Il n’avait jamais parlé d’Anna à ses parents. Comment leur expliquer sa rencontre, et cette marque qui les unit ? Cet amour irrationnel, à distance, ces échanges de messages via le Grand Canard, ils ne comprendraient pas !

 Augustin songeait qu’au PMU, certains pariaient des sommes folles sur des bourrins.

 Ses parents, d’origine modeste, avaient décidé de tout miser sur un gamin. Ils s’étaient littéralement sacrifiés pour lui offrir la meilleure éducation. Malgré de nombreux cours particuliers, il n’était pas le premier de sa classe. Pire: même pas dans le trio de tête. Augustin ne s’était jamais senti à la hauteur de leurs attentes.

 À ses potes aussi, il cachait la vérité. Il ne pouvait pas leur annoncer qu’il était papa de trois jolis canetons. Ils se moqueraient, et dans le quartier tout le monde le prendrait pour un fou.

 Il s’approcha du précipice. Il ne voulait pas de l’avenir que lui proposaient ses parents.

 Travailler dans le monde de la finance, devenir avocat, ou médecin, ce n’était pas pour lui. Peut-être, accepteraient-ils qu’il soit enseignant ?

 Il aimait Anna, et même s’il ne les avait jamais vus, il chérissait déjà ses trois canetons.

 Quelle vie choisir ? Il attendait juste un signe du destin.

 Augustin était au bord du vide, et, surpris par une rafale de vent, il bascula.

 Il n’eut pas le temps de hurler. Sa chute fut brève, il tomba de sa hauteur et se retrouva suspendu dans les airs.

 Dans son crâne, une voix grave résonna :

— Ton heure n’est pas encore venue. N’aie pas peur de ta différence.

 Augustin sentit un souffle puissant et chaud le propulser sur la Roche.

 Incrédule, le cœur battant la chamade, il se releva pour reprendre sa place initiale.