À cinq heures, le réveil sonna. Harold grommela avant de se redresser péniblement. Il ne devait pas arriver en retard à l’usine, sinon son chef allait profiter de l’occasion pour le virer. Dans la pénombre, à moitié somnolent, il se leva et fonça dans l’armoire. À peine surpris par le choc, machinalement, il changea de direction, puis il se cogna le pied contre la valise qu’il avait laissé traîner la veille. Furieux, il alluma la lumière, s’habilla et se frotta longuement les yeux.

 Cette nuit, il fut tiré de son sommeil, plus de dix fois,  par les cris d’un canard. Hagard, il alla pisser.

 Ces putains de cauchemars, même s’il ne voulait pas le reconnaître, il en connaissait l’origine. Hors de lui, il hurla et cogna la cloison en plâtre.

 Tout avait commencé depuis qu’il avait envoyé valdinguer ce foutu canard et tabassé cette petite vieille.

 Calmé, tout en navigant sur internet avec son smartphone, il mangea son bol de céréales, son œuf dur et ses biscottes recouvertes de beurre, et il s’interrogea.

 Dans la presse locale, ces derniers jours, il n’avait pas vu d’article du type : « une vieille dame passée à tabac, une octogénaire agressée violemment ».

 Faut croire qu’il ne l’avait pas frappé si fort. Amusé par la robustesse de sa victime, durant un instant, il la soupçonna d’être une sorcière et d’avoir élaboré un breuvage de guérison.

 Harold fit sa vaisselle rapidement, regarda sa voiture par la fenêtre et convaincu qu’on lui avait lancé un sortilège, il pesta.

 Avec un seau rempli d’eau chaude, une éponge, et des gants, résigné, il alla dehors nettoyer son pare-brise couvert de fientes. En le frottant énergiquement Harold remarqua un pigeon perché sur le mur mitoyen. Avant de rentrer chez lui, il le dévisagea, puis rapidement, sac à dos sur l’épaule, il revint, s’installa au volant de sa voiture et démarra pour filer à toute vitesse.

 À la sortie du village, le feu de chantier passa au orange fixe, Harold s’arrêta. Derrière lui, les voitures s’accumulèrent. Pour passer le temps, il regarda en direction de l’étang. Sur le chemin, il vit une joggeuse. Son cœur, s’emballa, il plissa les yeux, aucun doute, c’était sa victime. Cette vieille dame était en train de courir aussi vite qu’une jeune femme de vingt ans.

 Le feu se mit à clignoter, Harold s’apprêta à démarrer mais une salve de fientes s’abattit sur son pare-brise.

 Fou de rage, il tourna la tête, et vit au loin, la sorcière, toute souriante, le saluer de la main.

 Des coups de klaxon retentirent. Hystérique, Harold ouvrit sa portière pour descendre de son véhicule, puis en brandissant ses poings, il insulta l’automobiliste impatient.