Être une fille
J’aurais aimé être une fille
que mon identité porte
le nom de cis
et non de trans
trans, être en trans(e)
un état vacant, déséquilibré
évaporé d’une réalité
la gorge nouée
de se sentir si anormal
anormalité
d’une identité
en rien
j’aurais aimé être une fille
ne pas sentir mon corps
me démanger
ces seins comme une malédiction
ce vagin comme une aberration
ces hanches de trop, en trop
ne pas sentir mon cœur
me lâcher
les madame des bouches d’inconnus
les elle, les fille, des yeux de mes parents
mon prénom de naissance
que j’expie
pour me permettre une renaissance
j’aurais aimé être une fille
grandir sans l’insécurité
de ma solitude ancrée
traverser l’adolescence
en construisant
ma propre féminité
se sentir concerné
entouré
quand on parle de
sororité
d’expérience féminine
comme si j’avais le même sexe
le même genre aux yeux d’une société
mais que je devais taire mes vécus
sans légitimité
sans vérité
je ne suis pas vraiment une fille
où est ma place ici ?
j’aurais aimé être une fille
me sentir en phase
entièrement
avec mon identité lesbienne
sans savoir si j’ai le droit
de me dire lesbienne
de vouloir une communauté
sans savoir si j’ai le droit
de m’y intégrer
j’ai tellement besoin de reconnaissance
d’écrire sur le lesbianisme
de dire mes attirances, mes ressentis
sans savoir si j’ai le droit
de me l’approprier
j’aurais aimé être une fille
le genre, c’est compliqué
je m’assieds pour comprendre
sa véritable entité
et la solitude me gagne
m’asphyxie
pourquoi la mienne de poitrine
a si mal
quand on parle de filles et garçons ?
constamment dans le malaise
de les sentir se diviser
pour des raisons de cases dépersonnalisées
genrées à l’extrême
la société ne devrait pas être binaire
pour se sentir exister
lorsqu’elle l’est
c’est moi
mon identité
qui cessons d’exister
seule reste la solitude
qui coule dans toutes mes veines
rendant mon sang d’un bleu silencieux
mon corps sur son sol graveleux
personne ne comprendra jamais ce que ça fait
de sentir son corps rejeter
son genre
toute la socialisation que l’on t’a imposée
je ne suis pas né fille
je suis né sans
j’aurais aimé être une fille
aimé être
je ne sais ni m’aimer
ni être
le double fardeau
de la non-binarité
construire ma personne
sur une absence
sur une douleur au fond du thorax
le long de ma peau
en frissons, en pleurs, en rejets
la sentir glisser
le long de mes membres
cire brûlante
sur mes plaies ouvertes
je la déteste
cette putain d’identité
qui cogne si fort
sur mes os fragiles
reprenez mes larmes
le fruit de ses drames
je ne veux pas passer
une vie de plus
dans une place déplacée
celle de la vacuité identitaire
sans repères
avec mon seul écho
comme lumière
j’aurais aimé être une fille
si j’avais su
le goût acre de la renaissance
qui devrait être si merveilleuse
pourtant
fruit dévorant
qui me laisse pantois
du froid dans mes pores
le miroir sale
sali de mes yeux perplexes
de mon âme déçue
de ma silhouette dévêtue
qui met
sous matériel
une représentation
de mon être
représentation ratée
ma performance est échouée
on ne meurt pas d’un échec
mais de la non-binarité
peut-être
j’ai senti la morsure avilissante
d’un futur
sans reconnaissance
de ma renaissance
je voudrais m’anesthésier
ou l’anesthésier
cette non-binarité dégueulasse
qui me dit d’être mieux
la prochaine fois
qu’il n’y ait jamais de prochaine fois
j’aurais aimé être une fille
fille, c’est un joli mot
j’aurais aimé être une fille
une fille
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