- Famille -

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Samedi 14 mai 2011, Dourney, Modros, Californie, États-Unis d’Amérique.

Maria observait le jardin par la baie vitrée du salon. Non, pas le jardin. Son jardin. Leur jardin. Le printemps était arrivé et Maria rêvait déjà de planter des boutures, des bulbes et des fleurs multicolores. Avec un sourire, elle cala la main contre la vitre. Ce n’était que le début, ils avaient emménagé il y a deux semaines. Un peu moins pour Maria, qui n’avait rejoint sa nouvelle maison qu’en sortant de la maternité.

Un poids contre sa jambe lui fit baisser les yeux. Son fils avait passé un bras autour de sa cuisse et tapotait la vite de l’autre, en écho aux gestes de sa mère. Il devait se languir de jouer à l’extérieur. Malheureusement, la balançoire que ses parents lui avaient promise n’était pas encore installée.

— On ira jouer après le repas, lui annonça Maria en italien.

— On mange quand ?

— Dans dix minutes, mon chéri.

Jeremy soupira, ce qui arracha un sourire à la femme. Tout juste quatre ans et il soupirait déjà aux oreilles de ses parents. C’était encore plus le cas depuis que sa sœur était née une dizaine de jours plus tôt. S’il oscillait généralement entre curiosité et indifférence pour ce nouveau membre de la famille, il lui arrivait de piquer des crises de jalousie. Dans ces moments-là, l’un de ses parents se dévouait à l’emmener en balade dans le quartier.

— Tu voudras jouer au ballon ?

Maria avait quitté la fenêtre pour réchauffer le gratin de courgettes qu’Ethan avait préparé dans la matinée. Jeremy, qui n’avait pas quitté son poste d’observation, tarda à répondre.

— Moui.

Sa mère l’observa depuis la cuisine, bras croisés sur la poitrine. Il avait encore tendance à raser les murs et à se coller aux fenêtres, intimidé par l’espace qu’offrait leur nouvelle maison. Passer d’un appartement trois pièces à une maison qui faisait le double en surface avait été perturbant.

Las de son observation du jardin encore encombré de cartons défaits ou de meubles couverts de bâches, Jeremy rejoignit sa mère. Il escalada la chaise enfant que ses parents avaient installée à côté des leurs et lorgna la collection de biberons abandonnés sur la table.

— Et papa ?

— Il est avec Thalia, expliqua Maria d’une voix douce. Il lui donne à manger et après il vient.

Son fils fronça les sourcils et entreprit de jouer avec la tétine d’un biberon. Maria préféra le laisser faire pour l’occuper. Tant pis, elle repasserait le biberon à l’eau bouillante.

L’odeur du gratin en train de cuire et les gazouillis des oiseaux à l’extérieur plongèrent Maria dans une savoureuse détente. L’envie d’un nouveau logement s’était muée en besoin avec l’arrivée d’un deuxième enfant. L’appartement d’Ethan possédait bien un petit bureau qui aurait pu servir de chambre, mais le jeune couple avait préféré louer plus grand. C’était l’occasion ou jamais d’élever leurs enfants en banlieue, où les cigales remplaçaient les klaxons et le jardin la cour de la résidence.


Calée contre un plan de travail, inspirant et expirant profondément, Maria ne rouvrit les yeux que lorsque la sonnette retentit. Comme elle ne l’avait encore jamais entendue, elle sursauta et s’avança instinctivement vers son fils. Quelques secondes plus tard, la sonnette retentissait de nouveau. Ses yeux vairons grand ouverts de surprise, Jeremy tira sur sa manche.

— Sonnette.

— Oui, mon chéri, sourit Maria en le récupérant dans la chaise.

Même s’il n’avait plus deux ans, Maria craignait trop de le laisser sans surveillance. Surtout dans la cuisine, où mille objets pourraient l’étouffer, le couper ou le brûler. Elle ne le reposa au sol que lorsqu’elle fut plantée devant la porte. Peut-être un colis, ou un voisin venu les saluer. Elle n’espérait rien de plus important, car elle n’avait pas encore délaissé ses confortables habits de grossesse.

