Après avoir couru douze kilomètres, en sueur, Josette poussa la porte de sa maison et, heureuse, elle se laissa choir sur canapé. La vieille dame n’en revenait toujours pas: depuis sa guérison miraculeuse, elle débordait d’énergie. N’étant plus limitée par son corps usé, elle en profitait.

 Ce matin, à proximité de l’étang, durant sa séance de course à pied, elle avait aperçu son agresseur à bord d’une voiture. Elle n’avait pas eu peur, car elle savait que le Grand-Canard était là pour la protéger.

 Elle se redressa, souleva son tee-shirt puis caressa son flanc droit tout en le contemplant. Sur sa peau flétrie, une tâche en forme de canard s’était formée.

 Cette marque mystérieuse était fascinante. Elle ne se lassait pas de la regarder. Brusquement, l’octogénaire se leva, et en sautillant telle une biche, la main sur le ventre, elle fila à la salle de bain.

 Enfermée dans sa cabine de douche, elle cria à plusieurs reprises, puis elle entrouvrit la porte pour déposer quatre œufs dans un panier en osier garni de paille.

 Josette se lava durant cinq bonnes minutes avant de sortir de la cabine, et de passer son peignoir.

 Toute souriante, elle sécha rapidement ses cheveux. Ses mains ridées se refermèrent autour du panier, et en chantonnant, elle se dirigea dans sa chambre.

 Lentement, elle souleva la couverture de son lit. Doucement, elle déposa les quatre œufs du jour, à côté des autres dans la cagette.

 Josette gloussa en songeant à son nouveau statut. Pour le Grand-Canard, elle était devenue une véritable poule pondeuse.

 Âgée de quatre-vingts ans, au crépuscule de sa vie, avec son corps décrépi, elle allait donner naissance à une ribambelle de canetons.