Chapitre 6 - Vibration
Une fois installés dans le fond du jardin sur un banc recouvert d'un coussin molletonné, le jeune homme poursuit là où leur conversation avait été coupée en arrivant chez leur hôte :
— Alors, comme ça, avec ta grande sœur vous êtes proches ?
Maéline se perd un instant dans ses souvenirs : les séances de déguisements et de maquillage, les confidences sous la couette une fois les parents endormis, les crépages de chignon pour la salle de bain ou l'attention parentale, les sorties incessantes de son aînée ces derniers temps. La rouquine soupire, un sourire amer sur le visage :
— Oui, on a nos engueulades mais on s'entend bien. Elle est ma confidente.
— T'as de la chance, avec mon frère c'est prises de tête sur engueulades. Il me colle aux pattes et ça me gave. Mes parents prennent toujours son parti.
— C'est pas juste ! Chez nous, c'est un coup sur deux, en règle générale. Et souvent, on se défend quand l'une se fait reprendre, au grand désespoir de mes parents.
— Pourquoi t'as le visage triste quand tu parles de ta sœur alors ?
Maéline resserre ses mains sur le verre et regarde son contenu, presque vide désormais. Comme l'appartement...
— C'est compliqué ces derniers temps.
— Comment ça ?
La jeune fille se replie sur elle-même, les pieds vers l'intérieur, le dos voûté. Boire. Sa gorge se noue, la goulée a du mal à descendre. Elle en voudrait bien une autre malgré tout, mais le contenant est irrémédiablement vidé de son contenu. Le bras de Romain l'enveloppe tandis que sa main libre vient attraper les doigts crispés sur le gobelet :
— Hey, t'es pas obligée de répondre. Je...
Un contact doux et tiède dans son cou. Une vibration. Ses yeux se posent sur les lèvres de Romain. Maéline sent sa nuque encore humide du baiser déposé avec délicatesse. Irrésistible attraction. Plus rien ne compte que sa bouche, que cet instant. Pulsion de vie.
Elle s'approche et sent le souffle de Romain animer quelques mèches de ses cheveux. Maéline a chaud. Il réduit la distance, leurs nez se frôlent. Elle hésite, a peur soudain de se tromper. Mais au fond l'adolescente ne veut pas penser, juste se laisser porter. Romain semble répondre à cet appel invisible et l'embrasse, avide. Ce baiser en appelle un autre. Leurs lèvres se caressent, se quittent un instant pour mieux se retrouver dans un élan de désir sans cesse décuplé. Les mains du jeune homme entourent la taille fine pour l'amener à lui, puis une main glisse vers la jambe de Maéline pour l'installer sur sa cuisse musclée. Bientôt, la rouquine se retrouve à califourchon sur son amant. Elle pose ses mains sur les joues de ce dernier, tandis qu'il la serre contre lui. Leurs langues se cherchent, s'invitent pour une danse timide tout d'abord, puis de plus en plus enflammée.
Une sonnerie retentit. Maéline écarquille les yeux, se recule légèrement. Cette sonnerie... Elle sort son smartphone de son sac pour y voir afficher le mot "Papa". Hésitation. Décision : elle appuie sur le rejet d'appel.
— C'était qui ? demande Romain, en caressant les cuisses de la jeune fille.
— Mon père, répond Maéline le visage sombre.
— Un emmerdeur, comme le mien, on dirait.
Romain attrape des mèches rebelles et les place derrière les oreilles de Maéline tout en s'extasiant :
— T'es vraiment trop belle !
Nouvelle danse de leurs lèvres et de leurs langues. Un tango désormais. Leurs corps se pressent davantage. Leurs respirations s'accélèrent. L'adolescent glisse ses mains sous l'attache de la robe pour caresser le dos en partie dénudé. Puis ses doigts s'attardent sur le soutien-gorge. Maéline sent son corps se raidir légèrement, une imperceptible réticence. Elle s'écarte des lèvres tant convoitées et regarde le jeune homme en silence avant qu'il ne convienne :
— Si t'as pas envie, t'as juste à me le dire. J'ai cru que tu voulais.
— Pas maintenant.
— Ok, viens par là, tes lèvres me manquent déjà trop !
Nouveau baiser.
— J'ai soif, tu veux quelque chose, propose l'adolescent, les lunettes à moitié descendues de son nez.
Maéline sourit et replace ces dernières :
— Je veux bien un Coca, merci.
— Je reviens avec deux verres alors.
Il dépose une bise sur son front avant de prendre la direction de la maison. Depuis combien de temps n'a-t-elle pas ressenti cela ? Ces vibrations de vie qui rebondissent en échos dans tout son corps ?
Lorsqu'il reparaît, Maéline pouffe : Romain porte dans chaque main un grand gobelet et se retrouve obligé de tenir le sac de chips entre les dents.
— Va...llait ien... .ra...sier... peu !
L'amusée se lève, tend les bras vers la bouche de Romain :
— Attends, je t'enlève ta muselière, j'ai rien compris.
— Ahhh, c'est mieux ! Fallait bien se rassasier un peu ! s'exclame-t-il.
Les deux adolescents explosent de rire.
— T'es encore plus jolie quand tu rigoles.
— Mes chevilles vont exploser à force !
— Y'a jamais assez de compliments, lâche-t-il en lui tendant un Coca.
Lorsqu'il ne reste plus que les verres et l'emballage vides, Romain attire Maéline pour qu'elle se love au creux de son épaule. La jeune fille ôte ses ballerines pour étendre ses jambes sur le banc. Ils lèvent tous les deux les yeux au ciel pour contempler la nuit se parer de ses lumières scintillantes, puis Romain demande tout en caressant les cheveux de la jeune fille :
— On se revoit quand ?
— Aussi vite que possible !
— À ce point ?
— Je suis déjà habituée à te sentir près de moi.
— Moi aussi. Alors... disons, mardi soir après le bahut. J'ai mes derniers cours.
— J'ai déjà fini donc pas de soucis pour moi.
— Tu viens chez moi ?
— Je pensais essayer la crêperie illimitée qui vient d'ouvrir.
— Présenté comme ça : la plus belle jeune fille et des crêpes à s'en exploser le bide. Je peux pas refuser ! Ça me fait penser, il est quelle heure ?
Les deux adolescents cherchent leur smartphone, Romain dégaine le premier :
— Minuit, va pas falloir que je tarde.
— Déjà ?
— Mes parents peuvent être vraiment relous sur certains trucs comme les temps de sortie. Si je veux pas me retrouver interdit de crêpes mardi soir, mieux vaut que je sois de retour avant une heure.
— Ils vérifient que t'es bien rentré ?
— Pire, ils m'attendent. Et toi ?
— Moi ?
Frisson glacé. Vide abyssal. Sourire plaqué sur le visage.
— Ils dorment.
— Je t'aurais bien proposé de rentrer ensemble mais Lucas me dépose, il a le permis et interdiction de faire monter des personnes inconnues. Ses parents sont pires que les miens.
— Je préfère marcher de toute façon. Au fait, tu me files ton numéro ? Comme ça, on se redit l'heure pour mardi soir.
Échange de numéros, baisers salés, retour solo empli de rêveries de tendresse partagée.
Annotations
Versions