La femme qui se tenait devant Hateya n'était pas une Suméris. Ses grands yeux noirs en amende et sa bouche pulpeuse en étaient la preuve. Plus probablement une Asitis. Anoki avait pris une nouvelle compagne. Elle semblait très jeune.

" Tu es Hateya, le Phénix, j'avais hâte de te voir. C'est la première fois que je vois un Phénix de près.

En disant cela, la jeune femme tournait autour d'Hateya, l'inspectant sous toutes les coutures. Elle frôla même la combinaison de ses doigts.

- C'est magnifique, vraiment. J'ai toujours admiré les Phénix, vous faites un travail formidable. Sinon, tu restes longtemps au village ? Tu connais ta prochaine mission ? Ah, je ne me suis pas présenté, je suis Aiyana. Je vis avec Anoki. C'est vrai que les Phénix ne peuvent pas vivre en couple ?

La volubilité de la jeune femme lui donna le tournis. Elle n'avait pas le temps de répondre à une question qu'une autre suivait. Elle dut lever les mains au ciel pour lui signifier d'arrêter.

- Désolée, je parle trop.

- Je n'ai jamais vu ça ! répondit Hateya dans un sourire."

Aiyana ne pouvait pas être plus différente d'Anoki. Du moins de celui qu'elle connaissait.

Anoki se tenait devant elle, son regard la pénétra. La ramenant quelques années plus tôt, quand rien d'autre que lui ne comptait. Il lui sourit :

"- Hateya, ma belle phénix, te voilà enfin.

Il l'embrassa sur les lèvres comme s'ils s'étaient quittés la veille. Déconcertée, elle ne sut que faire. Chenoa, avec son ventre arrondi, vint à sa rescousse.

- Laisse là Anoki, viens t'asseoir avec nous Hateya, tu prendras un verre de jasmin ?

- Merci Chenoa.

- Alors, comment était ta mission sur Vénus ?

Aiyanna, qui s'était assise sur les genoux d'Anoki, frappa dans ses mains.

- Oui, racontes-nous.

Même le grand maître Maïtri fit silence.

Il y avait tant à raconter, par où pouvait-elle commencer. Son combat contre les Balwan, comme on appelait ses pauvres êtres infectés du virus Zowy, avait été éprouvant et il faudrait sans cesse recommencer. Sur Vénus, Mars ou une autre planète. Les Euclydes ne ménageaient pas leurs efforts pour faire disparaître l'humanité. À elle seule, elle avait démasqué deux nids de Balwan. Elle raconta comment elle les avaient mis en isolement et comment elle avait procédé au rituel de résurrection. Malheureusement, elle n'avait pu en sauver que très peu. Il avait fallu brûler les autres pour qu'ils ne propagent pas l'infection.

L'assemblée l'écoutait en retenant son souffle. La mission des Phénix était capitale dans la guerre qui faisait rage. Ils étaient les gardiens de l'Humanité tout entière. Sans eux, elle pouvait disparaître.

L'ISA (International Spatial Army) comportait deux branches clé : les Dragonniers, gardiens du ciel qui se battaient en direct contre les Euclydes et les Phénix, l'arrière front qui empêchait les Euclydes de gagner du terrain par leur méthode perfide d'infestation des humains.

" Combien de temps vas-tu rester tante Hateya ? Demanda Yepa.

- J'ai une permission d'un mois.

- Eh bien, moi aussi, je serais Phénix. Décréta Winona d'un air tout à fait sérieux."

Hateya espérait que d'ici que Winona soit en âge d'intégrer les Phénix, ils n'existeraient plus.

*****

Depuis quinze jours qu'elle était là, Hateya essayait d'apprécier la vie simple de Nutibara. Elle avait du mal à s'acclimater de nouveau après ses 4 ans d'absences entre l'apprentissage au Cercle et sa mission sur Vénus. Comme ce matin, elle avait parfois besoin de se retrouver seule. Les bords du lac Tota étaient l'endroit idéal.

Se sentant à l'abri des regards derrière les épais buissons, elle se dévêtit complètement, laissant le soleil nimber sa peau sombre de reflets mordorés. Elle plongea sans hésitation dans l'eau fraîche du lac. Quand elle se releva dans toute sa splendeur, ses boucles brunes, chatouillant à peine, la base de sa nuque, les gouttelettes d'eau dévalaient lentement le galbe de ses reins. Elle n'entendit pas Anoki et sursauta quand il se colla contre son dos, nu lui aussi. Elle n'osait plus bouger. La main d'Anoki traçait un chemin enflammé du creux de sa poitrine au bas de son ventre, alors que son souffle dans son cou, la faisait frémir des orteils à la racine de ses cheveux.

Elle ne résista pas quand il la tourna dans ses bras et l'embrassa, prenant possession de sa bouche avec soif. Elle ne dit rien non plus lorsqu'il glissa une main entre ses cuisses. Elle le laissa l'allonger sur la rive sablonneuse. Elle se cambra quand il pénétra la moiteur de son sexe qui n'attendait que ça. Elle apprécia cet instant hors du temps, hors de la guerre. Un interlude enivrant, coupable qu'elle n'arrivait pas à se reprocher.

Les joues rouges et les lèvres gonflées, elle s'habilla sans un mot, sans un regard vers Anoki. Il la retint par le bras avant qu'elle ne le quitte.

" Tu sais que tu as toujours ta place ici, avec moi."

Ce qu'il lui proposait n'était plus possible. Elle était une Phénix désormais. Et de toute façon, elle n'aurait jamais pu le partager. Comme sa mère, elle avait l'amour exclusif, et même si cela était presque une hérésie, c'était comme cela qu'elle le sentait. Il y a quatre ans de cela, elle avait décidé que si elle ne pouvait pas avoir l'homme qu'elle aimait pour elle, alors elle n'aurait personne. Cette décision avait renforcé son choix de devenir Phénix.

*****

Le Rishi qui se tenait devant elle, si reconnaissable à sa grande robe bleue, lui tendit un cristal de messager. Le représentant du conseil de Suméris attendit qu'elle prenne connaissance du message. Celui-ci venait du Cercle des Phénix. Elle devait venir de toute urgence au Cercle. Un événement majeur était en train de se passer et demandait la présence de tous les Phénix.