SHANON et l’association HANDI’CHIENS

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JE VOUDRAIS VOUS REVOIR

J’y pense et j’y repense 
Tombe mon soir et je voudrais vous revoir 

SHANON et l’association HANDI’CHIENS

Depuis mon plus jeune âge, je porte en moi une immense passion pour les chiens. Or, en 1989, grâce au Téléthon, une association s’était créée dans le but de former et de remettre gratuitement des chiens d’assistance, d’éveil ou de structure, aux personnes confrontées à des situations de handicap. Ces chiens recevaient une éducation spécifique afin d’aider leur maître dans leur vie quotidienne, que ces derniers se trouvent en situation de handicap physique ou mental. 

L’Association Nationale d’Éducation de Chiens d’Assistance pour personnes Handicapées (ANECAH) prenait alors le nom de HANDI’CHIENS. Elle formait deux catégories de chiens.

En premier lieu, elle formait le « chien d’assistance ». Celui-ci était confié à une personne souffrant d’un handicap moteur afin de l’aider à accomplir les gestes du quotidien. Il facilitait la communication avec les personnes valides en dédramatisant la présence du fauteuil.

Puis, parallèlement, elle a formé les « chiens d’éveil » destinés aux enfants souffrant de troubles autistiques, de trisomie ou de polyhandicap. La présence de ce chien permettait de les stimuler, de les éveiller ou d’apaiser leurs angoisses.

De nos jours, l’Association éduque également des chiens pour les structures (maisons de retraite, établissements, etc.). Depuis peu, elle forme aussi des chiens capables de détecter les crises d’épilepsie. Ces chiens d’assistance ont tous assimilé plus de cinquante commandes au terme d’environ deux années d’apprentissage.

Vers la fin des années 1990, j’ai à mon tour introduit une demande pour en acquérir un. Étant donné l’énorme demande, je savais que l’attente serait longue. Néanmoins, des personnes de l’association sont venues chez moi peu de temps après, pour cerner mon environnement, mes aptitudes, mes souhaits, mes besoins et les commodités que je pourrais offrir à un chien. Comme j’en possédais plusieurs et que, visiblement, je leur vouais énormément d’affection, les éducateurs canins n’ont émis aucune objection à ma demande.

J’ai finalement dû patienter près de deux ans avant que le tout nouveau centre Handi’Chiens ouvert en Bretagne me propose d’effectuer ce qu’ils appellent un « stage de passation ». Pas question de tergiverser : j’ai accepté tout de suite !

Ce stage a débuté fin novembre 2001. Maman et moi sommes parties en TGV jusqu’à Rennes. De là, nous avons pris un tortillard jusqu’à Saint-Brieuc, d’où un transport adapté nous a conduits au centre de formation.

Ce stage allait nous permettre d’apprendre le vocabulaire du chien. Les premiers jours, nous avons d’abord appris les commandes de base, puis nous avons « testé » quelques chiens sous le regard expert des éducateurs. Ceux-ci observeraient nos attitudes, nos comportements, mais surtout la réaction des chiens à notre égard. 

Au fur et à mesure de ces essais, mine de rien, les chiens faisaient le tri parmi les « candidats » et choisissaient leur futur maître. Il était d’ailleurs frappant de constater les difficultés que certains chiens éprouvaient à travailler avec un stagiaire et pas avec un autre. Bref, des couples se sont ainsi formés.

Nous avions le choix entre des Golden Retrievers et des Labradors. À l’issue du troisième jour, nous devions en sélectionner trois, parmi lesquels se trouverait notre « élu ». En numéro un, j’ai tout naturellement inscrit un magnifique Labrador chocolat, prénommé Shanon. Il était d’ailleurs le premier chien d’assistance à posséder une telle robe en France. 

Mon choix était sans doute le bon, car, lors de l’attribution des chiens, j’ai compris que les éducateurs me destinaient ce labrador. De leur point de vue, Shanon et moi allions former un duo parfait. Afin de mieux nous connaître et de terminer ma formation, nous avons donc passé les dix derniers jours ensemble, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans le centre. Dorénavant, moi seule le sortirait, lui donnerait à manger, lui donnerait des commandes. Je prendrais soin de lui, comme lui, plus tard, prendrait soin de moi. 