Comme souvent face à une situation inconnue, Jeremy s’était glissé derrière ses jambes. Maria le gourmandait gentiment d’habitude, car sa timidité s’étendait jusqu’en maternelle, où il peinait à créer des liens. Pourtant, aujourd’hui, elle bougea de façon que la porte cache en partie ses jambes et donc son fils.

En comprenant sa démarche, Edward Sybaris lui sourit.

— Bonjour, Maria.

L’intéressée déglutit péniblement en zieutant à l’extérieur pour vérifier que son visiteur était seul. Elle percevait à peine le chants des oiseaux à travers son cœur crispé d’angoisse.

— Je suis venu seul.

— Qu’est-ce que tu fais là ?

Maria n’avait pas de réponse plus appropriée. Elle n’avait pas revu Edward depuis ce jour où ils avaient brièvement échangé, à l’École. Le frère d’Ethan était parti une fois son diplôme en poche pour le Nevada et n’avait remis les pieds – à leur connaissance – à Modros.

Sa venue était à la fois imprévue et inexplicable.

— Ethan est là ?

— Va-t’en.

Edward cligna des yeux étonnés face à la rudesse de l’ordre. La fatigue des derniers mois s’était inscrite dans les traits de Maria, mais ses yeux perçaient toujours autant. Ed nota sans mal son attitude rigide et la crispation de ses muscles. Un vague mouvement à ses pieds lui tira un sourire.

— Bonjour, Jeremy.

Maria recula en baissant la main. Son fils s’était déplacé de côté pour apercevoir l’inconnu. Même si le bras de sa mère l’empêcha d’avancer plus, il avait eu le temps de jeter un coup d’œil vers l’entrée.

— Papa ?

Ed s’esclaffa, arrachant à Maria une grimace désemparée. Elle ne trouvait pas spécialement amusant de constater à quel point les jumeaux se ressemblaient toujours autant, même à l’âge adulte. Et elle trouvait encore moins amusant de perturber son fils ainsi.

— Je me posais la question, lui confia Edward d’un ton léger. J’ai montré une photo d’Ethan à ma fille dernièrement, mais elle avait pas l’air de comprendre. Je me demandais comment réagirait mon neveu en me voyant.

Jeremy s’était de nouveau réfugié derrière Maria. Même si cet homme ressemblait à son père, c’était une personne différente. Leur façon de parler n’était pas du tout la même. Et ça lui faisait peur. Pourquoi quelqu’un qui était son père sans être son père discutait-il avec sa mère ?

— Edward, répondit Maria en retour avec prudence, qu’est-ce que tu fais là ? T’es jamais venu en dix ans. Qu’est-ce que tu veux ?

— Dix ans, souffla l’intéressé avec un rictus. Bientôt, j’aurai passé plus de temps loin de mon frère qu’avec lui. Quoique, c’est déjà le cas. On peut pas dire qu’on s’entendait vraiment bien à l’École.

Maria le considéra avec confusion. Elle savait que son compagnon et son jumeau continuaient d’échanger fugacement depuis dix ans par e-mails et faire-part interposés. Ils ne s’étaient en revanche jamais retrouvés physiquement.

— Maria, reprit Edward d’un ton sirupeux. Je ne veux pas te mettre mal à l’aise.

— Raté.

Edward ne put retenir un sourire. Il constatait avec amusement qu’elle avait gardé quelques-uns de ses piquants d’adolescence.

— Je voudrais simplement revoir mon frère. (Ed agita la main pour saluer l’ombre derrière les jambes de Maria.) Et rencontrer mon neveu et ma nièce.

— C’est hors de question, cracha Maria en retour, forçant son fils à se réfugier plus loin derrière la porte. Désolée, Edward, mais tu règles tes problèmes avec Ethan. Quant à mes enfants, tu les approches pas.

Stupéfait, l’homme la dévisagea quelques secondes avant de retenir un rire désabusé.

— Qu’est-ce que je t’ai fait, Maria ? On ne se connaît même pas ? Je suis leur oncle, tu sais.

— Un oncle qu’ils n’ont jamais connu, siffla-t-elle en retour. Et tu oublies un peu vite dans quel camp tu es passé. Je refuse que tu ramènes les Sybaris dans ma maison.

— Il y en a déjà, dans ta maison. Sur les faire-part, vous avez nommé vos enfants avec vos deux noms.

