Préface
Préface
Je m’appelle Alain, je suis chanteur musicien. Marie m’a demandé de lui écrire la préface de son livre, car elle est fan de Jean-Jacques GOLDMAN et me trouvait légitime à l’élaboration d’une écriture empreinte de quelques mots de ses textes, car je chante ses chansons. Je me suis donc mis à la place de ces personnes handicapées. C’est difficile quand on est valide et en pleine santé, mais voilà mon point de vue. C’est mon point de vue, juste le mien.
La vie à l’envers, cette vie qu’on aurait voulue à l’endroit, mais qui nous passe entre les doigts si tant est qu’on puisse encore les utiliser correctement. On se retrouve sans un mot, la tête gonflée de désirs inassouvis, de rêves irréalisables, cherchant une échappatoire qu’on finit par trouver en se réalisant parallèlement à cette vie qu’on nous offre. Nous prenons alors D’autres chemins, des routes imaginaires, en direction de cet univers qu’on va se créer de toutes pièces avec pour seul repère cet ancien monde que l’on a eu la chance de « pratiquer » lorsque l’on avait encore la mécanique en état de fonctionnement.
Il n’y a que ce moyen pour ne pas susciter cette indifférence des autres. Mais, il faut convaincre du peu de force qu’il nous reste, que l’on est encore utile, et aidant bien qu’aidé. Même quelque chose d’infime, un regard, un sourire, un partage, une attention, une émotion suffit à ne pas nous faire oublier et laissés pour compte au placard. Dans le vide du départ sans l’image et sans la voix, reste en plein cœur une écharde, à nous de ne pas partir avec celle-ci sans ce compromis de devoir perdre un peu de sang !
Alors, on abandonne la première vie et on se construit une autre histoire. On y met toutes nos forces, tout notre talent, tout notre cœur. Ah ! cet ancien monde où, dans les forêts, les chemins sentaient la menthe. Nous avions alors les deux pieds bien ancrés au sol et nous nous demandions dans nos peaux de gamins en quête de devenir où était notre port, dans quelle île…
Et puis, comme un rapt, le destin vient nous subtiliser cette mobilité. On voudrait juste un p’tit moment encore avec notre ancien « nous », mais les années qu’on nous laisse ne sont que minutes et jours. Alors, ces mois, ces jours, ces heures, ces minutes qui s’égrènent, nous les pensons en secondes pour profiter pleinement de chaque instant de bonheur. Oui, notre vie, c’était douceur, rêves et nuages blancs, mais le destin en a décidé autrement.
Au tout dernier sondage sur nos échantillonnages, on a décelé parfois du positif, parfois du négatif, mais tout est bon à prendre, car les douleurs sont un peu les moteurs de nos bonheurs, ils nous permettent de les « plussoyer », de les grandir ! Et pas d’inquiétude, il y a toujours ces pilules, une rose pour la vie, une rouge pour l’amour et une protocolaire pour l’éventuelle rémission. On y songe encore et toujours.
Ces ambitions passées, mais auxquelles on repense, il suffit d’y croire comme à sa bonne étoile. En tout cas, cette situation, c’est pas l’usine, c’est pas la mine c’est peut-être même parfois mieux quand on voit les conditions de l’exploitation de l’humanité. Nous sommes dans cette ouate confortable et nous ne manquons de rien, matériellement parlant. Et toutes ces machines et cette technologie qui nous aident à réduire notre diminution, pourrait-on dire que nous sommes augmentés ?
Peut-on seulement nous « décoder », nous comprendre ? Ces secrets inconnus à lire entre les lignes ne sont-ils qu’à nous ou les partageons-nous ? C’est à vous de le ressentir. Certes, nous y avons laissé beaucoup plus que des plumes, des morceaux entiers, mais nous sommes toujours là, non pas debout, certes, mais droits, et pour cela nous prendrons page à page la force nécessaire.
