Chapitre 5

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Le lendemain matin, une sensation de légèreté s’était emparée de Joy, comme si les événements de la veille n’avaient jamais eu lieu. Elle avait fait le choix de ne pas en parler à Daniela. Elle voulait simplement se reposer auprès de son amie.

C’était samedi. Motivées et de bonne humeur, les deux jeunes femmes décidèrent de passer la journée à la bibliothèque.

Joy se disait que, peut-être, tout pourrait revenir à la normale.

— Prête ? lui demanda Daniela avec un sourire, en lui tendant une tasse de café qu’elle lui avait elle-même préparée, son fameux cappuccino préféré.

— Comme toujours, lui répondit Joy en esquissant un clin d’œil.

Les deux filles prirent leurs sacs et se dirigèrent vers la bibliothèque de l'université. Elles y trouvèrent Marcus et Liam, qui les avait rejointes peu après leur arrivée. Marcus salua Joy d'un signe de tête, visiblement plus détendu que d'habitude. Il y avait toujours une certaine gêne entre eux, mais ce jour-là tout semblait plus léger.

— Prêt à faire fonctionner tes neurones ? dit Marcus en s'asseyant à côté de Daniela.

— Si tu fais semblant de travailler, peut-être, plaisanta Daniela en lui adressant un coup de coude dans les côtes.

Liam, assis en face de Joy, se mit à rire. Il était toujours celui qui mettait de l'ambiance, un peu le clown du groupe. Joy se surprit à sourire ouvertement pour la première fois depuis longtemps.

La matinée se déroula dans une atmosphère légère. Entre deux éclats de rire, ils passèrent quelques heures à travailler sur leurs projets, mais surtout à se moquer les uns des autres et, surtout, à s’échanger une tonne de blagues et de potins. Même Joy se sentait plus calme, presque normale, au milieu de cette bonne humeur contagieuse.

Vers midi, Liam se leva brusquement après avoir jeté un coup d'œil à son téléphone.

— Bon, les amis ! C’est l’heure de faire une pause ! On va boire un verre, dit-il en refermant son carnet de notes. Il y a un petit bar pas loin, vous venez ?

Daniela acquiesça immédiatement en jetant un coup d'œil à Marcus, mais Joy hésita.

— Je crois que je vais passer mon tour, murmura-t-elle. Je suis un peu fatiguée.

Daniela la dévisagea un instant, un léger doute traversant son regard. Elle connaissait suffisamment Joy pour savoir que ce n'était pas vraiment la fatigue qui la retenait. Elle soupçonnait son amie de préparer autre chose. Peut-être même qu'elle allait retrouver cette mystérieuse dame dont elle lui avait parlé, celle qu'elle avait rencontrée dans le parc.

— D’accord, répondit-elle finalement, sans insister. Repose-toi bien.

— On se retrouve demain ? ajouta Marcus en se levant, le ton amical.

— Oui, sans faute, répondit Joy avec un sourire qu'elle espérait convaincant.

Aussitôt, ils ramassèrent leurs affaires et Joy les regarda s’éloigna, le rire de Liam résonnant encore à ses oreilles. Mais, dès que leurs silhouettes disparurent de son champ de vision, la jeune femme sentit son estomac se nouer. Son esprit la ramenait sans cesse au parc, à cette femme qui semblait avoir une emprise inexplicable sur elle.

Joy n'avait pas prévu d'y retourner. Malgré cela, ses pieds l’y guidèrent presque naturellement. En arrivant à l’intérieur du parc, elle ressentit une étrange familiarité, comme si elle était à sa place. Oui, c’était sa place.

La Dame du Parc était déjà là, immobile sur son banc habituel, les mains jointes sur les genoux. Elle ne bougeait pas, mais ses yeux étaient déjà fixés sur Joy à l’entrée du parc, comme si elle l’attendait.

Alors, sans réfléchir, Joy s'approcha doucement et s’assit à sa place désormais habituelle, l'air bien plus détendue que lors de leur première rencontre.

— Je t’attendais, lança calmement la Dame du parc, un mince sourire aux lèvres. Comment vas-tu, ma chère Joy ?

Joy haussa les épaules. Elle ne savait plus vraiment comment elle allait, mais quelque chose au fond d'elle la poussait à parler, à se livrer sur des choses auxquelles elle évitait de s’étendre dessus.

— Je me suis disputée avec mon père hier soir, répondit-elle enfin, la voix teintée d’une certaine frustration. Il était ivre, encore. Et... Je lui ai dit des choses que je ne pensais même pas... ou peut-être que si.

La Dame du parc écouta attentivement, sans l'interrompre, mais fronça légèrement les sourcils au mot “père”.

— Boit-il souvent ?

Joy rit nerveusement.

— Il boit tout le temps.

— Et que s’est-il passé ? Il t'a fait du mal ? demanda-t-elle sèchement, visiblement inquiète pour sa camarade de banc.

— Pas vraiment… Je veux dire, il m'a giflée, mais... c'est pas la première fois. C'est bon, j'ai l’habitude.

Un silence s’installa. La pluie de la veille avait laissé l'air humide et les feuilles des arbres bruissaient doucement autour d’elles.

— Pourquoi restes-tu chez toi ? demanda finalement la Dame du parc, son regard perçant plongé dans celui de Joy. Pourquoi ne pas partir ? Tu es majeure, tu es libre de faire ce que tu veux. Et encore moins de rester avec un père violent.

Joy savait qu’elle avait raison. Son cœur se serra.

— Parce que j’ai nulle part où aller.

L’inconnue se pencha légèrement vers elle, son visage si proche que Joy aurait pu en sentir son âme et connaître chacune de ses pensées. Mais les siennes lui prenaient déjà trop de temps pour qu’elle ne s’intéresse à celles des autres.

— Si tu pars, tu n’auras plus à le supporter. Tu as une vie compliquée, Joy. N’aggrave pas tes souffrances. Moi, je suis là. Je vais te protéger.

La jeune femme sentit un frisson lui parcourir l'échine. Il y avait quelque chose de rassurant et d'effrayant à la fois dans les paroles de la Dame du Parc qu’elle ne connaissait à peine. Pourtant, elle lui parlait comme si elle connaissait tous ses secrets, toutes ses peurs, toute sa vie.

Comme si elle savait exactement ce dont elle avait besoin.

— Personne ne te fera plus jamais de mal, insista-t-elle. Ni ton père, ni personne d’autre.

Joy pousse un long soupir. Elle voulait croire à ces promesses, mais quelque chose au fond d'elle hésitait encore. Elle aimait Daniela, malgré tout. Elle savait que Marcus et Liam n'étaient pas des ennemis, et que son père... eh bien, c'était toujours son père.

— Il y a des choses que tu ne comprends pas encore, dit la Dame d'un ton mystérieux. Mais tu finiras par les voir.

Et là, sous ce ciel lourd de promesses silencieuses, Joy se laisse envelopper par la présence de cette femme énigmatique, tout en se demandant si elle ne se perdait pas un peu plus à chaque seconde.

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