Comme Maria n’avait pas d’argument à opposer, elle inspira profondément avant de susurrer :

— Je voulais parler de ta mère, Edward.

— Ma mère n’est pas là. Elle n’est même pas au courant de ma visite. Officiellement, je suis en simple visite à S.U.I.

— Officieusement, je refuse que tu lui racontes ce que tu as vu ici.

— Je n’ai pas l’intention de lui dire quoi que ce soit. (Edward jeta un regard ennuyé à son interlocutrice.) Maria, je te demande simplement de me dire où est Ethan. Je veux revoir mon jumeau.

— Il a coupé les ponts pour se protéger, rétorqua Maria d’une voix acide. De sa mère et de toi.

— Se protéger de moi, répéta Ed avec un sourire amer. J’espère qu’il a conscience que c’est moi qui le protège, actuellement ? Ça a toujours été moi, de toute façon.

— Qu’est-ce que tu racontes ?

— Je suis le dernier rempart entre notre mère et votre famille, expliqua Edward d’un air tranquille en glissant un doigt sur le bout de papier temporaire qui indiquait « Wayne – Sybaris » sur le bouton de sonnette. Si elle le pouvait, elle effacerait Ethan de cette planète.

— Vous êtes des malades, gronda Maria en fermant la porte en partie. Dégage, Edward, et remets plus jamais tes putains de pieds ici.

— Gros mots, maman, souffla une petite voix dans son dos.

Maria l’ignora pour pousser la porte. Ed la maintint ouverte de son bras. Il était plus fort qu’elle.

— Maria, dis-moi où je peux trouver Ethan et je te laisse tranquille.

Elle n’eut pas le temps de répondre que la voix du concerné s’élevait depuis le salon :

— Maria ? T’es où ? Tu peux venir m’aider, s’il te plaît ? Thalia arrive pas à finir son biberon.

Comme elle ne répondait pas dans l’immédiat, Ethan s’avança jusqu’à l’entrée. Il finit par planter les talons sur le parquet flottant. Revigoré par la vision de son frère, Ed poussa la porte en grand pour lui sourire. Maria céda sa prise en reculant pour protéger son fils.

— Ethan !

Le concerné tressaillit, glissa aussitôt les yeux sur la silhouette de son frère pour s’assurer qu’il n’était pas armé. Même s’il ne décela aucun holster, il pouvait toujours cacher un petit pistolet ou une arme blanche. Quant à Ethan, il était désarmé. Pire, il se retrouvait complètement vulnérable. Sa fillette était lovée entre ses bras.

— Petite merveille.

Edward s’était avancé de deux pas dans la maison, focalisé sur la forme qui s’agitait contre la poitrine de son jumeau. En retour, Ethan recula avec prudence.

— Qu’est-ce que tu fous là ?

— Bon sang, soupira Edward en laissant tomber ses épaules. Le même accueil que Maria. J’imagine que la petite vous empêche de dormir correctement, mais de là à être de mauvais poil comme ça…

— La ferme, cracha Ethan avant qu’il ait terminé.

Jeremy se recroquevilla dans l’angle de la porte. Ses parents évitaient les gros mots, d’habitude. Ils ne criaient pas non plus. Toutes ces règles sautaient à présent. Et ça le terrifiait.

— Je suis venu te voir.

— Je veux pas te voir. Va-t’en.

Un sourire amer plissa les lèvres d’Edward. Il échangea un regard avec son frère. Y chercha les regrets, la culpabilité et la mélancolie qui l’habitaient à l’époque de l’École. La lueur hésitante de l’amour interminable qu’ils avaient partagé plus jeunes. Il n’y trouva que la peur, la colère et l’accusation.

— Bon, soupira Edward avec fatalité. Je voulais rencontrer Thalia et Jeremy. Prendre de tes nouvelles, Ethan.

Il se tourna pour considérer Maria, qui s’était emparée de son téléphone portable.

— Apprendre à vraiment te connaître, Maria.

— Je vais appeler les flics, répondit-elle en retour d’un ton mordant.

— Pas la peine, soupira-t-il en faisant demi-tour. Je vous veux pas de mal. Au contraire.

