Chapitre 24 : Une Silhouette Dans La Brume
Le silence dans la cabane était presque religieux. Seul le crépitement d’une torche mourante faisait entendre sa plainte douce et fragile. Max était assis sur une caisse, les coudes sur les genoux, les mains jointes sous son menton. L’inconnu était allongé à quelques pas de là, recouvert d’une couverture grossière. Il avait repris des couleurs depuis que Max l’avait soigné, mais ses yeux restaient sombres, méfiants. Tout comme lui, Max n’avait pas fermé l’œil.
Une tension sourde flottait entre eux. Les excuses avaient été échangées, maladroites. Le malaise, lui, restait.
— Tu vas finir par t’endormir, grogna l’homme.
— Je préfère rester éveillé. Je veux pas… qu’il arrive quelque chose.
Un soupir en guise de réponse. Puis, à nouveau, le silence. Presque trop parfait.
Clac. Max sursauta. e bruit venait de l’extérieur. Comme un pas… non, deux. Le sol avait craqué. Lentement. Juste derrière la cabane.
L’autre s’était redressé, le regard fixe, alerte.
— T’as entendu ?
Il ne répondit pas. Il s’était déjà levé, s’approchant de la fenêtre sans un bruit. Il écarta légèrement le tissu qui servait de rideau. Max s’approcha aussi, prudemment.
Dehors, la brume rampait au sol, recouvrant presque entièrement les hautes herbes. Et au milieu de ce voile blafard… une silhouette.
Statique.
À peine éclairée par les reflets de la lune, juste en face de la fenêtre.
Le cœur de Max fit un bond dans sa poitrine. Il n’arrivait pas à la détailler clairement, mais elle était là, grande, fine, figée… et elle les regardait.
— Qu’est-ce que… commença-t-il.
L’inconnu lui posa la main sur l’épaule pour le faire taire. Il s’accroupit un peu, analysant la posture, les contours.
Puis, la silhouette bougea. Pas un pas. Pas un bruit. Juste… elle se recula d’un coup, comme aspirée par la brume, et disparut dans les bois.
Max resta figé, le souffle court.
— Tu l’as vue aussi ? dit-il enfin, à voix basse.
— Oui. Et elle nous a vus.
— C’était… elle ?
— Je sais pas. Mais elle savait exactement où regarder. Elle voulait qu’on la voie. Et quand elle a vu qu’on l’avait vue… elle s’est enfuie.
Max recula, nerveux. Il s’assit lourdement, les yeux dans le vide.
— J’en ai marre de ce jeu. C’est comme si elle s’amusait à me rendre fou. L’autre haussa les épaules, croisa les bras.
— Peut-être que c’est ce qu’elle veut. Nous faire douter. Nous fatiguer. Nous faire faire des erreurs. La peur, ça rend bête.
— Et toi ? demanda Max après un moment. Tu n’as toujours pas dit ton nom.
— Non. Et toi, t’as toujours pas demandé pourquoi je suis ici. Le silence retomba, plus lourd encore.
— On partira demain matin, finit par dire Max. À la première lumière. On suivra ses traces. On saura enfin ce qu’elle veut. L’autre haussa un sourcil, intrigué.
— On ? Max soupira.
— Disons que je commence à me dire qu’à deux, on a peut-être une chance. Mais je garde la pioche. L’homme esquissa un sourire discret, presque amusé.
— Ça me va. De toute façon, je dors jamais tranquille avec des fous autour de moi.
— T’en fais pas, je suis fou uniquement les jours pairs.
Un petit silence, puis un éclat de rire léger, presque irréel dans cette nuit pesante. Et dehors, dans les bois, la brume continuait de danser doucement, comme si elle attendait le lever du jour pour dévoiler un nouveau morceau de jeu…
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