- Adaptation -

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Lundi 4 septembre 1995, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.

Ils avançaient en catimini. Si l’un des professeurs les attrapait dans le coin, ils seraient aussitôt soupçonnés de fomenter une bêtise. Après tout, ils avaient suffisamment fait gronder le personnel de l’École ces trois dernières années pour que leur moindre geste soit suspicieux.

Ethan se pencha à l’angle du mur, inspecta le couloir qui menait à la salle des profs. Dans son dos, Mike triturait les cordons de son sweat à capuche. Ethan était plus doué que lui pour s’assurer que la voie était libre. Ça commençait par le physique : même s’il était en poussée de croissance, Ethan n’atteignait pas encore le mètre quatre-vingts de son ami. Il suffisait parfois à Michael de se pencher pour que ses épaules larges dépassent.

— Rien à signaler, chuchota Ethan en se redressant. T’as bien les clefs ?

— Mais oui, allez, avance.

Ethan ne se fit pas prier. Ils remontèrent le couloir sur la pointe des pieds, jetant régulièrement des coups d’œil par-dessus leurs épaules. Ethan n’entendait presque pas la respiration lourde de son ami dans son dos à cause des battements de son cœur. La rentrée avait eu lieu la semaine dernière et s’ils se faisaient attraper aussi tôt dans l’année…

— T’es sûr que M. Winfrey a pas capté, hein ?

Les iris argentés de Michael se voilèrent d’une ombre d’irritation. Il adressa un geste agacé à son compagnon pour lui faire signe d’avancer.

— Rien du tout. Il matait trop les seins de Mme Kostas pour voir que je fouillais son sac.

— Faut être un foutu dégénéré pour mater Mme Kostas.

Les deux adolescents échangèrent un grognement commun d’écœurement. Leur professeure de grec moderne, stricte et austère, n’était pas très populaire auprès des élèves.

Mike se chargea de déverrouiller la porte. Ils étaient restés dans les couloirs pendant deux heures pour s’assurer que tous les professeurs étaient partis. Les lumières étaient éteintes lorsque Michael poussa le battant. Il échangea un regard complice avec Ethan, qui le suivit sans tarder dans la salle des profs.

Ils refermèrent derrière eux avant d’enclencher l’interrupteur. Les flashs de lumière révélèrent une pièce de la taille de leurs salles de classe. Elle était encombrée de canapés, de tables basses et d’un espace cafétaria. Une table calée contre un mur supportait des flyers et dépliants pour des associations, des universités ou des clubs d’activités extérieurs à l’École. Ethan les parcourut rapidement du regard tandis que Mike s’avançait vers les distributeurs.

— Pouah, ils se mettent bien les profs ! Ils ont vachement plus de choix que nous.

Son ami se tourna vers lui avec un sourire.

— Tu penses qu’à la bouffe, Mike.

— C’est essentiel dans la vie, mon vieux.

Ethan quitta la table de documentation pour s’approcher des casiers. Les profs aussi en possédaient, pour déposer quelques effets personnels. Certains étaient protégés par des cadenas. Des papiers glissés sous des cadrans en plastique indiquaient à qui appartenait le casier. Ethan les parcourut jusqu’à tomber sur celui de Mme Kostas. Il sourit en hélant son ami.

— Mike, viens voir ! On a de la chance, la harpie met pas de cadenas à son casier.

Une fois à sa hauteur, Mike fit glisser son sac à dos de son épaule et l’ouvrit. Une demi-douzaine de pots en plastique étaient entassés à l’intérieur. En les sortant, Michael fit tomber la pince qu’il avait subtilisée à la responsable de l’étage. Elle aurait servi au cas où Mme Kostas possédait un cadenas. Les deux amis se répartirent les pots en plastique avant de s’acharner sur les ouvertures. Ils n’avaient pas forcément l’éternité devant eux pour agir.

— J’espère qu’elle va kiffer, souffla Mike en sortant le contenu du pot pour le déposer à l’intérieur du casier, sur une pile de manuels scolaires.

Ethan ne tarda pas à le rejoindre, Bientôt, l’intérieur du casier fut rempli d’un amas rose sucré et collant. L’avantage de la barbe à papa, c’est qu’elle ne bougerait pas d’un cheveu d’ici le lendemain matin, quand leur professeure viendrait récupérer ses affaires.

— Bien joué, vieux, lança Mike en fermant la porte du casier. T’as eu une idée de folie.

La porte de la salle des professeurs s’ouvrit. Les deux amis sursautèrent avant de se tourner derechef vers l’entrée. Un adolescent au souffle court les dévisageait.

— M. Cross arrive, faut dégager !

