Écrire
J’aimerais écrire
mes mots sont si vides
j’aimerais écrire
encore, de la poésie
qu’elle redore mes éclats
qu’elle m’offre un autre sort
que le goût de la page blanche
des vers avortés, dévorés
dans mon cerveau éteint
j’aimerais écrire
je joue sur mes notes littéraires
elles se heurtent à mes mains
mes doigts qui refusent
retiennent leurs lettres
sur le clavier de l’écrivain
j’aimerais écrire
tout ce qui trône dans mon être
les défaites, les requêtes, les pertes
mais surtout, les pleurs
qui me noient
sous une valse de pensées noires
que mes mots décorent
j’aimerais écrire
écrire à la lune
à la terre
à la vie
au moi
aux autres
j’aimerais écrire
la mocheté de la ville
la liberté des campagnes
l’inhumanité de l’humanité
l’impatience et l’absence
des gens dans les rues
la solitude dévorante
des jours dans mon lit, échoué
les mots de ma mère qui font mal
et les cris que j’aimerais leur balancer
à tous
cette famille
aux gens, aux gens, aux gens
j’aimerais écrire
ce fut mon navire
ma barque dans le ciel
entre le tonnerre et la foudre
le ciel n’est plus bleu
mon cœur si
il a des bleus tant je cogne
il est bleu tant il pleure
j’aimerais écrire
ne jamais plus me taire
retenir les dialogues
qui font mal
les conversations
qui fanent
fâchent
j’aimerais écrire
pour rappeler
que la nuit nous enveloppe
si froide
mais peut être cocon
enveloppante
que les mots m’entourent
comme la nuit
que leur lumière
un jour
sera plus forte que le noir
j’aimerais écrire
ce qui explose au fond
du moi
mon âme qui tente
d’apaiser ma colère, ma rage
mon envie de briser
tout ce qui vit
sans moi
j’aimerais écrire
le poids de la vie
que je trimballe
sur mes frêles épaules
la lourdeur des réveils et des soirs
le labeur des escaliers que je grimpe
qui ne sont que la métaphore
de l’essoufflement constant
que l’existence apporte
j’aimerais écrire
ne mettre ni ponctuation
ni arrêt
ni pause
ni espace
que les observateurs de plume
saisissent mes mots
les avalent
les reçoivent en pluie
ne s’abritant pas sous leur parapluie
j’aimerais écrire
le loup noir dans ma cage thoracique
qui frappe mes côtes
ralentit mes poumons
comme si respirer devenait trop dur
qu’elle est fatigante cette vie
j’aimerais écrire
la poésie d’un midi
celle du dimanche
des regards entrelacés
des humains dans le métro
des mains qui se promènent
sur les phalanges d’une autre
des rires d’enfant
qui viennent se déposer
dans les cheveux des parents
des conversations
aux voix répondantes
qui se partagent l’espace
et le temps
j’aimerais écrire
le soleil qui s’échoue
contre les bâtiments
la prestance des nuages noirs
qui se drapent à l’horizon
la douceur des gouttes de pluie
sur le trottoir gris
du vert des arbres
qui colorent les ruelles vides
j’aimerais écrire
le creux dans ma poitrine
ce puits oppressant
qui m’arrache toute émotion
je m’y sens tomber
dévoré
je pense qu’il n’a pas de fin
il est d’un blanc aveuglant
comme pour me narguer
m’offrir toute la lumière
que je ne peux plus tenir
j’aimerais écrire
la thérapie des mots
qui contiennent
libèrent les maux
parler, parfois, c’est trop
écrire, toujours, c’est beau
j’aimerais écrire
et j’écris déjà.
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