Une fois sur le seuil de la porte, Ed se tourna de nouveau pour considérer la jeune famille. Jeremy avait disparu de son champ de vision, mais Maria s’était rapprochée d’Ethan. Les gazouillis de leur fillette meublaient le silence interminable.

— Je vous protège, leur assura-t-il une dernière fois. Des Sybaris. Ma mère vous aime pas. Surtout toi, Ethan. Si elle pouvait te voir mort, ce serait une victoire et une satisfaction.

— Si jamais tu…

— Je dirai rien, le contra Edward d’un ton dur. Je l’ai promis.

Avec un sourire résigné qui virait au rictus dégoûté, il embrassa son jumeau du regard.

— J’ai encore de l’amour pour toi, petit frère. J’aurais vraiment aimé passer du temps avec ta famille, puisque tu refuses de rencontrer la mienne.

— Tu penses vraiment que je voudrais revoir Alexia Sybaris et ses tarés de…

— Je te parle de Rebecca, le coupa Edward avec véhémence.

Il voulut ajouter quelque chose, mais les mots crevèrent à la surface de sa langue. La poitrine comprimée, il s’efforça à respirer calmement avant de reprendre. À une demi-douzaine de mètres, son frère avait glissé Thalia dans les bras de sa mère. Maria s’éloigna rapidement sans se retourner.

— T’as jamais voulu rencontrer Brooke, reprit Ed d’un ton égal. Peut-être que tu accepteras de voir ma fille ? Avant qu’elle meure ?

La fin de phrase, à moitié étouffée par la peine qui avait frappé Ed en pleines côtes, parvint tout juste aux oreilles de son frère. Ethan ne put retenir une grimace.

— Je suis désolé, Ed, mais…

— Je t’ai invité aux funérailles. T’es pas venu.

Prudent, Ethan ne répondit pas dans l’immédiat. Il attendit que la haine reflue du visage de son frère pour répondre :

— Je ne pouvais pas venir, Edward. J’aurais pas pu côtoyer Alexia Sybaris. Elle m’a fait trop de mal.

— Et pas à moi ?

— Toi, elle t’a accepté !

Edward soupira lourdement, passa une main dans ses mèches trop longues. Avant, Brooke les lui coupait elle-même. Ça évitait de se rendre à une cinquantaine de kilomètres chez le coiffeur le plus proche. Depuis, il se laissait pousser les cheveux jusqu’à ce qu’un collègue compatissant lui propose de tailler ses longueurs.

— Elle m’a inclus dans son plan, corrigea Edward avec un sourire sans joie. Je suis plutôt lucide sur ce que cette femme ressent pour moi. Je suis un atout dans son jeu, Ethan.

— Alors quitte la Ghost Society et reviens.

Le ton morne d’Ethan n’altéra pas le sens des mots qu’il prononça. Hébété, Edward mit du temps à se rendre compte que son jumeau s’était approché. Près de la porte, une petite forme surgit d’un angle pour se coller aux jambes d’Ethan.

— Jemmy, souffla ce dernier en posant une main sur le crâne de son fils. Va voir maman à la cuisine.

Le petit garçon jeta un coup d’œil à Edward sans obéir pour autant. Ethan dut lui répéter deux fois la phrase et le pousser gentiment de la paume avant qu’il finisse par s’éloigner vers le salon.

— Il est mignon, souffla Edward en le suivant des yeux.

— Ed, reprit Ethan en avançant pour boucher pleinement l’accès à sa maison, je suis sérieux.

L’intéressé plongea de nouveau dans le regard de son frère. La peur était toujours là, mais la colère avait disparu. Edward ne put s’empêcher de sourire.

— C’est gentil, Ethan. Mais non.

L’intéressé se redressa en ouvrant la bouche, mais son frère le devança :

— Je suis trop impliqué pour partir maintenant. Je sais qu’on a jamais eu la même ambition, tous les deux. J’ai envie de faire mon chemin là-bas. J’ai même bien commencé. La Ghost Society a trop à m’offrir pour que je prenne le risque de tout perdre à nouveau.

— La Ghost Society t’a pris Brooke.

— Et Modros m’a pris mon enfance, mon jumeau et Lou.