Ils ne se firent pas prier. Mike referma son sac avec hâte avant de le jeter sur son épaule. Ethan se dirigea à pas rapides vers la porte.

— Merci, Ed.

Son frère l’observa avec gravité entre ses rangées de cils noirs. Il n’approuvait pas les manigances de son jumeau, encore moins depuis que leurs méfaits prenaient une ampleur pareille.

— Vous allez vous faire renvoyer, gronda-t-il à voix basse tandis que Mike verrouillait la porte avec des doigts tremblants.

Les trois adolescents se hâtèrent vers le couloir le plus proche. Avant de l’atteindre, Michael roula des yeux puis grommela :

— Ils peuvent pas nous renvoyer, on a nulle part d’autre où aller.

Une silhouette imposante, rigide, leur barra le chemin à l’angle. Pataud sur ses grandes jambes auxquelles il n’était pas habitué, Mike lui rentra dedans.

— Aller où, mes colombes ?

Même s’il n’avait pas encore la trentaine entamée, M. Cross avait le crâne lisse et des traits marqués. En remarquant son rictus narquois et son regard tranchant, Mike geignit puis recula derrière les jumeaux.

— Qu’est-ce que vous faites là ? embraya le professeur en les lorgnant tour à tour. Ce couloir mène à la salle des profs et c’est tout.

Comme Ethan et Mike restaient stoïques, blêmes et paniqués, Edward ouvrit la bouche.

— En fait, monsieur, on…

— Ils m’ont rendu service !

Les trois amis et leur professeur se tournèrent vers la jeune fille qui venait d’arriver. Sous ses cheveux blonds en désordre, son expression embarrassée était manifeste.

— Il y a des toilettes au bout du couloir, expliqua-t-elle du bout des lèvres. Je sais qu’on a pas le droit d’y aller, que c’est pour les profs, mais… Y’avait trop de monde pendant la pause entre les cours et j’y suis allée.

— Empkin… murmura Cross en la considérant d’un air soupçonneux.

— Je sais, désolée ! C’était exceptionnel, monsieur, promis.

Le prof chassa ses excuses d’un geste de la main impatient.

— Je m’en fiche, Grace, c’est pas le souci. Je veux savoir ce que ces trois zigotos fabriquaient là-bas.

Alors que les garçons s’étaient détendus après l’arrivée de leur amie, ils se crispèrent de nouveau. Mike tripotait furieusement les cordons de sa capuche.

— Eh bien, justement, reprit l’adolescente en s’approchant du trio. Quand je suis allée aux toilettes, j’ai oublié ma clé de chambre dans la cabine.

Les yeux sombres du professeur se plissèrent, son expression se fit plus acérée.

— Comment c’est possible, ça ?

— Je cherchais des trucs dans mon sac et je l’ai fait tomber, expliqua-t-elle d’un ton sourd. Euh, vous savez, des trucs de filles. Et j’ai demandé aux garçons d’aller récupérer ma clé, j’avais peur de tomber sur un prof…

M. Cross inspira longuement par le nez avant de soupirer.

— Allez, c’est bon, filez.

Alors que les trois amis contournaient leur professeur pour déguerpir au plus vite, Cross retint la jeune fille par le bras.

— Grace, tu es bonne élève. Et apparemment une bonne amie aussi. Je sais que tu as menti.

Comme elle pâlissait sous sa frange blonde, le professeur desserra sa grippe.

— Je dirai rien. Mais évite de mentir pour eux à l’avenir, ils le méritent pas.

Cette fois empourprée de honte, Grace se contenta de hocher la tête. Son professeur la regarda partir avec un nouveau soupir.

Une fois que les adolescents furent suffisamment éloignés de leur professeur, Ethan se tourna vers Grace. Un mélange de honte et de dépit le faisait grimacer.

— Grace, c’est sympa, mais t’aurais pu te faire punir par le prof…

— Un merci suffit, répliqua-t-elle en levant les yeux au plafond.

— Merci, chuchota Mike avec une moue penaude.

Edward les considéra avec lassitude. Combien de fois avait-il prévenu son jumeau une poignée de secondes seulement avant que les choses dérapent ? Combien de fois avait-il retrouvé son frère chez la directrice et soupiré de soulagement en apprenant qu’il n’était pas viré ? Combien de fois encore avant la dernière fois ?

— Ethan, Mike, reprit Ed d’un ton rauque, faut arrêter. Les profs sont sympa avec nous, parce que… parce qu’on…

— Ni la directrice ni les profs oseront jamais s’en prendre à vous, le coupa Michael avec un sourire mutin. Les gosses de la fondatrice sont un sacré sésame.

Son partenaire de cachoteries – et de cours – lui asséna un coup de coude inoffensif.

— La ferme.

