Rideaux fermés, le souffle d'un ventilateur ainsi que les cliquetis du clavier et de la souris étaient les seules sources de bruit. Il est quatorze heures. Ulysse est, comme à son habitude, dans sa sombre chambre éclairée par la lumière bleue de son écran d'ordinateur.

Une odeur de renfermé y plane. Il ne la sent pas. De la vaisselle traîne sur son bureau, un monticule de vêtements se dresse près de son lit, son piano numérique est au repos, derrière lui.

En face d'Ulysse, un jeu en ligne. Il y joue seul cette fois. Il n'aime pourtant pas ça mais, qu'a-t-il d'autre à faire de plus intéressant ? Lire, peut être ? Non. Les livres proposés par le lycée ne l'intéressent pas. Ce qui le ferait rêver, ce serait un bon récit d'aventure, dans un monde fantaisiste où cohabitent humains et créatures diverses et variées, ou encore un roman dystopique où l'homme serait oppressé par la technologie, mais sûrement pas les classiques du XVIIème. Il pourrait très bien jouer du piano, mais il estime s'être assez pratiqué aujourd'hui.

Alors il attend. Il attend que quelque chose se passe, que quelqu'un l'appelle pour jouer, ou sortir. Ulysse aime voir des amis mais, par les temps qui courent, c'est bien plus complexe qu'avant. Alors il joue.

À seulement quinze ans, son train de vie est monotone. L'année passée, marquée par une pandémie, a mis en pause toute la planète. Commerces fermés, lieux culturels et parcs de loisirs également. Justificatif de déplacement, hypocondrie qui se démocratise, peur de l'autre, méfiance, haîne. Une société censée s'entraider en cette situation de crise, est pourtant plus divisée que jamais.

Alors il est là, sur son ordinateur, entre deux cours en ligne, à jouer.

Lassé, il navigue sur le net et survole l'actualité internationale. Rien de nouveau. Devant lui s'étendent les articles habituels : Un discours présidentiel sur la pandémie, les faits divers de la région, un énième titre alertant sur l'écologie et les vies qui en souffrent...

Seul un article attire son attention : celui d'un adolescent qui aurait disparu. Désorienté par le monde d'aujourd'hui, et atteint de monachopsis, il s'est évadé dans sa réalité utopique. Une réalité où il se sent vivant. Le témoignage des parents explique qu'il a commencé par aller dans son univers pendant de courtes durées, puis ensuite pendant plusieurs jours. Cela fait maintenant deux semaines qu'il y est.

Ce phénomène interpelle Ulysse. Il est de plus en plus fréquent. Face à cet article, il n'éprouve pas spécialement de pitié pour les parents, mais est rêveur à propos de l'évadé, qui a pu trouver le lieu où l'ennui n'existait plus.

Il ferme l'article, et rentre le lien de son prochain cours de visio.