Chapitre 13
C’était une éternité. Voilà ce que pensait Joy de chaque jour qui passait. Cette mélancolie ne la quittait plus, tout comme cette angoisse constante. Pourtant, il y avait au fond d’elle une lueur de détermination. Elle savait qu’elle ne pourrait pas fuir indéfiniment. Il lui fallait retourner au parc. Elle le devait. Cette femme l’attendait depuis tout ce temps et, Joy, égoïste, l’avait laissée tomber, tout comme elle était en train de le faire avec Daniela.
Ce fut pourquoi, ce matin-là, Joy se leva avec cette décision claire : elle allait retourner au parc, loin des regards inquisiteurs de sa meilleure amie, là où elle serait enfin comprise.
Enfilant sa veste, Joy sortit dans l’air frais, indifférente au ciel gris promettant encore une fois de la pluie. Ses pensées tourbillonnaient autour de Daniela. Elle l’aimait, bien sûr, mais pourquoi ne pouvait-elle pas simplement laisser les choses être ? Pourquoi insistait-elle autant ?
En arrivant devant le parc, chaque pas lui semblait lourd, comme si le sol lui-même essayait de l'arrêter. Mais elle ne s’arrêta pas, au contraire. Elle se dirigea vers le banc où elle avait rencontré la Dame pour la première fois. En s'en approchant, son cœur battait plus vite, l'appréhension et la curiosité se mêlaient en elle. La femme était assise là, immobile. Sa silhouette semblait plus sombre que jamais. Lorsque Joy arriva, elle leva les yeux et un sourire froid se dessina sur ses lèvres.
— Te voilà ! s’exclama-t-elle. J’ai cru ne jamais te revoir.
— J’avais besoin de temps, répondit simplement l’étudiante d'une voix tremblante. Je suis désolée.
— Tu es désolée ? Désolée ?
La Dame éclata de rire, d'un rire désabusé. Ce fut la première fois que Joy l’entendit rire mais, plutôt que de la faire sourire, cette attitude lui glaça le sang.
— Que sais-tu vraiment de la désolation ? Je suis celle qui attend, celle qui est là même quand tout le monde te tourne le dos. Tu m'as abandonnée, Joy. Et tu sais quoi ? Ça me fait mal.
Le cœur de Joy se serra à ces mots. Elle avait voulu revenir pour comprendre, pour mettre des mots sur son malaise, mais l'hostilité de la Dame la déstabilisa.
— Je ne voulais pas vous faire de mal, mais je…
— Mais tu as préféré rester cachée, interrompit la mystérieuse femme, les yeux brillants de colère. Crois-tu que cette amie, Daniela, sera toujours là pour toi ? Elle ne sait rien de ta souffrance. Elle ne voit que ce qu'elle veut voir.
Joy sentit une boule d'angoisse se former dans sa gorge. Pourquoi parler à nouveau de Daniela ? Son cœur se serra. Certes, son amie ne la comprenait plus, c’était vrai. Mais l’abandonner ? Elle n’en était pas capable. Pourtant, la Dame avait raison sur un point : Daniela ne voyait pas toute la douleur qui l’habitait. Elle essayait de la forcer à parler, mais parler n’était pas toujours la solution.
— Daniela est mon amie, tenta-t-elle de répondre, la voix tremblotante. Elle veut juste m’aider, même si elle ne comprend pas tout.
La Dame se leva brusquement et s'avança vers Joy.
— Tu es si naïve, Joy. Si tu penses qu'une amie peut vraiment comprendre ta douleur, alors tu n'as jamais connu la solitude. Je suis ta seule véritable amie, celle qui t'a ouvert les yeux sur la réalité. Si tu me perds, tu perds tout.
La colère et la peur se mêlèrent en elle, mais Joy refusa de céder.
— Daniela veut juste comprendre, dit Joy, comme pour se convaincre elle-même. Elle veut être là pour moi, c’est tout.
La Dame se mit à rire.
— Comprendre quoi ? Que tu n’es plus la même personne ? Que tu ne peux pas tout lui dire ? Si elle était vraiment ton amie, elle aurait compris. Au lieu de ça, elle continue à t’inonder de questions. Et toi, tu te laisses faire. Pourquoi, Joy ?
Joy serra les poings, luttant contre le doute qui montait en elle. Elle ne savait pas pourquoi Daniela ne pouvait pas lâcher prise, mais elle refusait d’abandonner leur amitié.
— Parce qu’elle compte pour moi… Même si elle ne comprend pas tout, elle reste mon amie.
La Dame se redressa, un sourire moqueur aux lèvres.
— Une amie n’a pas besoin de tout savoir. Si Daniela ne le comprend pas, alors peut-être qu’elle n’est pas l’amie que tu crois.
Joy secoua la tête, déterminée à ne pas se laisser manipuler. Oui, Daniela était intrusive parfois, mais c’était aussi parce qu’elle tenait à elle.
— Je ne vous laisserai pas me faire douter de ça, rétorqua Joy, sa voix plus assurée cette fois. Daniela est mon amie, même si elle ne comprend pas tout. Je choisirai toujours de rester à ses côtés.
La jeune femme se surprit elle-même de son audace, sa voix plus ferme qu'elle ne l'aurait cru. La Dame se rapprocha encore, son visage si proche que Joy pouvait voir la fureur dans ses yeux. Son sourire avait disparu.
— Très bien, soupira-t-elle. Mais quand elle te décevra, quand elle ne comprendra toujours pas qui tu es vraiment, tu te souviendras de mes paroles.
Joy resta silencieuse, les mots de la Dame résonnant dans son esprit. Elle avait toujours su que Daniela et elle évoluaient différemment, mais elle refusait de croire que cela les séparerait.
Alors elle se leva, se retourna et s’éloigna, le cœur battant. Elle avait eu peur, mais elle se sentait plus forte à présent. Elle avait affronté ses démons et, pour la première fois, elle avait choisi de ne pas se laisser dévorer par eux. En sortant du parc, elle prit une grande bouffée d'air frais, chassant les doutes qui l’assaillaient.
Au fond d'elle-même, elle savait qu'elle devait être prête à défendre son amitié avec Daniela. Quoi qu'il arrive, elle ne laisserait pas la Dame gagner. Sa vie était précieuse, et l’amitié qu'elle partageait avec Daniela était sa plus grande force.
Annotations
Versions