AMYOTROPHIE SPINALE

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ILS SAUVENT DES VIES

C’est des pères et des mères docteurs, ou brancardiers
Aides-soignantes, infirmières, agents de sécurité.

Ils nous donnent du temps, du talent et du cœur,
Oubliant la fatigue, la peur, les heures

A leur tâche chaque jour sans même attendre un merci

AMYOTROPHIE SPINALE

Quand j’ai atteint l’âge de quatorze ans, la médecine ayant évolué, un nouveau médecin estima qu’il était temps de donner à ma pathologie son nom véritable, son étiquette définitive. Pour ce faire, il m’a prescrit un nouvel électromyogramme. J’ai alors réalisé la douleur que j’avais endurée dix ans plus tôt et que j’avais, pour ainsi dire, oubliée !

Nous avons effectivement appris le nom précis de notre maladie : nous souffrions tous, au sein de la fratrie, d’une « amyotrophie spinale infantile ».

Notre « pseudo myopathie » — qui s’apparente à la myopathie de Duchenne —, cette atteinte neurogène comparable à la poliomyélite, cette faiblesse musculaire d’origine spinale, toutes ces qualifications approximatives avaient désormais un nom définitif et imparable. Un seul ! Comme nous avions tous été capables de marcher à un moment donné, et que l’aînée de la fratrie était moins touchée, les médecins s’étaient tous égarés dans leurs diagnostics.

L’amyotrophie spinale infantile est une maladie génétique. Nos parents en étaient donc tous les deux porteurs à leur insu, et ils n’avaient aucun lien de parenté. Que savait-on de plus, désormais, sur cette maladie ? Pas grand-chose, sinon que notre espérance de vie était plus grande que celle annoncée dix ans plus tôt. Combien de temps les parents ont-ils mis pour intégrer cette nouvelle notion, cette nouvelle perspective de longévité ?

À l’époque, cette « nouvelle » maladie était forcément méconnue. Je ne disposais encore d’aucun document capable de m’éclairer à son sujet.

Par souci de précision, le docteur nous avait affublés d’une étiquette au nom barbare : nous étions porteurs de la « maladie de Kugelberg-Welander », un terme inconnu de quasiment tous les médecins. Un nom que je trouvais particulièrement moche, un nom qui ne voulait rien dire et, surtout, un nom qui n’apportait aucune avancée. 

Une maladie génétique est une maladie qui fait peur. Or, vous l’ignorez sans doute, mais tout le monde est porteur de plusieurs anomalies génétiques ; au moins une dizaine, selon les chercheurs.

Il s’avère que l’amyotrophie spinale est, parmi les maladies rares, la plus fréquente après la mucoviscidose. Selon les études, environ une personne sur quarante est porteuse de cette erreur dans son génome.

Vous vous rendez compte ? J’ai eu la chance de contracter une maladie « rare parmi les plus courantes » ! Quelle chance ! Encore heureux qu’en plus, je n’ai pas attrapé une de ces fameuses maladies orphelines, trop rares pour qu’on prenne la peine de les étudier.

J’ai appris plus tard que l’on répartissait les amyotrophies spinales en quatre types.

Le type 1 est le plus grave, car les enfants décèdent particulièrement tôt, avant l’âge de deux ans. Ils n’ont jamais été capables de tenir la tête droite, ils souffrent de graves difficultés pulmonaires et s’éteignent le jour où ils ne peuvent plus respirer ni téter.

Le type 2 concerne des enfants qui, pour leur part, ont pu se tenir assis à un moment de leur jeune vie. La maladie peut se déclarer avant qu’ils atteignent l’âge de 24 mois, mais ses manifestations sont d’ordres très divers. Par exemple, certains enfants sont atteints si sévèrement, que la moindre infection respiratoire peut mettre leur vie en danger. Leur état peut alors nécessiter une trachéotomie et une gastrostomie. En effet, on respire et on ingurgite grâce à des muscles ; notre corps tout entier reste compact et bouge grâce à eux. Un corps sans muscles, c’est comme une poupée de chiffon, inerte et sans vie.

Le type 3 est plus rare. Bizarrement, il survient après que l’enfant a commencé à marcher. Là aussi, les différences sont notoires ; certains malades conservent l’usage de leurs jambes à l’âge adulte, alors que d’autres — comme moi — ne tiennent plus debout depuis leur plus jeune âge.

Le type 4 fait généralement son apparition après l’âge de trente ans. Il se manifeste par l’affaiblissement des muscles des cuisses et des bras. Les symptômes sont assez similaires à ceux de la catégorie précédente, tout en étant moins flagrants. Les personnes qui développent le type 4 se déplacent assez lentement et, normalement, ce type-là n’entache pas la fonction locomotrice.

Plus d’une décennie après l’apparition de ma myopathie, notre famille a donc contribué, à son niveau, à la découverte du gène qui en était responsable. Nous étions devenus une famille dite informative. Nous faisions partie des cinq foyers au sein desquels trois enfants portaient cette pathologie. Les chercheurs de l’époque nous avaient connus par le biais de nos échantillons sanguins. 

Cette maladie — ma maladie — est sournoise, car les neurones moteurs meurent lentement, à petit feu. Les fibres musculaires sont moins connectées entre elles, ce qui provoque une diminution progressive de la force musculaire. Certes, le cerveau lance les commandes à destination des muscles, mais l’influx passe très mal. Par conséquent, les muscles sont moins sollicités et s’atrophient petit à petit. Ce processus dégénératif est comparable à la SLA (la sclérose latérale amyotrophie), si ce n’est que son évolution est beaucoup plus lente, mais entraîne le même manque de tonus. Effectivement, mon corps s’affaiblissait petit à petit et le moindre geste devenait de plus en plus compliqué. À l’époque, les médecins étaient incapables d’en dire plus. 

Comme cette anomalie génétique était présente chez mes parents, Dame Nature se serait-elle également trompée dès leur conception ? On pourrait le vérifier si mes grands-parents étaient encore en vie. Éventuellement, mes cousins et cousines pourraient se faire dépister aussi. En tout cas, j’espère sincèrement qu’aucun de mes petits-cousins ne sera concerné par cette affection.

Certes, il est impossible de répertorier toutes les maladies génétiques, tant elles sont nombreuses. D’autre part, bon nombre d’entre elles sont encore mystérieuses, voire carrément inconnues. Il n’en reste pas moins que ma pathologie, elle, est connue et que le risque est réel.

Vous l’aurez constaté par vous-même, l’homme utilise souvent un moyen de défense assez lâche pour se dédouaner. Lorsqu’un problème survient, ça ne vient jamais de lui : c’est toujours la faute de « l’autre » ! Pourtant, si l’on considère la maladie qui a frappé notre fratrie, ce n’est la faute de personne. Absolument personne. Cette fatalité fait partie des aléas de la vie. Elle nous tombe dessus sans crier gare, sans choisir qui en sera la victime. Dans certains cas, il s’agit d’une mutation de novo, à savoir que la mutation du gène apparaît chez un individu, alors qu’aucun des parents ne la possède dans son patrimoine génétique.

Je le répète, c’est à la conception que Dame Nature commet cette erreur. Dès lors, quand on connaît ce risque et lorsqu’on dispose des moyens pour le diagnostiquer, il faut impérativement les mettre en œuvre. Certaines maladies sont trop lourdes de conséquences. Les incapacités qu’elles induisent sont incommensurables. 

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