas faire. Au salon de coiffure, tout le monde la demande. Les gens l’ont même surnommée Francesca aux mains d’argent.
Il y en a qui disent que coiffeur n’est pas un vrai métier. Elle, elle s’en moque. Ils ne l’ont pas vu à l’oeuvre. Elle fait ça ”par passion”. Elle n’irait pas gaspiller son énergie à dire leurs quatre vérités à ces enquiquineurs. Et puis elle ne s’énerve presque jamais. Même quand je rentre avec un 9/20.
Elle se contente de regarder la feuille et de soupirer : ”Elle est vraiment sévère cette Mme Kouvich. Elle aurait pu te mettre la moyenne.”
Elle a vraiment le sens de l’humour.
Franchement, je peux m’estimer heureux d’avoir une mère comme ça. Je veux dire, j’ai aussi de bons amis et on s’amuse beaucoup ensemble mais… Je ne vois juste pas ce que serait ma vie sans elle.
Je ne serais sûrement pas né de toutes façons.
Elle me dit souvent : ”Tu verras, un jour, il y aura quelqu’un qui comptera pou toi encore plus que moi. L’amour de ta vie. Il faudra que tu en prennes soin et que tu ne le laisses pas s’en aller.”
Ce jour là n’est pas encore arrivé mais je ne m’en plains pas. Après tout, je n’ai que 13 ans. Je ne suis pas inquiet à ce sujet. J’imagine que tout vient attendre à qui sait à temps.
Ou un truc du genre…
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