un rendez-vous
Le serveur apporta les assiettes et tous deux commencèrent leur repas. Mathieu ne la quittait pas des yeux, ce qui la mettait mal à l’aise. Son regard bleu lui transperçait cette carapace qu’elle s’était forgée durant toutes ces années au journal. Son visage était allongé, et si bien rasé qu’elle pensait qu’il devait s’épiler. Il était très chic, bien coiffé, habillé d’un costume à quatre chiffres. Elle se demanda, alors, pourquoi il l’avait invité au restaurant ? Voulait-il des informations, ou simplement une relation amicale ? Elle lui sourit, espérant déclencher une réponse sur ses intentions. Il lui rendit son sourire. Peut-être voulait-il simplement, passer une nuit avec la plus en vogue des journalistes. Mathieu baissa la tête et racla sa gorge tout en se rasseyant sur sa chaise, il avait l’air mal à l’aise.
— Tu reviendras dans le coin ? Lui demanda-t-il.
— Pour quoi faire ? Je ne suis pas fan de randonnées, les gouffres me font peur et en plus je crois que je suis allergique au pollen. Et puis, ici, je ne suis pas très bien dans mes baskets.
Mathieu se mit à rire.
— Tu n’es pas fan de randonnée parce que personne ne t’a fait découvrir le coin. Quant au pollen, il y a des tas de remèdes. Pour les baskets, il suffit d’en changer.
— Et bien, si je reviens, je retournerai au gîte d’Anna.
— C’est une très bonne idée. J’espère que tu me préviendras de ta venue ?
— Certainement. Tu connais Régis, je crois.
Mathieu s’appuya sur le dossier de la chaise et lui fit un grand sourire en posant ses couverts délicatement sur sa serviette.
— Bien entendu, pourquoi ?
— Le barman nous avait dit qu’il lui donnait à manger. Maintenant qu’il n’est plus là, je m’inquiète pour lui.
Il posa les coudes sur la table et appuya son menton sur ses mains tout en ne la quittant pas des yeux.
— Tu t’inquiètes pour Régis ?
— Oui, c’est normal.
— Non pas vraiment. En général, les gens ne s’inquiètent pas pour un inconnu.
— Et bien moi oui. J’essaierai de le voir avant de partir.
— Et tu lui souhaiteras bon courage ?
— Bien sûr que non. Tu vois, au début, on croyait qu’il était proche de la secte, et même qu’il aurait pu être le tueur en question.
— Régis ? Pouffa-t-il.
— Oui, oh, je sais. Maintenant que j’ai parlé avec lui, je sens bien qu’il n’en serait pas capable.
— Il faut se méfier des apparences, dit-il en reprenant sa place et en croisant les bras.
— Non, je l’ai vu dans son regard. Il est mystérieux, mais certainement pas un tueur. Je lui donnerai ma carte, et s’il est en galère, je m’arrangerai pour qu’il ne manque de rien.
— Tu es bien aimable. Tu fais ça avec tous les sans-abris ?
— Non, sinon je serai ruinée.
— Alors… Pourquoi Régis ? Demanda-t-il en s’approchant d’elle.
Cynthia sourit, elle ne savait pas quoi répondre. Elle repliait sa serviette dans tous les sens en jetant des regards à Mathieu. Il attendait sa réponse, des lasers dans les yeux. Gênée, Cynthia bafouilla, replia encore une fois sa serviette et finit par s’appuyer sur son dossier en inspirant.
— Je ne sais pas ! Sans vouloir t’offusquer… Je l’aime bien. Il a l’air très gentil.
— Ça ne m’offusque pas !
Le serveur leur donna la carte des desserts. Cynthia fit la moue.
— Tu n’aimes pas les desserts avec de la crème je crois.
Elle releva les yeux. Comment savait-il ça ?
— Non, je ne les aime pas trop. Répondit-elle sèchement. Je vais prendre un déca.
— Très bien moi aussi alors.
Il fit un signe au garçon et commanda les cafés ainsi que l’addition.
— Tu crois qu’il y a une secte dans la région ? Lui demanda-t-elle.
— Tu m’as déjà posé cette question, et je te réponds à nouveau, non, je ne pense pas.
— Nous sommes allés au musée à Cahors. Une pierre a été retrouvée, il y a longtemps, avec le même symbole que celui qui est gravé sur les corps.
Le serveur posa les cafés et donna l’addition à Mathieu qui lui rendit avec sa carte bleue.
— Où veux-tu en venir ?
— Je pense sincèrement qu’il y a un rapport.
— Et moi qui croyais que tu n’étais plus sur l’affaire. Lui répondit-il en posant, de nouveau, les coudes sur la table.
Il la regarda droit dans les yeux. Son regard bleu lui glaça les veines. Son visage était figé, sans aucune expression. Elle comprit que cet homme était peut-être la clef de toute cette affaire et voilà la raison de cette entrevue au restaurant. Elle frémit à l’idée d’être en face d’un des responsables des meurtres. Il ne bougeait pas d’un poil, attendant une réaction de sa part. Elle devait trouver un subterfuge pour partir.
« Si ça se trouve, je suis en train de dîner avec le gourou de la secte ».
— Tu penses que je fais parti de cette secte en question, n’est-ce pas ?
— Je ne sais pas, peut-être ? À toi de me le dire.
— Je ne fais parti d’aucune secte, Cynthia. J’ai autre chose à faire que prier des dieux inexistants.
— Dans mon métier, j’ai appris à me méfier de tout le monde. Les gens mentent beaucoup.
— Je ne te mens pas. Cette histoire fait beaucoup de tort à la région, et je le déplore. Mais je pense que ça va se tasser et que les gendarmes vont interpeller le meurtrier.
— Le ou les assassins !
— Bien entendu ! Tu m’as dis que vous partez dans deux jours, c’est ça ? Dit-il en essayant de la ramener sur un autre terrain.
Mais Cynthia, têtue et convaincue qu’il était étroitement lié à cette affaire, poursuivi la conversation sur le symbole en forme de Z barré qui était incrusté sur la poitrine des victimes. Elle voulait savoir ce qu’il représentait. Selon Mathieu, il se pourrait qu’il s’agisse du symbole d’un clan, sans plus d’explications.
— Tu sais quelque chose n’est-ce pas ? Lui dit-elle en s’avançant vers lui.
— Je ne t’ai pas invité au restaurant pour parler de cette histoire.
— Ah oui ? Alors pourquoi m’avoir invité ?
Mathieu se leva, il avait l’air confus.
— Je dois rentrer. Lui dit-il en posant des pièces sur la table.
— Attends, tu ne m’as pas répondu.
— Je ne peux rien te dire, Cynthia. Bon retour chez toi.
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