Chapitre 4
En rentrant chez elle, l’odeur familière et désagréable d’alcool imprégnait l’air. Michael avait encore bu.
Un soupir s’échappa des lèvres de Joy. Ce soir-là, elle n’avait pas la force de l’affronter, surtout pas après cette discussion dérangeante avec la Dame du parc.
Sans un mot, elle se dirigea rapidement vers les escaliers, espérant esquiver une énième confrontation. Mais elle n'eut pas cette chance. Avant même d'avoir atteint la première marche, une main brutale lui saisit le bras, la forçant à s’arrêter.
— T’étais où ? hurla son père, dont l'haleine chargée d'alcool l'agressa immédiatement.
Joy ferma les yeux une seconde, essayant de réprimer la nausée que l'odeur déclenchait en elle.
— Qu’est-ce que ça peut te faire ? répondit-elle froidement en essayant vainement de se libérer de son emprise.
Michael resserra sa prise, le visage rougi par la colère. Ses yeux fixaient ceux de sa fille avec une intensité qui la mettait mal à l’aise, encore plus que d’habitude.
— J’ai le droit de savoir où tu étais, cria-t-il à nouveau. Je suis ton père !
Il y avait quelque chose de profondément ironique dans cette phrase, et sans qu'elle ne puisse le contrôler, un rire nerveux échappa à Joy. Un rire plein de frustration et de douleur.
— Mon père ? railla-t-elle, le ton chargé de mépris. Je ne vois pas de père ici. Seulement un salaud qui passe ses journées à boire !
Les traits de Michael se durcirent immédiatement, sa mâchoire se serra sous l’insulte de sa propre fille. Joy savait qu'elle avait dépassé les limites, mais elle n'en avait plus rien à faire. Toute l'accumulation, toute sa colère refoulée était enfin en train d’éclater. Joy ne voulait plus se taire.
— Qu’est-ce que tu viens de dire ? grogna-t-il, d’une voix plus sombre, plus menaçante.
— Tu as très bien entendu, répondit-elle, les yeux embrasés par la rage. Tu n'es pas un père. Un vrai père ne passe pas ses journées à se bourrer la gueule. Un père ne laisse pas sa fille gérer toute la merde à sa place !
Aussitôt, la gifle partit si vite que Joy ne la vit pas venir. Le choc se répercuta dans toute la pièce, suivi d'un silence glacial. Sa joue la fit souffrir, Joy plaça une main dessus par réflexe, mais ce n'était rien comparé à la douleur sourde qui lui étreignait la poitrine.
En quelques secondes, ses yeux se remplirent de larmes, mais elle refusa de les laisser couler devant lui.
— Tu me traites de père indigne ? marmonna Michael, son visage se tordant de colère et de frustration. C'est moi qui t'ai élevée !
— Félicitations Michael, s’exclama Joy, tu as élevé une fille qui te déteste !
Michael recula en titubant, surpris par la violence de ses paroles et sûrement aussi par le taux d’alcool qu’il avait dans le sang. Il finit par la relâcher, et Joy en profita pour reculer, le corps tremblant d'une colère qu'elle ne savait plus comment contenir.
— Tu sais quoi ? Je me casse, poursuivit-elle. Je vais chez Daniela. Je préfère y passer la nuit que de passer une seconde de plus avec toi !
Sans attendre de réponse, elle s'élança vers la sortie, attrapant son sac au passage. Michael resta figé sur place, sidéré par la tournure des événements.
Joy ouvrit la porte avec fracas, la claquant derrière elle. Le souffle coupé, le cœur battant, elle se dirigea vers la maison de sa meilleure amie sans un regard en arrière.
Lorsqu'elle arriva enfin à destination, elle était encore sous le choc. Daniela, surprise de la voir, et surtout dans un tel état, la fit entrer sans poser la moindre question. Joy manqua de s'effondrer sur le canapé, incapable de retenir ses larmes plus longtemps.
— C’est lui qui aurait dû mourir, marmonna-t-elle entre deux sanglots. Pas ma mère, lui.
Daniela, assise à côté d'elle, ne réagit pas, semblant distraite, les yeux rivés sur son téléphone.
Joy ne put s'empêcher de remarquer que cette dernière était absorbée par les messages que son petit ami lui envoyait. Ses larmes coulaient désormais à flots.
— Dani… Tu ne m’écoutes pas, affirma-t-elle faiblement, elle qui avait simplement besoin d’un soutien.
Mais Daniela ne leva même pas les yeux. Joy sentit une nouvelle vague de frustration monter en elle. Alors, elle se redressa brusquement.
— Laisse tomber, je m'en vais… J’ai compris.
Comme annoncé, elle se leva, prête à quitter la maison de son amie, mais Daniela lui saisit le poignet, la retenant doucement, bien plus délicatement que ce que Michael avait pu le faire.
— Hey… Reste ici, ok ? souffla Daniela, enfin consciente de la gravité de la situation. Je suis vraiment désolée, Joy. Tu sais que je t’aime plus que tout, pas vrai ? Plus encore que Marcus. Tu es ma meilleure amie !
Les mots de Daniela la touchèrent, et malgré la colère et la douleur, quelque chose en elle se détendit. Joy se laisse tomber à nouveau sur le canapé, épuisée. Daniela passa un bras autour de ses épaules, la serrant contre elle.
— Tout va bien, murmura t-elle. Je suis là maintenant.
Les deux amies s’endormirent finalement dans les bras l'une de l'autre, essayant de retrouver un semblant de paix après la tempête émotionnelle de la journée. Mais dans l'esprit de Joy, les mots de la Dame du Parc résonnaient encore. Elle finira par te laisser tomber.
Annotations
Versions