— Mike a raison, soupira Edward en se calant contre le mur. Mais toi… t’es pas protégé comme nous. Alors tu devrais pas suivre Ethan dans toutes ses bêtises.

— Oh, dans ma grande modestie divine, je dirais que c’est plutôt moi qui mène le jeu, souffla Michael d’un ton exagérément suave.

Les jumeaux roulèrent des yeux tandis que Grace s’esclaffait. Quand chacun eut retrouvé son sérieux, Edward considéra ses interlocuteurs avec une grimace.

— Je suis sérieux, les gars. Je comprends que… ce que vous faites. Chacun sa façon de passer le temps. Mais… abusez pas non plus.

Ethan avait la tête tournée dans la direction opposée, mâchoires crispées. Sa façon de l’ignorer arracha une étincelle de fureur à Ed, qu’il éteignit aussitôt.

— L’École a fait plein de choses pour nous, continua-t-il en dévisageant son frère. C’est pas bien de leur cracher à la gueule.

— On a compris, Edward, grommela Ethan en tournant les talons. Allez, à plus.

Sans chercher à poursuivre la discussion, Mike et Grace lui emboîtèrent le pas. Découragé par leur insouciance, Ed ramena ses mèches longues en arrière. Depuis trois ans qu’ils fréquentaient l’École, rares avaient été les jours où son frère ne s’était pas plaint ou rebellé. Ed avait eu beau lui rappeler leur chance, Ethan s’était entouré de compagnons qui pensaient comme lui. Difficile de le faire changer d’avis dans ces conditions. Sans compter que Michael, derrière ses airs bonne pâte, détenait un aura fédératrice indéniable. C’est lui qui avait entraîné Ethan dans leurs premières bêtises. Si Mike les avait fréquentés autant l’un que l’autre les premiers mois, sa préférence pour Ethan avait fini par devenir évidente. Ravi d’être au cœur de l’attention de quelqu’un, l’intéressé s’était jeté corps et âme dans cette nouvelle amitié. Edward avait rapidement changé de chambre pour laisser sa place à Mike, tout comme il s’était cherché un nouveau binôme pour les cours. Par certains côtés, c’était mieux ainsi, que chacun trace sa route. Il était parfois suffisamment difficile d’être jumeaux, si semblables, pour qu’ils soient en plus indécollables. Et pourtant… Ed se sentait brûler de l’intérieur quand il réalisait à quel point son frère avait changé. À quel point l’École et ses nouvelles fréquentations l’avaient changé.

Le petit frère qui n’osait jamais rien dire ou faire s’était envolé. Et Edward n’était pas complètement certain d’aimer ça.


La cuisine commune du deuxième étage était bondée. Une demi-douzaine de filles d’une quinzaine d’années s’étaient rassemblées sur les chaises hautes. Deux adolescents de dix-sept ans occupaient les plaques de cuisson. Quant aux plans de travail, ils étaient si encombrés que le peu de place disponible devenait soudain décourageant.

Maria soupira, son sac de légumes à la main. Elle avait eu l’intention de se préparer une salade froide de tomates, carottes et oignons, mais sa chambre serait tout aussi pratique. Bougonne, elle fit demi-tour pour remonter le couloir. On ne lui avait pas encore attribué de colocataire, mais elle appréhendait le jour où Mme Jekins viendrait la voir. Maria craignait de tomber avec une fille invivable. Pourquoi avait-elle accepté de vivre à l’internat, déjà ?

Elle se permit un sourire ironique en enfonçant sa clef dans la serrure. L’année dernière, elle avait suivi les cours tout en vivant avec sa mère, à Down-Town. L’ambiance était devenue si toxique à la maison que mère et fille avaient fini par se mettre d’accord : Maria irait à l’internat de l’école de S.U.I pour sa deuxième année.

Sa chambre avait le parfum du bouquet de dahlias et de glaïeuls qu’elle s’était constitué le week-end précédent. Le fleuriste qui se trouvait à cinq minutes à pied de l’appartement de sa mère lui donnait régulièrement des plants endommagés ou des fleurs impopulaires. Les pétales multicolores égayaient un tant soit peu la pièce fonctionnelle où elle passait ses nuits.

Maria dut pousser quelques cahiers de son bureau pour trouver la place de préparer son dîner. Elle avait prévu un peu de vaisselle pour ce genre d’occasion. Comme la soirée était douce, elle s’installa à la fenêtre pour déguster sa salade. Les cigales chantaient dans le coucher de soleil.

La vaisselle était déjà terminée lorsqu’on frappa à la porte. Perplexe, Maria considéra sa tenue, grimaça, puis se hâta quand les coups redoublèrent. Elle espérait que ça ne soit pas très important, comme elle avait déjà enfilé son pyjama.