Avec ces symptômes qui apparaissaient, enfants, nous savions que quand nous serions grands, nous serions minoritaires, mais quelle minorité ? Nous sommes parfois si harnachés que nous ressemblons à ces astronautes qui font des sorties extravéhiculaires ! Peut-être sommes-nous des Thomas Pesquet en herbe !!! Trêve de plaisanterie, nous sommes bien là, bien présents, oui marginaux, mais bien là. En craquant une allumette derrière une bouteille vide, celle-ci ne se remplit-elle pas de lumière ? Voyez plus au travers qu’en surface…
Nous n’avons pas choisi de naître ici. Ce « choix » qui dicte nos vies n’est bizarrement pas invité à la naissance. Nous sommes le fruit du hasard et il va forger notre personnalité, nos caractères. Nous voudrions des grands desseins faciles à dessiner, mais ces choix que nous ferons ne nous y amèneront pas forcément. Ainsi va la vie et le chemin que l’on y trace.
Y’a tant d’idées vieilles et froissées qui sont toujours d’actualité. Ces idées reçues sur le handicap qui s’engluent, mais chaque jour qui passe, on se dit que la route continue et qu’il faut la suivre coûte que coûte. Même s’il n’est pas tout à fait demain, ce demain arrivera inévitablement.
La terre est au-dessous du ciel, ne l’oublions pas, nos chemins ne sont donc pas infinis, alors, aimer, maudire ou mépriser ? Que faire quand nos forces sont si faibles face à ces possibles agressions maladroites de nos pairs ? Aimer est la seule réponse si l’on veut tisser ces liens entre vous et nous. Mais aimer à double sens, bien sûr ! Car les idées fixes et les clous qui nous rivent ne feront que de nous freiner ; communions, ne nous fuyons pas. Il ne faut pas penser qu’on a moins tort quand on hurle plus fort. Pour vous montrer notre amour.On vous donne toutes nos différences, toutes ces défaillances corporelles qui sont autant de malchance, mais, ce que tu crois, c’est à toi.
Nous vivons notre vie physique par procuration dans les mains d’auxiliaires de vie, ces personnes qui sont le prolongement de notre âme. Elles suivent le cours des choses, elles vont où nous les entraînons, elles sont de ces gens-là qui choisissent ce métier d’abnégation et de service pour nous faciliter l’existence. C’est… beau…
Jamais nous ne clouerons les portes, jamais nous ne nous emprisonnerons, car la vie a encore bien des choses à nous donner. On en connaît des mecs qui changeaient de costard d’après l’cours du kopeck ou celui du dollar. Eh bien, nous ne changerons jamais de costume. Au contraire, c’est le costume qui risque de se « changer de nous » car, quoi qu’il advienne de ce manteau de peau de chair et d’os, cette âme qui est à l’intérieur ne bougera pas d’un poil. En attendant, la grande roue tourne et ce capital « tours », propre à chacun, finira tôt au tard par s’épuiser. Alors, profitons du temps, profitons de l’amour.
Ces chaînes qui pendent à nos cous sont parfois lourdes parce qu’elles prennent un maillon à chaque évènement fort de notre vie, elles sont nos détresses, nos réussites, nos espoirs, nos victoires, nos faiblesses, nos amours, nos désamours… Gardons-les précieusement et considérons-les comme un marqueur, une vigie, une sentinelle… Faut surtout jamais regretter.
À quoi tu sers ? Pourquoi t’es là ? Ne nous sommes-nous jamais posé cette question ? Ne cherchons-nous pas à y répondre ? Nous avons tous une place à prendre sur cette pauvre terre. Il suffit de la laisser nous capturer, ce n’est pas à nous de la chercher, cette place viendra sous nos pieds quoi qu’il advienne. Nous ne pourrons que constater et découvrir quel était notre rôle ici-bas. On interagit matériellement dans notre espace, mais pas que ; les personnes qui croisent nos routes ont toutes, à un moment donné, conservé quelque chose de nous. Une petite brique qu’ils ont ajoutée à leur édifice. Ainsi on passe nos vies au milieu de leurs heures en les influençant de la manière la plus infime, à celle qui va leur faire prendre un virage important dans ce tout petit monde fragile au creux de nos mains.
Peu importe qui nous sommes, comment nous sommes, où nous sommes, quand nous sommes, nous sommes tous importants…
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