Mouché, Ethan baissa le nez. À présent que la méfiance s’était dissipée, la peine montait. Avec la peine venaient la culpabilité, les regrets. La mélancolie. L’ancien Ethan, celui de l’École, celui qui avait abandonné son frère, remontait à la surface.

— Tu pourrais te reconstruire, souffla Ethan d’une voix sourde d’amertume. Élever Rebecca ici.

— Rebecca est très bien là où elle est. Mère m’aide à l’élever.

Le choc vida le visage d’Ethan de ses couleurs.

— Tu lui confies ta fille ?

— Elle a changé.

— Les monstres changent pas, Edward. Elle va détruire Rebecca.

— Elle la détruira pas, lui assura Ed avec un sourire tranquille. Elle nous a suffisamment détruits pour qu’elle ait envie de casser d’autres choses. Elle veut construire, à présent. Et moi aussi.

— Tu es malade de laisser une gamine sous sa garde !

— Je me passerais de tes conseils, soupira Edward avant de reculer. Bon, puisqu’on n’arrive pas à se mettre d’accord, j’imagine que je peux te dire adieu ?

— Ed ! s’exclama Ethan en passant le pas de la porte pour le suivre sur le chemin de gravillons. Bordel, il faut que tu quittes la Ghost Society. Cette foutue société et Alexia vont te bouffer.

Edward se figea au milieu du chemin, les épaules tendues. Le souci que lui manifestait soudainement son frère l’excédait. Il aurait pourtant dû s’en réjouir. C’était le signe qu’Ethan avait encore de l’attachement pour lui.

— Ethan. Je suis venu jusqu’ici dans l’espoir de recréer un lien avec toi et ta famille. Tu m’as accueilli comme un pestiféré et tu m’as jeté au visage que j’étais pas désiré.

Son frère s’était arrêté deux mètres derrière lui. Les mâchoires contractées, Ethan attendait la suite. Il ne pouvait pas nier les accusations. Pour autant, il ne se fichait pas complètement de l’être qui lui faisait face. Dans d’autres circonstances, dans d’autres vies, ils seraient restés une fratrie soudée. Leurs enfants joueraient peut-être ensemble en ce moment même.

— Pour autant, je peux pas me plier entièrement à toi pour espérer garder un contact, ajouta Edward avec un sourire qui perça le cœur de son frère. Ça te rappelle peut-être quelque chose ? C’est exactement l’attitude que tu as eue envers moi à l’École. Je te comprends bien, Ethan. C’était nécessaire pour toi de tracer ta propre route pour te reconstruire. À présent, c’est moi qui en ai besoin. Alors, il faut que tu comprennes mes décisions.

Un tremblement remonta les jambes d’Ethan pour figer son bassin, refroidir sa poitrine et secouer sa mâchoire. Tout s’était figé et éteint en lui. Il n’avait plus d’idées, plus d’arguments. Plus rien à opposer. Les derniers fils qui le retenaient à son frère allaient se rompre et il ne pouvait rien y faire. À moins d’accepter des conditions qu’il savait intolérables pour lui. Il se refusait à fréquenter les Sybaris. Il se refusait à exposer ses enfants à leur folie.

Il n’y avait plus de compromis possible.

Ethan fit donc la dernière chose dont il était capable pour son frère. Il s’avança, lui serra doucement le poignet sans oser le regarder.

— Prends soin de ta fille. (Les lèvres plissées pour éviter qu’elles tremblent, Ethan chercha dans son amour enfoui ses dernières traces de courage.) Prends soin de toi.

Un éclat de chaleur s’alluma brièvement dans les yeux ambrés d’Edward. Il serra le bras de son jumeau en retour, indiqua la maison d’un coup de menton.

— Prends soin de ta famille, aussi, petit frère.

Alors qu’il s’éloignait définitivement de sa vie, Ethan ferma les yeux pour retenir la peine et les regrets. Il aurait voulu lui rappeler qu’ils étaient jumeaux, qu’Ed n’était son aîné que d’une dizaine de minutes. C’était si puéril. Et ça lui faisait tant de bien et de mal de l’entendre.

Le vrombissement d’un moteur lui fit rouvrir les yeux. La voiture de location qu’Edward conduisait dépassa la maison sans ralentir. Le cœur d’Ethan en fit de même.

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