Chapitre 17
Malgré les messages et appels incessants de ses amis, Joy n’avait donné de signe de vie depuis deux jours. Au début, Daniela avait pensé qu’elle lui en voulait, comme souvent ces derniers temps. Mais Joy n’était pas du genre à s’absenter si longtemps, du moins sans prévenir. Ni son père, ni personne d’autre ne l’avait vue. Évidemment, Daniela craignit le pire. Peut-être que l’incident du parc avait quelque chose à voir avec cela, ou peut-être pas. Daniela décida d’aller au parc une nouvelle fois, espérant y trouver une trace de son amie ou même de la mystérieuse Dame du parc. Mais une fois sur place, le lieu était toujours aussi vide, silencieux. Pas une silhouette familière en vue, ni sur le banc, ni ailleurs. L’angoisse de Daniela grandissait.
Daniela réfléchit alors au seul endroit où Joy aimait se réfugier quand elle n’allait pas bien : leur rocher. Peut-être qu’elle était là-bas.
Le cœur battant, Daniela se précipita vers le sentier qui menait au rocher. Elle gravit le chemin escarpé à toute vitesse, ignorant les branches qui fouettaient ses jambes. Elle avait peur. Plus elle s’approchait du sommet, plus elle craignait ce qu’elle allait découvrir.
En arrivant près du rocher, elle aperçut enfin Joy, figée, suspendue au bord du vide, les pieds à quelques centimètres du précipice.
— Joy ! s’écria Daniela, le souffle coupé.
Mais Joy ne réagit pas immédiatement. Elle semblait perdue dans ses pensées, son regard fixé sur l’horizon. Daniela s’approcha doucement, son cœur battant à tout rompre.
— Joy, qu’est-ce que tu fais ? murmura-t-elle, la voix tremblante. Est-ce que c’est… est-ce que c’est la Dame du parc qui t’a demandé de venir ici ?
Joy tourna enfin la tête, ses yeux rouges et cernés trahissant des nuits sans sommeil. Un sourire amer se dessina sur ses lèvres.
— Bien sûr que c’est elle, répondit-elle d’une voix ferme. Qui d’autre ?
Le cœur de Daniela se serra. La situation était bien plus grave qu’elle ne l'avait imaginée.
— Joy, écoute… Il n’y avait personne au parc l'autre jour, murmura-t-elle doucement, choisissant ses mots avec précaution. Je t’ai vue… tu parlais à quelqu’un, mais il n’y avait personne à côté de toi. La Dame… elle n’existe pas.
Le visage de Joy changea instantanément. Ses yeux s’écarquillèrent de colère, ses lèvres se crispèrent.
— Pardon ? s’offusqua Joy, d’une voix remplie d’indignation. Qu’est-ce que tu racontes ? Bien sûr qu’elle existe !
Daniela recula d’un pas sous la violence des mots de Joy, mais elle ne pouvait pas la laisser ainsi, pas dans cet état.
— Joy, je t'en prie, écoute-moi… murmura-t-elle, tentant de rester calme malgré la panique qui l'envahissait. Je sais que tu souffres, mais… cette femme… elle n’est pas réelle. Elle n’est pas là. Je t’ai vue ce jour-là. Tu étais seule.
Les larmes commencèrent à couler sur les joues de Joy, mais son regard restait dur, presque glacé. Elle serra les poings, tremblant de rage.
— Tu comprends vraiment rien, Dani. Elle est partie quand elle t’a vue !
— Avant même que tu… qu’elle ne me voie, tu parlais seule.
Joy secoua la tête.
— T’es jalouse, c’est ça ? Parce qu’elle me comprend, elle ?
Une vague de désespoir envahit Daniela qui pensa, à cet instant, que c’était peine perdue. Mais elle ne pouvait abandonner celle qui avait été là pour elle à peine quelques jours auparavant.
— Je ne suis pas jalouse… Je pense qu’elle te manipule. Si elle te comprenait, elle ne t’aurais pas envoyée ici.
À nouveau, Joy secoua violemment la tête, refusant d'entendre.
— Elle veut ce qu’il y a de mieux pour moi.
Sous le coup de la colère, la jeune femme recula encore plus près du bord, et le cœur de Daniela s'arrêta un instant.
Une seconde d’hésitation dans ses yeux, la réalité de la situation commença à la rattraper.
— Je suis fatiguée, Daniela, murmura-t-elle finalement, la voix brisée. Tellement fatiguée de tout ça.
Daniela s'approcha un peu plus, sa voix devenant un chuchotement doux, presque suppliant.
— Je sais que tu es fatiguée, Joy. Je le sais. Mais je suis là pour toi. Toujours. Je suis là, d’accord ? Regarde-moi.
Les yeux de Joy vacillèrent, cherchant un point de repère. Un silence pesant s’installa entre elles, le vent soufflant légèrement.
— Regarde-moi, Joy.
Joy détourna enfin les yeux du vide et les posa sur Daniela. Ses épaules s'affaissèrent, et dans un soupir, elle avança d’un pas vers son amie. Ses jambes tremblaient, et elle finit par tomber à genoux, en sanglots.
Daniela s’élança vers elle, l’entourant de ses bras, la serrant fort. Les larmes de Joy trempèrent son épaule, mais ce n’était rien. Elle tenait enfin son amie, et c’était tout ce qui comptait.
— Je suis là, Joy. Je suis là, et je ne te laisserai pas tomber.
Ce fut la dernière fois que Daniela prit sa meilleure amie dans ses bras.
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