Une masse de boucles brunes nimbées par la lumière dorée des appliques murales se dressèrent pour révéler un visage souriant. Muette, Maria considéra le garçon sur son pas de porte, sa silhouette mince et les valises à ses pieds.

— Euh, Maria ? souffla-t-il d’un air hésitant – il avait un accent marqué. Je suis bien à la chambre 206 ?

— Oui.

— Je m’appelle Adrián, je suis ton coloc !

Il le déclara d’un ton enjoué, avec un énorme sourire – le plus rayonnant que Maria ait jamais vu. Stupéfaite, elle cligna des yeux avant de trouver le courage de bredouiller :

— M-Mais… t’es un garçon.

— Apparemment, oui, souffla-t-il en lorgnant son corps de la poitrine aux orteils.

Consciente de l’étrangeté de sa remarque, Maria rougit puis expliqua :

— Je croyais que la mixité était pas possible dans les chambres.

— Oh ! Je sais pas trop. Je suis nouveau. Je devais arriver la semaine dernière, mais j’ai eu un problème d’avion. On m’a dit que je devais dormir dans cette chambre le temps qu’on me trouve une solution.

Soulagée, Maria soupira puis recula d’un pas pour lui ouvrir le passage.

— T’as besoin d’aide ?

— Nan, t’inquiète, j’ai de super biscotos !

Maria considéra les bras maigres de son nouveau colocataire, mais n’osa pas faire la moindre remarque. Elle l’aida quand même à porter un sac avant de refermer la porte. Planté au milieu de la chambre, Adrián considéra les environs sans cesser de sourire. Puis il huma en fermant les yeux derrière ses lunettes à montures noires.

— Ça sent bon.

Maria esquissa un sourire crispé avant de se diriger par la fenêtre. Même si le nouveau venu semblait sympa, elle aimait profiter seule de quelques instants suspendus. Comme respirer l’air frais en regardant le soleil disparaître. Adrián la suivit des yeux avant de demander :

— Les fleurs, c’est toi ?

L’adolescente n’osa pas répondre dans l’immédiat, la gorge nouée. Maria savait ce qu’il allait dire. Qu’avec ses vêtements larges qui camouflaient son corps et ses cheveux coupés à la garçonne, elle n’avait pas l’air d’une fille qui aime les fleurs.

— T’as bien choisi, en tout cas, conclut Adrián sans chercher à la relancer. J’aime bien les fleurs, moi aussi. Là, c’est des dahlias, hein ? Et des… gladiolos ? Comment tu dis en anglais ?

Maria se tourna vers lui bouche bée. Face à son air ahuri, Adrián éclata de rire.

— Ouais, je sais, un garçon, ça s’en fiche des fleurs. Mais moi, j’aime bien. (Avant que Maria ait pu dire quoi que ce soit, il enchaîna d’un ton enjoué :) D’ailleurs, mon nom de famille, c’est Flores. Ça veut dire « fleurs » en espagnol !

Comme sa nouvelle colocataire ne disait toujours rien, Adrián se calma puis se laissa choir sur le lit. Il observa Maria un moment avant de souffler :

— Désolé, j’ai l’impression que j’arrive en cassant quelque chose chez toi. Je sais pas trop comment l’expliquer. (Il lui tendit la main.) On la refait ? Je m’appelle Adrián Flores. Je suis ton nouveau colocataire temporaire.

Avec des gestes mesurés, Maria se décolla du rebord de fenêtre avant de se redresser. Elle attrapa la main de Adrián avec un sourire réservé.

— Maria.

Quand ils eurent tous les deux récupéré leurs mains, Adrián souffla :

— Tu as un drôle d’accent. Tu viens d’où ?

— D’ici. Mais mon père est Britannique et j’ai pris un peu son accent. Ma mère est Italienne et on parle qu’italien ensemble, alors ça doit pas aider. Et toi ?

— Mexique. J’ai pu participer à un programme international.

Quoique peu habituée à faire la conversation, Maria était sincèrement intéressée par le parcours de l’adolescent. Les mains coincées entre ses cuisses, elle hocha la tête.

— Bon, je t’embête pas plus, sourit Adrián en se redressant. Tu pourras m’apprendre le nom des fleurs ?

Maria acquiesça avec vigueur, trop gênée pour parler. C’était bien la première fois qu’on ne se moquait pas d’elle en découvrant sa passion. Avant qu’Adrián puisse s’enfermer dans la salle de bains, elle lança :

— Je te ferai visiter l’École, demain. Si tu veux.

Les yeux bruns d’Adrián s’éclairèrent dans la pénombre. Ses dents blanches ressortaient sur sa peau halée.

— Je veux bien.

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