Puis, arriva le jour de la remise officielle de nos compagnons à quatre pattes. Nous étions réunis dans une salle. Je savais que Frédérique, la maîtresse de Shanon, celle qui l’avait éduqué avant son arrivée au centre, allait nous rejoindre. Je l’ai reconnue immédiatement, grâce à Shanon, qui s’est immédiatement tourné vers elle. Quelle joie ils éprouvaient à se revoir, tous les deux ! Pourtant, Frédérique ne l’avait pas vu depuis plus de huit mois. Si un calendrier canin existait, Shanon aurait son jour de fête, car il ferait partie des saints.

Shanon avait réalisé un tas de choses avec elle, d’une rave party au ski en passant par un plongeon dans le Rhône. Frédérique en a profité pour me remettre un album photo illustrant le parcours éducatif de Shanon en sa compagnie. Cette rencontre fut émouvante et déchirante ; les émotions étaient intenses. 

Le lendemain de sa remise, je repartirais avec mon chien d’assistance sans aucun éducateur pour nous guider. Je connaissais la valeur de « mon » chien. Je devrais à présent faire en sorte de ne pas trahir sa famille d’accueil. Frédérique avait tant donné pour éduquer cette merveille ! Si Shanon avait acquis une telle perfection, c’était grâce à elle, à son amour, à sa ténacité, à sa patience et à tout le temps qu’elle lui avait consacré. Je devrais prouver que, moi aussi, j’étais à la hauteur.

Mais avant de m’accaparer Shanon, celui-ci devait couper le cordon ombilical qui le reliait à sa formatrice. En effet, durant son séjour au centre, Shanon s’était attaché à une éducatrice — Jannick — et avait systématiquement refusé de travailler avec tout autre personne. Dès lors, à la fin de son apprentissage, la jeune femme avait repoussé peu à peu son « élève » pour qu’il s’attache à moi. Elle en avait les larmes aux yeux et je sais, par mon expérience avec mes propres chiens, combien cette phase de détachement est déchirante.

Décliner l’amour d’un compagnon qui vous adore et confier définitivement celui-ci à quelqu’un d’autre, constitue une démarche extrêmement pénible. J’ai ressenti toute la peine de Jannick et de Frédérique, et je les remercie du fond du cœur pour leur inconditionnel engagement. Grâce à leur précieuse guidance, Shanon m’a accompagnée pendant plus de dix ans. Il m’a aidée au quotidien, il m’a ouvert une multitude de portes. Il a ramassé et m’a remis, je ne sais combien d’objets.

Vous voulez un exemple ? Entre autres choses, il était capable d’aller chercher des bouteilles en verre dans une armoire et de me les apporter. Il suscitait l’admiration de tous et ses yeux charmaient les plus sceptiques.

Un autre aperçu de son savoir-faire ? Dans les magasins, Shanon pouvait saisir et me tendre l’article de mon choix, si celui-ci était à sa hauteur. Autour de nous, les clients l’observaient avec curiosité et émerveillement.

Combien de personnes m’ont interpellée grâce à lui ? Même au travail, ce précieux compagnon démontrait son intelligence lorsqu’il m’ouvrait les tiroirs.

Shanon suscitait également la curiosité à cause du sac à poches Handi’Chiens qu’il portait sur le dos. Ce mini-manteau prouvait qu’il s’agissait d’un « chien d’utilité », ce qui lui ouvrait l’accès à tous les lieux publics et à tous les moyens de transport. De plus, intriguées par cet équipement particulier, les personnes que je croisais ne prêtaient plus attention à mon fauteuil. Shanon gommait en partie l’image de ce mode de déplacement, alors qu’auparavant, les gens me regardaient du coin de l’œil, sans parfois remarquer la personne qui l’occupait.

Mon Shanon, tu savais courir, faire le fou, plonger dans une mare ou un fossé, jouer, t’éclater. Par contre, tu pouvais faire preuve d’un calme olympien, couché sagement pendant des heures sous mon bureau. Tu possédais une faculté d’adaptation exemplaire. Combien de personnes as-tu émerveillées ? Tu avais un regard si langoureux, si attendrissant, qu’il faisait chavirer les cœurs.

Pour montrer combien maman était ingénieuse, malgré son emploi du temps déjà bien fourni, elle avait imaginé un système astucieux pour que Shanon n’ingurgite pas toute la nourriture de mes Yorks. En effet, elle avait fabriqué une véritable maison miniature, accessible aux petits loulous à l’aide d’un mini escalier sous lequel s’entreposaient leurs jouets. La toiture s’ouvrait, ce qui permettait de déposer à l’intérieur les petites gamelles des Yorks. Chacun accédait à sa propre pitance. Pas de dispute, pas de discrimination !

Maman avait construit le même type d’escalier pour que mes Yorks accèdent à mon lit.

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